Quelques grands commissionnaires de transport ont commencé à s’engager dans la promotion de solutions de décarbonation des transports internationaux, à l’instar de Bolloré Logistics ou Clasquin pour les acteurs français. Pour sa part, Ovrsea a décidé de publier son livre blanc sur le sujet, afin d’évangéliser ses clients et d’être de plus en plus pro-actif dans la préconisation de solutions bas-carbone.
« En tant que commissionnaire, nous avons un rôle central à jouer dans une chaîne logistique fragmentée » justifie Charles Dubouix, en charge de la stratégie Net-Zéro chez Ovrsea, qui a piloté le livre blanc de cette jeune pousse de la commission de transport, dont les équipes, plutôt jeunes, sont plutôt sensibilisées sur le sujet. Ce rôle est précisément celui de « facilitateur », par la transmission des informations, et de plus en plus selon lui, celui de « prescripteur de solutions », car, « nos clients sont demandeurs ».
D’où la réalisation de ce livre blanc « Décarbonation du transport international de marchandises : enjeux et leviers d’action », qui fait la synthèse des enjeux en terme de lutte contre le changement climatique et de conformité réglementaire, des problématiques propres au transports internationaux et des solutions existantes. Il déroule aussi le cadre et la méthodologie que compte suivre Ovrsea pour proposer systématiquement à ses clients « des solutions alternatives », une stratégie et des outils.
Prise de conscience croissante chez les chargeurs
Le chemin est long. Certaines études montrent qu’à la faveur des catastrophes climatiques, des cris d’alarme du GIEC et de l’arrivée de réglementations européennes et françaises qui ont durci les contraintes pesant sur les entreprises en terme de reporting, de prix du carbone et de réduction des gaz à effets de serre (GES), la prise de conscience est croissante chez les chargeurs : la part de ceux calculant les émissions de leurs transports seraient passée de 37 % à 54 % entre 2021 et 2022, selon une étude du Smart Freight Center cité par le livre blanc. Mieux, une enquête du BCG mené auprès de 125 grandes entreprises établit que 82 % se disent prêtes à payer pour des solutions premium de transport bas-carbone.
Mais peut-être s’agit-il de grandes entreprises. Chez Ovrsea, la part des clients étant passé à l’action se situerait entre 5 et 10 % contre 80 % hésitant encore et 10 % qui na s’en préoccupent pas. « Notre objectif est d’en convaincre 35 à 40 % » souligne Antoine Sauvage, co-fondateur et directeur technique d’Ovrsea.
Concrètement, le commissionnaire a développé sur sa plateforme un outil de bilan carbone avec des indicateurs visibles et simples à interpréter (comme le taux d’émission par tonne transportée au kilomètre). Et pour les prescriptions à ses clients, il compte utiliser deux des cinq leviers validés par l’Ademe* : la demande de transport, en recommandant systématiquement un report modal sur le mode le moins carboné, et l’intensité carbone de l’énergie utilisée par les modes de transport.
Des intensités carbone variables selon le mode de fret
– Aérien : 1036 gCO2eq/tkm
–Routier : 137 gCO2eq/tkm
–Fluvial: 33 gCO2eq/tkm
–Ferroviaire : 24 gCO2eq/tkm
–Maritime : 7 gCO2eq/tkm
Report modal et intensité carbone des carburants
A cet égard, prévient-il, il n’y aura pas de solutions miracles, « il faudra utiliser tous les outils » souligne Charles Dubouix. Et se montrer persuasif. Par exemple pour le report modal. Passer de l’aérien au maritime augmente certes le temps de transit, mais le gain en termes d’émission de CO2 est colossal : « le maritime est 50 fois plus efficace que l’aérien » indique Charles Dubouix permettant, sur un même trajet, de faire passer le taux d’émission de 81,95 gCO2 à 1,54 gCO2. « Il y a un véritable gisement », surtout si l’aérien n’est plus utilisé que pour les « urgences ».
Pour sa part, sur l’international, le ferroviaire est actuellement restreint, notamment sur l’axe Asie-Europe, en raison de la guerre en Ukraine. Et s’il est décarbonné en France, grâce au nucléaire, il l’est beaucoup moins ailleurs, où l’électricité peut provenir d’énergie fossiles comme le charbon. Ovrsea l’évoque à peine dans son document. Mais il pourrait, en temps de paix, offrir également une alternative, à condition d’être prêt à passer « de 3 à 45 jours » de stock.
Quand au levier de l’intensité carbone des énergies utilisées, il mise sur l’arrivée des carburants alternatifs pour la propulsion des navires, dont le gaz naturel liquéfié (GNL), qui permet de réduire les émissions de 20 %, et les biodiesels, qui parviennent à des baisses de 80 %.
Dans ce domaine, le frein sera le surcoût appliqué par les compagnies car ces carburant sont deux fois plus chers que le fioul lourd. Il pourrait atteindre 15 %. « Mais la taxonomie européenne avec ses nouveaux prix du carbone permet de mieux les valoriser » estime Charles Dubouix. L’objectif, en faisant la promotion de ces carburants auprès des chargeurs, est aussi de « donner un signal aux compagnies maritimes », pour qu’elles accélèrent leurs investissements dans ce domaine grâce aux bénéfices mirobolants accumulés ces deux dernières années.
Christine Gilguy
*Selon une équation validée par l’Ademe et mise au point par le chercheur Aurélien Bigo, il existe 5 leviers pour décarboner le transport et la logistique : la demande de transport (t.km), la demande de transport par mode (t.km), la circulation des véhicule du mode (veh.km), la consommation énergétique du mode (Mtep) et les émissions de CO2 du mode (MtCO2).