C’est un pas majeur que viennent de franchir deux rivaux et géants européens et mondiaux du transport maritime, CMA CGM et Maersk : la signature d’un accord de partenariat pour œuvrer ensemble à l’accélération de la décarbonation du transport maritime et contribuer à l’élaboration d’un cadre réglementaire international. Les deux armateurs appellent les autres acteurs du maritime à les rejoindre dans cette démarche. Une forme de réponse à l’appel d’offre lancé le 14 septembre par l’alliance de grands chargeurs ZEMBA pour du fret décarboné.
(Mis à jour le 19/09 à 16H)
La coopération annoncée par deux grands acteurs européens du transport maritime mondial (Maersk est n° 1, CMA CGM n° 3 en volume de conteneurs), s’effectuera dans plusieurs domaines liés à la décarbonation, avec un fort focus sur les bio-carburants et les normes. « Pionniers de la transition énergétique du transport maritime, les deux groupes sont convaincus des avantages d’une action commune pour accélérer la transition énergétique de leur secteur, s’inspirant mutuellement de leurs expériences afin d’aller plus loin et plus vite » insiste leur communiqué commun publié le 19 septembre.
Les deux groupes, qui visent la neutralité carbone (Net Zero Emission), s’appuient déjà sur « des solutions déployables à grande échelle dont les effets pourront être visibles au cours de la décennie à venir » et en prenant individuellement des mesures dans ce sens. C’est Maersk qui a passé commande de nouveaux navires fonctionnant au bio/e-méthanol. CMA CGM est pour sa part en train de se doter d’une flotte de navire au GNL pouvant aussi être alimentés au biométhane et e-méthane et a commandé des navires capables de fonctionner au bio/e-méthanol.
Mais les deux compagnies s’attendent à ce que le futur mix énergétique utilisé dans le transport maritime intègre d’autres filières dans les années à venir. D’où l’idée de collaborer dès maintenant sur ces filières de carburants alternatifs en devenir ainsi que sur des normes réglementaires communes. Avec, selon le communiqué, trois grands axes :
-La mise en place de critères exigeants en matière de carburants alternatifs durables – notamment l’analyse du cycle de vie complet de ces carburants et des gaz à effet de serre générés – et la contribution à la définition d’un cadre de production de masse de méthane vert et de méthanol vert.
-La mise en place et le respect de critères d’exploitation des navires fonctionnant au méthanol vert en matière de sécurité et d’avitaillement, et l’accélération de la capacité d’avitaillement et d’approvisionnement en bio/e-méthanol des principaux ports à travers le monde.
-La poursuite des travaux conjoints de R&D sur d’autres composantes de la solution de Net Zero, en particulier les nouveaux carburants alternatifs tels que l’ammoniac, ou les technologies d’innovation applicables à leurs navires.
Estimant tout deux que la réglementation et les incitations gouvernementales (programme Fit for 55 de l’UE, IRA américain) jouent un rôle majeur pour inciter les acteurs du maritime à investir et stimuler leur transition, CMA CGM et Maersk confirment également « leur volonté de collaborer avec les autorités de régulation dans la mise en place d’un cadre réglementaire international, solide et durable, concernant les gaz à effet de serre, et invitent les autres entreprises maritimes internationales qui le souhaitent à se joindre à ce travail de coopération avec les instances réglementaires ». Pour les deux groupes, la création d’un tel cadre est « un préalable à la réduction des émissions de CO2 dans le secteur du transport maritime et à l’instauration de règles équitables dans un environnement économique international ».
« Ce partenariat est une étape importante pour la décarbonation de notre industrie. En combinant le savoir-faire et l’expertise de deux leaders du transport maritime, nous accélérons le développement de nouvelles solutions et de nouvelles technologies, permettant à notre industrie d’atteindre ses objectifs de réduction des émissions de CO2, commente Rodolphe Saadé, P-dg de CMA CGM. Nous espérons être rejoints par d’autres entreprises. » « A.P. Moller – Maersk veut accélérer la transition écologique dans le transport maritime et la logistique, et pour ce faire, nous avons besoin d’un engagement fort de la part de nos partenaires dans l’ensemble du secteur, confirme de son côté Vincent Clerc, directeur général d’A.P. Moller – Maersk. Nous sommes heureux d’avoir CMA CGM pour allié car cela prouve que lorsque nous nous unissons grâce à des efforts et des partenariats déterminés, une voie tangible et optimiste vers un avenir durable se dessine. »
Une réponse à l’appel d’offres de l’alliance ZEMBA ?
Les observateurs du secteur maritime ne manqueront pas de voir dans cette annonce une réponse à l’appel d’offre lancé le 14 septembre dernier par le Zero Emission Maritime Buyers Alliance (ZEMBA), une alliance formée par de grands chargeurs (Ikéa, Amazon, BMW, Volkswagen…), pour faire transporter, sur trois ans, quelque 600 000 EVP de marchandises sur des porte-conteneurs propulsés par des carburants décarbonés.
ZEMBA avait été lancée en tant qu’organisation à but non lucratif en mars 2023 par l‘Institut Aspen, Amazon, Patagonia et Tchibo dans l’objectif d’accélérer le déploiement commercial de services d’expédition zéro émission à grande échelle. Pour ce premier appel d’offres, ZEMBA a obtenu la collaboration de 20 de ses membres, tous d’importants chargeurs : Amazon, Bauhaus, Brooks Running, Chewy, Electrolux Group, Flexport, Green Worldwide Shipping, IKEA, Levi Strauss & Co., lululemon, Meta, Moose Toys, New Balance, Nike, Patagonia, Philips, Schneider Electric, Sport-Thieme et Tchibo.
C.G