Acteur méconnu du financement des grands contrats d’exportation depuis 2016, la Sfil s’est fait une place discrète mais solide dans le domaine du refinancement de crédits exports couverts par Bpifrance Assurance Export. En marge de la présentation de ses résultats semestriels, le 14 septembre*, ses dirigeants en ont dit plus au Moci.
« L’activité du crédit export a poursuivi sa progression » se félicite Philippe Mills, directeur général de la Sfil (à gauche sur notre photo), lors d’un entretien en visioconférence accordé au Moci en marge de la présentation, le 14 septembre, des résultats semestriels* de cette banque publique de développement plus connue pour ses financements aux collectivités locales que pour ses activités plus récentes dans le refinancement de crédits export.
Pourtant, lentement mais sûrement depuis le lancement de cette activité en 2016, la Sfil, dont la solidité financière permet de lever des fonds dans les meilleures conditions, y prend sa place, contribuant à faciliter le bouclage des montages financiers de grands contrats tricolores. En 6 ans, incluant la période particulière de la Covid, 10,6 milliards d’euros (Md EUR) de crédits export ont ainsi été refinancés par la Sfil, qui ont contribué à boucler 19,7 Md d’opération.
Diversification des opérations export
La diversification des secteurs d’intervention a été particulièrement marquée ces dernières années : aux traditionnelles opérations liées aux grands contrats d’armement et à la construction navale (navires de croisière), sont venus s’ajouter les financements export liés à des projets d’infrastructures, de production d’énergie renouvelable, ou encore de satellite, menés par des entreprises françaises.
Exemples d’opérations : un refinancement de 287 M EUR pour les turbines Heliade-X de la filiale française du groupe américain GE, GE Renewable Energy, livrées dans le cadre du projet de parc éolien offshore géant de Dogger Bank, au Royaume Uni. Autre exemple : un refinancement de 157 M EUR pour un projet d’électrification mené par Vinci au Bénin, qui doit permettre de porter à 75 % le taux d’accès à l’électricité dans ce pays.
Enfin, Sfil a signé son premier refinancement de crédit export dans le secteur spatial pour un montant de 114 M USD, dans le cadre d’un contrat décroché par Airbus pour fournir un satellite de télécommunications mobiles à la société publique émirati Yahsat.
La tendance semble se poursuivre en 2022. Au premier semestre, Sfil a signé pour la première fois un refinancement de 68 M EUR dans le cadre d’un projet routier : il s’agit de la rénovation d’un tronçon de la route côtière Abidjan – San Pedro, reliant Grand Lahou à Fresco (75 km), dont le chantier est confié au groupe français Razel-Bec, filiale du groupe Fayat.
Cette dernière opération pour la Côte d’Ivoire a aussi été la seule opération bouclée en refinancement de crédit export depuis le début de l’année. « Mais on prévoit d’en faire quatre autres cette années » rassure le directeur général.
« Un soutien à tous les secteurs industriels actifs à l’export »
De fait, comme le rappelle Pierre-Marie Debreuille, directeur Crédit export de la Sfil (à droite sur notre photo), la banque de développement s’affirme comme « un soutien à tous les secteurs industriels actifs à l’export ».
En six ans, le nombre de ses partenaires bancaires a triplé pour atteindre 27 aujourd’hui : on y trouve les grandes banques commerciales françaises actives sur les financements de grands contrats tricolores à l’export (Crédit Agricole, BNP Paribas, Natixis, Société Générale, CIC…), mais aussi de nombreuses banques étrangères (HSBC, ING, BBVA, Unicrédit, JP Morgan, ABN Amro, Barclays, etc.), ces grands contrats étant le plus souvent financés par des pools de banques de toutes nationalités.
Au total 11 grands groupes industriels exportateurs français ont bénéficier de cette facilité pour boucler 21 opérations, mais ils sont au total une trentaine de grands noms de l’industrie à être intéressés par cette source de financement. « 32 entreprises nous sollicitent régulièrement » souligne Philippe Mills.
Ces grands exportateurs consultent souvent en amont d’appel d’offres, pour boucler le volet financier de leur dossier de candidature. Les affaires se réalisent ou pas, mais la Sfil est désormais solidement installée dans la boite à outils dont ces industriels disposent pour participer à la compétition internationale dans leur secteur. « En moyenne, souligne Pierre-Marie Debreuille, nous apportons 40 % de la liquidité des crédits export français ».
150 dossiers dans les tuyaux
Si le premier semestre 2022 a été plutôt calme dans le contexte géopolitique tourmenté que l’on sait, les perspectives sont plutôt encourageantes au vu du nombre de dossiers dans les tuyaux : 159, pour un montant total de 59 Md EUR de refinancement potentiel.
Le secteur des croisières est à nouveau porteur après la parenthèse du Covid, une bonne nouvelle pour les Chantiers de l’Atlantique : les grands croisiéristes, qui avaient été contraints de demander des rééchelonnements de dette au plus fort de la crise de la Covid-19, ont renoué avec la profitabilité et veulent « investir dans des bateaux plus propres ». Dans la défense et le spatial, « le contexte géopolitique pousse à l’augmentation des dépenses souveraines ».
Alors que les crédits export publics français dans le secteur des hydrocarbures sont appelés à se tarir progressivement d’ici à 2035 selon le calendrier de retrait fixé par le gouvernement français, les besoins explosent au contraire dans les énergies vertes et les infrastructures, portés par les projets d’investissement en lien avec le changement climatique, la transition écologique et la transformation numérique : « il y aura des opportunités dans les énergies renouvelables, la construction de réseaux, le nucléaire, l’hydrogène vert » égraine Pierre-Marie Debreuille.
« Dans notre nouveau plan stratégique 2022-2026, nous avons un objectif d’un montant de refinancement de crédits export supérieur à 3 milliards d’euros par an, ce qui représente une augmentation de 40 % par rapport à notre précédent plan stratégique 2016-2021 » complète Philippe Mills.
Accroître son impact dans les projets durables
Accroître sa contribution au financement de la transition écologique fait partie des grands axes fixés pour le crédit export dans le nouveau plan stratégique. « On a la volonté d’accroître notre impact sur les projets durables » insiste Pierre-Marie Debreuille.
La Sfil, qui se finance via l’émission d’obligations, est en train de travailler sur un nouveau programme de levée de fonds « verts ». Une partie serait allouée au refinancement de crédits export dans le cadre de projets d’investissement internationaux conformes à la taxonomie européenne ou aux objectifs de développement durable (ODD) de l’ONU, dans lesquels seraient impliqués des « intérêts français », et bénéficiant d’une couverture d’assurance-crédit export publique fournie par une agence de crédit export d’un pays membre de l’Union européenne ou affiliée à une institution financière multilatérale.
Ce projet est assez avancé. « Nous travaillons sur des dossiers pilotes » indique Pierre-Marie Debreuille. L’accord de la Commission européenne, qui avait déjà donné son feu vert à l’intervention de la Sfil sur des crédits export français classiques, sera toutefois requis pour cette nouvelle activité.
Des discussions à Bruxelles sont prévus à l’automne, qui impliqueront, côté français, la DG Trésor, et côté Commission, la direction de la Concurrence de Margrethe Vestager. Les dirigeants de la Sfil sont confiants sur les chances d’obtenir une décision favorable, mais le processus risque de prendre du temps. « Nous espérons mettre en œuvre ce projet en 2023 » indique Pierre-Marie Debreuille.
Christine Gilguy
*Chiffres clés de la Sfil
(1er semestre 2022)Résultat net comptable consolidé : 46 M EUR
Résultat net récurrent consolidé : 34 M EUR
Total bilan consolidé : 69,1 Md EUR
Prêts acquis auprès de la Banque postale : 3,3 Md EUR
Prêts crédit export transférés : 0,1 Md EUR
Obligations émises : 4,1 Md EUR
Coefficient d’exploitation sur RBE récurrent : 59 %
Ratio CET 1 : 36,4 %.