Plutôt lentes au démarrage, les institutions européennes ont réagi massivement, depuis la mi-mars, pour faire face à la propagation de la pandémie Covid-19, y compris avec des programmes d’aide aux entreprises.
Faute de disposer des compétences nécessaires sur le plan sanitaire, les mesures se sont d’abord concentrées sur la coordination et la mise en commun des moyens nationaux. La Commission a également débloqué une enveloppe financière, disponible dans le cadre du budget actuel, pour renforcer la réponse des Etats membres dans leur lutte contre la pandémie.
Un certains nombre de ces mesures intéressent directement ou indirectement les entreprises, notamment les PME. Voici un point détaillé.
1 – Fonds d’investissement au bénéfice des secteurs les plus touchés par la crise, notamment les PME.
Le 10 mars, la commission annonce la création d’un fonds d’investissement qui permettra aux Etats membres d’avoir accès à 37 milliards d’euros provenant des fonds de cohésion afin de renforcer les systèmes de santé, soutenir les PME, les dispositifs de chômage partiel et les services de proximité.
Le 30 mars, le Conseil formalise cette décision en adoptant deux actes législatifs pour libérer rapidement ces fonds issus du budget de l’UE :
– Le premier modifie les règles des Fonds structurels et d’investissement.
– Le second élargit le champ d’application du Fonds de solidarité de l’UE.
Voici pour chacun les détails.
1.1- Conséquences de la refonte temporaire des règles des Fonds structurels et d’investissement
Cette refonte laissera, aux Etats membres, une plus grande flexibilité pour procéder à des transferts entre les programmes relevant de la politique de cohésion afin de réorienter les ressources là où les besoins se font le plus sentir.
Le nouveau Fonds d’investissement disposera donc d’une enveloppe initiale de 37 milliards d’euros répartis comme suit :
– 8 milliards d’euros proviendront des préfinancements non dépensés en 2019 au titre des Fonds structurels.
– Un montant supplémentaire de 29 milliards d’euros sera versé en avance au titre de crédits qui auraient été dus dans le courant de l’année.
Financements disponibles pour la France(données Commission européenne) :
– Total des investissements liés aux liquidités libérées : 650 millions d’euros (dont préfinancements non utilisés : 312 millions d’euros; cofinancement par le budget de l’UE : 338 millions d’euros).
– Les dotations non utilisées en faveur de la cohésion par la France : 1311 millions d’euros.
Qui gère ces fonds pour la France ?
En France ce sont l’Agence nationale de la cohésion des territoires et les services de l’État et les Régions qui sont mobilisés pour utiliser les crédits européens restants de la période 2014-2020.
Objectif : recenser les crédits disponibles sur la programmation en cours et recueillir les types d’opérations qui pourraient être financées.
A court terme et pour répondre à l’urgence, les fonds européens pourraient être utilisés pour l’achat de matériel médical (masques et appareils respiratoires) et soutenir les TPE / PME.
À moyen et plus long terme, et une fois la crise passée, les fonds européens pourraient abonder à un plan de sauvetage et de relance économique.
Ces fonds d’investissement ont été mis à disposition à partir du 1er février 2020 afin de couvrir les coûts déjà engagés pour sauver des vies et protéger les citoyens.
2.2- Conséquence de la modification du champ d’application du Fonds de solidarité de l’UE
Le Conseil (organe de représentation des Etats membres à Bruxelles) a également modifié le champ d’application du Fonds de solidarité de l’UE afin d’y inclure, outre les catastrophes naturelles, les urgences de santé publique.
Compte tenu de l’urgence de la situation, ces deux actes législatifs (1 et 2) ont été publiés au Journal officiel de l’Union européenne le 31 mars pour une entrée en vigueur le 1er avril 2020.
Plus d’informations :
* Règlement concernant l’initiative d’investissement : https://data.consilium.europa.eu/doc/document/PE-5-2020-INIT/fr/pdf
– Règlement élargissant le champ d’application du Fonds de solidarité de l’UE : https://data.consilium.europa.eu/doc/document/PE-6-2020-INIT/fr/pdf
– Information sur les fonds de cohésion en France : https://www.europe-en-france.gouv.fr/fr
– Liste et contact des autorités compétentes en France (Régions) : https://ec.europa.eu/regional_policy/en/atlas/managing-authorities/?search=1&keywords=&countryCode=FR&typeId=ALL
2/ Des lignes directrices pour assurer des « corridors verts » et limiter les freins au trafic au sein du marché unique.
Face aux fermetures successives de certaines frontières du marché intérieur, décidées sans concertations entre les Etats membres, la Commission a annoncé le 23 mars la publication de lignes directrices visant à créer des corridors verts et ainsi garantir la fluidité des chaînes d’approvisionnement.
Les Etats membres ont été invités à désigner sans délai tous les points de passage frontaliers intérieurs pertinents du Réseau transeuropéen de transport (RTE-T) comme des corridors verts.
Les postes-frontières de la voie verte devraient être ouverts à tous les véhicules de fret, quelles que soient les marchandises qu’ils transportent.
Le franchissement de la frontière, y compris les contrôles et les examens de santé, ne devrait pas prendre plus de 15 minutes.
À la suite de la vidéoconférence organisée le 18 mars entre les ministres des Transports de l’UE, la Commission européenne a mis en place un réseau de points de contact nationaux et une plateforme * pour fournir des informations sur les mesures nationales prises par les États membres dans le domaine des transports en réponse au coronavirus.
Plus d’informations :
* Les temps de traversée des frontières au sein de l’UE peuvent être consultées sur ce site : https://covid-19.sixfold.com
– Panorama des mesures prises par l’UE et les Etats membres dans le domaine des transports : https://ec.europa.eu/transport/coronavirus-response_en
3/ Mise en accès libre des normes européennes recommandées pour fabriquer les dispositifs médicaux de protection.
Pour encourager, et faciliter la tâche des entreprises qui décident de reconvertir leurs chaînes de production afin de fournir rapidement des équipements aux professionnels de santé et aux patients, la Commission a annoncé le 23 mars dernier l’accès gratuit aux normes européennes recommandées pour fabriquer les dispositifs médicaux de protection (masques, gants, lunettes vêtements de protection).
Le Comité européen de normalisation (CEN) et le Comité européen de normalisation électrotechnique (CENELEC) ont convenu de mettre à disposition, 11 normes élaborées par le CEN et éventuellement trois autres, élaborées conjointement avec l’ISO. Celles-ci peuvent désormais être téléchargées gratuitement sur les sites des membres nationaux, soit l’Afnor (Association française de normalisation) pour la France :
Pour télécharger les normes mises en accès libres depuis le site de l’Afnor : https://www.boutique.afnor.org/COVID-19?_ga=2.138524218.843644958.1585063001-789392239.1585063001
4/ Mesures de restriction des exportations de masques et autres équipements médicaux de protection
Face à la pénurie de masques au sein de l’UE, la Commission a adopté, le 15 mars, un système temporaire d’autorisation d’exportation pour ces équipements. « Cela veut dire que ces exportations hors de l’Union européenne devront être autorisées par les gouvernements de l’Union européenne », a précisé Ursula Von Der Leyen, la présidente de l’exécutif, dans une courte déclaration filmée postée sur son compte Twitter.
La mesure est limitée à une période de six semaines à partir de sa publication au JO de l’UE, soit le 14 mars 2020. La mesure a d’ores et déjà été mise en application en France.
Détail du règlement publié dans le JO de l’UE : https://eur-lex.europa.eu/legal-content/FR/TXT/HTML/?uri=OJ:L:2020:077I:FULL&from=EN
5/ Constitution de la première réserve commune de matériel médical (RescUE)
Autre mesure décidée par la Commission pour éviter des pénuries de matériel médical : la constitution de la toute première réserve commune baptisée RescUE. Présenté le 27 mars à Bruxelles, le dispositif est d’abord doté d’une enveloppe initiale de 50 millions d’euros; 30 millions supplémentaires seront ajoutés quelques jours plus tard portant le financement total à 80 millions d’euros.
Fonctionnement de RescUE :
– La réserve sera hébergée par un ou plusieurs États membres. Les États d’hébergement seront responsables de l’acquisition du matériel.
– La Commission financera 90 % de la réserve.
– La distribution du matériel sera géré par le Centre de coordination de la réaction d’urgence ( https://ec.europa.eu/echo/what/civil-protection/emergency-response-coordination-centre-ercc_fr)
Composition du matériel médical de la réserve :
– Des équipements médicaux de soins intensifs tels que des respirateurs.
– Des équipements de protection individuelle tels que des masques réutilisables.
– Des vaccins et traitements.
– Du petit matériel de laboratoire.
Liste non exhaustive.
6/ Passation conjointe de marché pour l’achat de dispositifs médicaux.
Parallèlement à la création d’une première réserve médicale européenne, les États membres ont lancé des achats groupés d’équipements de protection individuelle, de respirateurs et de dispositifs de dépistage du nouveau coronavirus SARS-Cov2 dans le cadre d’un accord de passation conjointe de marché.
Cette approche coordonnée vise à renforcer la position des États membres pour négocier la disponibilité et le prix des médicaments avec le secteur.
Historique :
La pandémie de grippe H1N1 survenue en 2009 avait déjà mis en lumière les faiblesses concernant l’accès et le pouvoir d’achat des pays de l’UE pour obtenir des vaccins et des médicaments contre les pandémies. En 2010, la Commission, pressée par le Conseil, commence à plancher sur la création du mécanisme.
L’accord de passation conjointe de marché est approuvé par la Commission le 10 avril 2014. En février 2020, 25 pays de l’UE, ainsi que le Royaume-Uni, l’avaient signé.
Contenu de l’accord :
– Il fixe les modalités pratiques du mécanisme ;
– il définit la procédure décisionnelle relative au type de procédure choisi ;
– et il organise l’évaluation des offres et l’attribution du marché.
Pour être bien préparés face à une menace transfrontière grave pour la santé, les institutions de l’UE et les pays signataires de l’accord de passation conjointe de marché peuvent engager une procédure conjointe pour acheter :
– des vaccins ;
– des antiviraux ;
– des contre-mesures médicales destinées à lutter contre des menaces transfrontières graves pour la santé.
7/ La BEI mobilise 40 milliards d’euros à destination des entreprises.
Le 16 mars, dans un communiqué, la Banque européenne d’investissement (BEI) a annoncé qu’elle prévoyait des ressources supplémentaires « pour le secteur de la santé, pour des aménagements d’urgence, et pour la mise au point de médicaments et de vaccins ».
Par ailleurs, précisait ce communiqué, 40 milliards d’euros seront également mobilisés « avec des garanties provenant du Groupe Banque européenne d’investissement et du budget de l’Union européenne », pour apporter son soutien aux entreprises touchées de plein fouet par la pandémie de coronavirus.
Trois éléments au programme :
– Des programmes de garantie spécifiques pour les banques afin de permettre un déploiement immédiat de 20 Md EUR de financements
– Des lignes de liquidités spécifiques pour les banques, destinées à soutenir davantage les fonds de roulement des PME et des ETI, représentant 10 Md EUR.
– « Des programmes spécifiques d’acquisition de titres adossés à des actifs pour permettre aux banques de transférer le risque sur des portefeuilles de prêts destinés à des PME », avec à la clé 10 Md EUR.
Les mesures décrites ci-dessus comprendront des critères de déploiement afin de s’assurer qu’elles s’adressent vraiment aux entreprises qui souffrent des effets de la pandémie covid-19.
Le Groupe BEI – et notamment le Fonds européen d’investissement (FEI), spécialisé dans le soutien aux PME – travaillera avec des intermédiaires financiers dans les États membres et en partenariat avec des banques nationales de promotion économique.
La liste des intermédiaires du FEI pour les financements liés à la COVID-19 seront publiés sur la page spéciale du site du FEI dès que les accords de financement y afférents auront été conclus : https://www.eif.org/what_we_do/covid-19-response/index.htm.
Sources d’informations générales pour les PME et ETI à la recherche de financements :
– Prêts intermédiés : comment la BEI et ses partenaires peuvent aider votre entreprise : https://www.eib.org/fr/products/loans/intermediated-loans.htm.
– Prêts directs aux ETI : https://www.eib.org/fr/products/loans/index.htm.
– Pour consulter le réseau actuel des intermédiaires financiers de la BEI en France : https://www.eif.org/what_we_do/where/fr/index.htm.
Kattalin Landaburu, à Bruxelles