En Côte d’Ivoire, le duel entre le Suisse Webb Fontaine, société chargée de l’inspection des marchandises avant embarquement (au départ du pays d’origine) et du contrôle des importations, et le Français Bureau Veritas, via sa filiale Bivac compétente pour scanner les produits à l’arrivée à Abidjan, est loin d’être terminé, s’invitant même dans l’agenda de la ministre française du Commerce extérieur.
C’est le dernier épisode en date : lors de son voyage au Ghana et en Côte d’Ivoire, les 18 et 19 novembre, Nicole Bricq s’est émue auprès des autorités ivoiriennes de la « méthodologie » utilisée pour accorder, en mars 2013, lors du renouvellement du contrat, le marché du contrôle des importations à Webb Fontaine, à l’origine une SSII basée en Suisse d’une centaine de salariés qui s’est lancée dans l’inspection des marchandises (Nigeria…). Une attribution qui s’est faite au détriment de Bivac, qui en était chargée depuis mai 2004, et « selon des critères qui ne reposent pas sur les codes en vigueur dans le monde», affirme à la Lettre confidentielle un représentant de la communauté française d’Abidjan.
L’interlocuteur de la LC, qui « a bossé sur le dossier », s’étonne que le gouvernement ivoirien ait pu choisir «une société sans grande expérience, dont le cœur du métier n’est pas l’inspection, basée à Genève, mais qui a aussi une boîte aux lettres à Dubaï ». Résultat : les plaintes se succèdent, notamment de la part de la Fédération nationale des industries et services de Côte d’Ivoire (FNISCI), qui dénonce les surcoûts financiers et l’allongement des délais de dédouanement. Son président Joseph-Désiré Biley a pointé les risques de la gestion actuelle des importations pour les recettes de l’État et la compétitivité des entreprises.
Mais rien n’y fait. « Comme la méthode d’évaluation de la valeur des produits a été changée, je dois maintenant payer 570 000 francs CFA par conteneur à Abidjan, alors que j’acquittais auparavant un forfait de 86 000 FCFA », s’insurge un importateur de produits intermédiaires pour l’industrie légère, qui s’étonne encore que « Jean-Louis Billon ait pu laisser passer cela ».
Jean-Louis Billon, ministre du Commerce, de l’Artisanat et de la Promotion des PME, est un homme apprécié des milieux d’affaires pour avoir présidé le groupe agro-industriel Sifca et la Chambre de Commerce et d’Industrie de Côte d’Ivoire. Il a covalidé la décision évinçant Bivac avec la ministre ivoirienne déléguée auprès du Premier ministre chargée de l’économie et des Finances. Selon un opérateur européen à Abidjan, la rumeur qui court à Abidjan veut que plusieurs dirigeants de la structure locale de Webb Fontaine soit des proches de la famille Ouattara.
Mais la SSII Webb Fontaine se défend en évoquant le transfert de technologie qu’elle effectue au profit des Douanes ivoiriennes et les nouvelles technologies qu’elle introduit, lui permettant ainsi de réaliser des contrôles à plus grande échelle qu’un scanner et jusqu’au port de San Pedro à l’ouest. Des arguments contestés, dans la mesure où un scanner – qui est aussi un outil sophistiqué : celui de Bivac a coûté 7 millions d’euros – n’a pas vocation à vérifier toutes les cargaisons.
D’après les grands opérateurs du métier, comme SGS et Bureau Veritas, un scanner vérifie en moyenne 6 % des flux. En outre, il est de notoriété publique que Bivac négociait l’installation d’un second scanner à San Pedro à la date des faits évoqués au moment du renouvellement du contrat.
François Pargny