Consommation / Europe : l’activisme bouscule les comportements (Cetelem)

« La consommation est en train de bouger, le consommateur veut aujourd’hui consommer mieux mais veut aussi consommer moins », a déclaré d’entrée Jean-Marie Bellafiore, directeur général délégué de BNP Paribas Personal Finance, en introduction de la conférence de présentation des résultats de L’Observatoire Cetelem de la consommation 2020, le 28 janvier à Paris.

Prendre l’avion, manger de la viande, utiliser des emballages plastiques… Certaines habitudes de consommation sont aujourd’hui remises en cause par les Européens face aux enjeux environnementaux. C’est l’un des grands enseignements de l’édition 2020 de cette enquête d’opinion qui décrypte et analyse depuis 35 ans les tendances de la consommation des ménages en Europe.

Intitulée Le temps du consommateur activiste, la nouvelle étude s’intéresse à la prise de conscience des Européens en faveur d’une consommation plus responsable voire durable.

J.-M. Bellafiore : « Le consommateur devient activiste »

« Le consommateur devient activiste », a ainsi exposé Jean-Marie Bellafiore. « Un consommateur activiste, c’est un consommateur qui veut consommer à la fois de façon plus responsable et de façon plus durable », a-t-il développé.

En effet, l’enquête conduite en ligne du 30 septembre au 22 octobre 2019 par Harris Interactive auprès de 14 200 personnes (âgées de 18 à 75 ans) dans 15 pays européens* montre que le consommateur d’aujourd’hui est plus attentif sur la façon dont il consomme.

Pour Flavien Neuvy, directeur de l’Observatoire Cetelem, « cet activisme naissant va prendre de l’ampleur au cours des prochaines années ». Car l’enquête dresse un constat unanime : le consumérisme ne séduit plus la société de consommation à l’heure de la lutte contre le réchauffement climatique et du plastique bashing. Explication.

Les consommateurs européens ont une vision pessimiste de l’avenir de la planète. Ainsi, 60 % des individus sondés considèrent que « le point de non-retour » a été « atteint » et que « la Terre va vivre un scénario catastrophe ». Cette inquiétude se répercute sur l’envie de consommer. Ainsi, 22 % des Français, « pratiquement un quart, c’est beaucoup », a glissé Flavien Neuvy, affirment avoir « les moyens » mais ne pas avoir « envie de dépenser ».

En d’autres termes, consommer à outrance est mal perçu. « Aujourd’hui, la prise de conscience environnementale à laquelle on assiste depuis quelques années est réelle et elle suscite de l’angoisse », a livré Flavien Neuvy. En outre, l’incertitude quant à l’avenir de la planète génère de l’inquiétude. C’est cette inquiétude qui conduit à l’activisme estime le directeur de L’Observatoire Cetelem.

L’enquête relève également une autre tendance. Les consommateurs culpabilisent vis-à-vis des enjeux environnementaux.

Quand le consommateur a mauvaise conscience

L’enquête montre ainsi que respectivement 35 % et 27 % des Européens ont « mauvaise conscience » lorsqu’ils mangent de la viande et qu’ils achètent de nouveaux habits tandis que 21 % culpabilisent de prendre l’avion.

Un sentiment sans doute exacerbé par leur perception de la société de consommation. Près de la moitié (48 %) des individus interrogés jugent la société de consommation « matérialiste » tandis que 38 % la considèrent « superficielle » et 29 % respectivement « manipulatrice » et « individualiste » ou encore « influencée » pour 24 % des sondés.

Puisque le consommateur culpabilise, il consomme moins. Ainsi, 42 % des Européens ont « le sentiment de consommer moins ». En France, 44 % des personnes interrogées affirment acheter moins. L’âge d’or des Trente Glorieuses et d’une consommation insouciante, symbole d’une amélioration des conditions de vie, semble donc révolu.

La « déconsommation » touche la viande et l’habillement

« On est peut-être rentré dans un début de déconsommation », a jugé Flavien Neuvy. Car l’heure est davantage au « consommer mieux » voire au « consommer moins ». Cette « déconsommation » touche de plein fouet certains secteurs comme l’agroalimentaire et l’habillement.

« En l’espace d’une vingtaine d’années, la consommation de viande en France a beaucoup baissé », a ainsi relaté le responsable de l’Observatoire Cetelem. Celle-ci est passée de 93,6 kilos par habitant et par an en 1998 à 87,5 kilos en 2018 d’après les statistiques de FranceAgriMer citées dans l’étude. Parallèlement, 56 % des Européens sont prêts à réduire ou supprimer leur consommation de viande.

Sur ces dix dernières années, les ventes de textiles neufs ont baissé de 15 % dans l’Hexagone a également rappelé Flavien Neuvy. « A contrario, la vente de vêtements d’occasion est en train de monter en puissance », a-t-il ajouté.

Consommer autrement : le localisme a la cote

Les Européens sont prêts à agir pour réduire leur consommation. Et là encore, leur engagement est plus qu’affirmé, confirmant un activisme émergent puissant, marqué par la conscientisation environnementale.

Ainsi, 87 % des individus sondés se disent prêts à privilégier les appareils électroménagers durables quitte à les garder plus longtemps et avoir des modèles moins innovants tandis que 84 % se disent prêts à limiter l’achat d’objets/emballages en plastique.
Ils sont également 84 % à être prêts à privilégier l’achat et la consommation de produits locaux, de saison, bio.

Rappelons que l’Observatoire Cetelem avait mis en évidence l’an dernier un tropisme régional quant à l’origine des produits achetés. Les résultats de cette année viennent clairement confirmer ce choix avec une nette progression du régionalisme. Ainsi, pour 43 % des Européens, « encourager l’achat de produits fabriqués localement », c’est-à-dire dans leur pays, est « tout à fait prioritaire ». Seuls 5 % des Européens considèrent que ce n’est « pas important ». En France, privilégier des produits made in France est une priorité pour 52 % des consommateurs interrogés.

La société entre dans une nouvelle ère de la consommation. L’enjeu au cours des prochaines années sera à la fois pour les entreprises, les magasins, les enseignes, les distributeurs et les marques d’être en capacité de répondre aux exigences des consommateurs européens. Ces derniers « exigent aujourd’hui des enseignes des produits de meilleure qualité avec une bonne traçabilité respectueuse de l’environnement », a prévenu le directeur de l’Observatoire Cetelem.

À défaut de répondre aux attentes de ces nouveaux consommateurs activistes, les entreprises « sont vouées à perdre des parts de marché » car le consommateur activiste « il changera tout simplement de magasin ou de marque », a conclu Flavien Neuvy.

Le défi qui s’impose aux acteurs de la consommation est donc considérable.

Venice Affre

*Méthodologie : les terrains de l’enquête consommateurs quantitative ont été conduits par Harris Interactive dans 15 pays : Allemagne, Autriche, Belgique, Bulgarie, Espagne, France, Hongrie, Italie, Pologne, Portugal, République tchèque, Roumanie, Royaume-Uni, Slovaquie et Suède.

Pour en savoir plus :
Consulter l’étude de L’Observatoire Cetelem de la consommation 2020 en PDF ci-dessous