La Banque mondiale, qui vient de publier ses perspectives économiques pour cette année, a revu à la baisse la plupart de ses prévisions de croissance en raison des tensions financières dans les économies émergentes et en développement.
Après avoir affiché une hausse de 3,1 % en 2022, le PIB mondial ne devrait croître que de 2,1 % en 2023, selon les dernières prévisions de la Banque mondiale. Les économies émergentes et en développement (hors Chine) sont celles dont la décélération sera la plus brutale, leur croissance passant de 4,1 % en 2022 à 2,9 % cette année.
Alors qu’ils étaient jusqu’à présent peu affectés par les actuelles turbulences bancaires des économies avancées, ces pays « évoluent désormais dans des eaux dangereuses », estime la Banque mondiale. En cause : leur accès de plus en plus restreint au crédit. Un quart d’entre elles ne peuvent en effet plus accéder aux marchés obligataires internationaux.
Les pays émergents et en développement basculent dans le surendettement
« L’économie mondiale est dans une position précaire, estime Indermit Gill, économiste en chef et premier vice-président de l’institution. En dehors de l’Asie de l’Est et de l’Asie du Sud, elle est loin du dynamisme nécessaire pour éliminer la pauvreté, lutter contre le changement climatique et reconstituer le capital humain. En 2023, le commerce progressera à moins d’un tiers du rythme observé dans les années précédant la pandémie. Dans les marchés émergents et en développement, la pression de la dette s’accroît sous l’effet de la hausse des taux d’intérêt. La faiblesse des finances publiques a déjà fait basculer de nombreux pays à faible revenu dans une situation de surendettement. Dans le même temps, les financements nécessaires pour atteindre les objectifs de développement durable dépassent largement les projections les plus optimistes en matière d’investissement privé. »
D’ici à la fin de 2024, l’activité économique dans les pays émergents et en développement devrait être inférieure d’environ 5 % aux projections établies à la veille de la pandémie. Dans les pays à faible revenu, en particulier les plus pauvres, les dégâts sont considérables : dans plus d’un tiers de ces pays, le revenu par habitant à l’horizon 2024 sera encore inférieur aux niveaux de 2019. La faiblesse de la croissance des revenus aggravera l’extrême pauvreté dans nombre d’entre eux.
Dans les économies avancées, la croissance marquera également le pas : elle devrait chuter de 2,6 % en 2022 à 0,7 % cette année, et rester atone en 2024. Après une croissance de 1,1 % en 2023, l’économie des Etats-Unis devrait ralentir à 0,8 % en 2024, principalement sous l’effet de l’impact persistant de la forte hausse des taux d’intérêt enregistrée ces dix-huit derniers mois. Dans la zone euro, la croissance devrait tomber de 3,5 % en 2022 à 0,4 % en 2023, en raison de l’effet différé du durcissement de la politique monétaire et de l’augmentation des prix de l’énergie.
Une croissance de seulement 0,4 % dans la zone euro
Enfin, le rapport de la Banque mondiale analyse les conséquences des hausses des taux d’intérêt américains sur le monde émergent. La hausse des rendements des bons du Trésor à deux ans depuis un an et demi s’explique en grande partie par le fait que les investisseurs s’attendent à ce que les Etats-Unis durcissent leur politique monétaire pour juguler l’inflation.
Les conséquences sont de deux ordres : d’une part, les pays émergents et en développement ont une probabilité plus élevée de crise financière, en particulier les plus vulnérables sur le plan économique et dont les marchés sont naissants, avec un accès plus limité aux capitaux internationaux et des coûts d’emprunt qui ont tendance à s’envoler de manière disproportionnée; d’autre part, la hausse des taux d’intérêt a aggravé la détérioration de leur situation budgétaire au cours des dix dernières années.
Dans ces pays en grande difficulté, la dette publique représente en moyenne 70 % du PIB. Les paiements d’intérêts absorbent une part croissante de recettes publiques déjà limitées. Quatorze pays à faible revenu sont déjà surendettés ou fortement menacés de l’être et les pressions sur les dépenses s’accentuent fortement.
S.C.