Sous le titre peu engageant « La croissance du commerce mondial s’essouffle alors que les tensions commerciales persistent », l’Organisation mondiale du commerce (OMC) a délivré, le 2 avril, ses prévisions pour 2019 et 2020.
Selon l’OMC, une série de facteurs – introduction de nouveaux droits de douane et de mesures de rétorsion touchant les marchandises largement échangées dans le monde, faiblesse de la croissance économique mondiale, volatilité des marchés financiers et resserrement des conditions monétaires dans les pays développés – a freiné la croissance économique mondiale l’an dernier, celle-ci s’établissant à 2,9 % pour 2018. Or, ce sera pire les deux années suivantes puisque le produit intérieur brut (PIB) ne devrait pas progresser de plus de 2,6 % tant en 2019 que 2020.
Commerce de biens : + 10 % en 2018, + 2,6 % en 2019, + 3 % en 2020
Du coup, le commerce mondial de marchandises va aussi ralentir. Il ne fera pas mieux que le PIB en 2019, soit +2,6 %, et un peu mieux l’année prochaine, avec +3 % en valeur prévu par l’OMC, alors qu’il avait augmenté de 10 % en 2018 à 19 480 milliards d’euros, en raison de la hausse des prix de l’énergie.
Beaucoup plus positive, la hausse des services commerciaux en 2018 pour la deuxième année consécutive. En valeur, le rythme de progression a été de +8 % pour atteindre 5 800 milliards d’euros, grâce à la poussée des importations asiatiques.
Mais dans son communiqué, l’OMC se montre particulièrement prudente. Elle estime ainsi « difficile de quantifier les effets des tensions commerciales sur les flux commerciaux effectifs étant donné qu’ils dépendent de la nature des mesures proposées et du fait de savoir si ces mesures sont réellement mises en œuvre ou ne sont que de simples menaces. Les annonces peuvent avoir de réelles incidences et résulter en un accroissement de l’incertitude et une baisse de l’investissement ».
L’OMC imagine le « pire »
Ses économistes se sont, néanmoins, essayé à quelques scénarios, dont « le pire », c’est-à-dire celui selon lequel la coopération internationale en matière de droits de douane s’effondrerait et chaque État agirait de façon unilatérale. Le résultat fait froid dans le dos : un recul du PIB mondial d’environ -2 % en 2022, comme en 2009 après la crise financière, et un effondrement de -17 % du commerce mondial, contre +12 % il y a dix ans.
Parmi les autres risques qui planent comme une épée de Damoclès sur le commerce, l’OMC cite enfin le Brexit. Pour l’organisation internationale, « dans la plupart des scénarios prévisibles », on assistera à « une baisse de l’investissement au Royaume-Uni » et donc « une diminution de la capacité de production avec le temps ».
On comprend pourquoi, en conférence de presse à Genève, Roberto Azevedo, le directeur de l’OMC, s’est montré alarmiste selon les dépêches reprises par les médias. « Si les tensions continuent de s’accroître, nous pourrions voir un effet d’essoufflement encore plus important sur l’économie » a-t-il déclaré le 3 avril. Alors que les États-Unis et la Chine sont toujours en discussion pour trouver un accord et mettre fin à leur guerre commerciale –une nouvelle session de pourparlers à lieu cette semaine à Washington– le message est d’autant plus insistant : en cas de guerre commerciale, « le monde entier sera perdant puisqu’il y a un ralentissement de la croissance », a martelé le diplomate brésilien. « Il y aura peut être des gagnants dans certains secteurs, mais l’effet net pour les citoyens et pour la communauté mondiale est négatif ».
F. P.