En avant-première de la publication des chiffres annuels du commerce extérieur, qui devrait intervenir dans les jours prochains, et alors que la nomination de celui ou celle qui sera en charge du Commerce extérieur et de l’attractivité se fait attendre, Rexecode dresse un bilan en demi-teinte du redressement du commerce extérieur français pour 2023 dans son 17ème bilan de la compétitivité française*. La France rattrape son retard mais elle est loin d’être au bout du chemin selon cet institut d’analyse proche des milieux patronaux.
C’est un fait : le déficit commercial s’est amélioré en 2023 après le pic record de 2022 : -101 milliards d’euros (Md EUR) en rythme annualisé sur les onze premiers mois de l’année 2023 (janvier-novembre), soit 3,6 points de PIB, après -164 Md en 2022, soit 6,2 points de PIB. Mais « il est attribuable en partie à une résorption partielle du déficit sur les produits énergétiques » observe Rexecode, estimant à 46 Md EUR le montant de la baisse de la facture énergétique sur l’ensemble de l’année. Surtout, ce déficit reste supérieur à son niveau de 2019 de près de -44 Md EUR.
Perte de compétitivité internationale
Les économistes de Rexecode ont estimé, sur la base des données douanières FAB-FAB, que le déficit des échanges de biens sur l’ensemble de l’année 2023 devrait atteindre -120 Md EUR, soit 66 Md de moins qu’en 2022. Comparé aux autres pays de la zone euro, et selon les données des trois premiers trimestres de l’année 2023, la France serait ainsi « le seul grand pays de la zone euro présentant un déficit des échanges de biens et services » ce qui, pour Rexecode, reflèterait « une perte de compétitivité sur le plan international ».
Ceci malgré quelques évolutions positives que relève l’étude : amélioration du taux de couverture des exportations sur les importations de 4 points, redressement du solde bien et services de 1,6 point de PIB, hausse de la part de marché de la France dans les exportations de biens de la zone euro en 2023 de 0,4 points et de 0,3 point sur l’ensemble des biens et services par rapport à 2022, hausse des exportations en volume plus rapide que celle du PIB (+1,5 % contre + 0,9 %), un bon score dans l’attraction de nouveaux projets d’investissement industriels.
Parmi les indicateurs qui restent inquiétants, sur la période 2019-2023, la part de marché de la France dans les exportations de la zone euro en valeur a perdu -0,9 point pour s’établir à 12,3 % (Allemagne 26,2 %, Italie 9,8 %, Espagne 7,5 %). Et la part de marché de la France dans les exportations mondiales de biens, toujours en valeur, si elle s’est redressée en 2023 pour se rapprocher des 3 % (après 2,5 % en 2022), mais reste inférieur à son niveau de 2019, un peu supérieur à 3 %, « en valeur comme en volume ».
Poursuivre la réduction des prélèvements sur les entreprises
Pour Rexecode, la compétitivité insuffisante de l’industrie française, y compris sur le « hors prix », est en cause et, malgré les mesures de réduction des prélèvements sur les entreprises ces dernières années, elle plafonne.
« Le déficit sur les produits de l’industrie manufacturière hors énergie s’établirait à près de 50 Md EUR en 2023, soit 21 Md EUR de plus qu’en 2019 » indique Rexecode. « Il concerne une majorité de secteurs, et certains secteurs traditionnellement excédentaires (matériels de transports, produits pharmaceutiques) ont vu leur excédent fortement diminué entre 2019 et 2023 ».
Cette faiblesse du commerce extérieur reflète « un manque structurel de compétitivité de notre base industrielle » ce qui, selon Rexecode, « pose un véritable défi pour l’effort de réindustrialisation et la recherche d’une souveraineté industrielle ».
Proche du Medef, Rexecode a depuis longtemps pour cheval de bataille la réduction des prélèvements obligatoires sur les entreprises. Dans ses conclusions et recommandations, l’institut estime à cet égard, dans son étude, que l’effort de réduction des prélèvement fiscaux et sociaux sur les entreprises doit se poursuivre et doit s’inscrire dans un « recentrage des finances publiques et de notre modèle social, du soutien à la consommation vers le soutien à la production et à l’innovation ».
Avec désormais comme modèles de compétiteurs sur l’export l’Espagne et l’Italie (moins l’Allemagne), il recommande notamment « une nouvelle baisse massive des prélèvements nets sur les facteurs de production des entreprises : travail, capital, foncier, et énergie ». Autrement dit, une politique de l’offre encore plus poussée que celle qui a été menée depuis le milieu de la décennie 2010, et notamment l’arrivée d’Emmanuel Macron au pouvoir en 2017.
Des sujets qui dépassent largement le périmètre du seul ministre en charge du Commerce extérieur. Reste que cette étude fouillée de Rexecode montre une fois de plus que, que l’on partage ou non complètement le diagnostic, le redressement du commerce extérieur est une affaire de longue haleine, très liée au progrès de la réindustrialisation, et que l’on est encore loin du bout du chemin.
Christine Gilguy
*L’étude « La compétitivité française en 2023 » – Document de travail n° 89 est en ligne sur le site de Rexecode : cliquez ICI