Les tendances du commerce extérieur de biens et services sur le premier semestre 2021*, publiées par les ministères du Commerce extérieur et de l’Economie et des finances, le 6 août, confirment celles observées dans les statistiques douanières trimestrielles des seuls échanges de biens : le la dynamique de rattrapage est indéniable mais encore freinée par l’impact de la crise sanitaire sur certains secteurs phares tels que l’aéronautique et le tourisme.
Sur les six premiers mois de l’année 2021 (janvier-juin) les exportations de biens ont même progressé plus vite que les importations : + 18,4 % à 240,2 milliards d’euros (Md EUR) pour les premières par rapport à la même période de 2020, contre + 16,9 % pour les secondes (275 Md EUR). Ces dernières sont tirées par les achats industriels et la facture énergétique qui augmente sous l’effet de la hausse des prix du pétrole (16,4 Md EUR, +16,3 %).
Parmi les tendances notables au niveau des achats, les importations de masques, qui avaient atteint un montant record de 5,9 Md EUR en 2020 (principalement de Chine) sont revenues à leur niveau pré-pandémie (0,5 Md au premier semestre 2021), tandis que les importations de vaccins anti-Covid s’élèvent à 1 Md EUR sur le premier semestre.
Côté export, la dynamique du rattrapage est indéniable. Pour le seul mois de juin, les exportations mensuelles se rapprochent de leur niveau d’avant-crise : 98 % pour les biens, 99 % pour les services, ce qui est plutôt bon signe pour la suite de l’année.
Le déficit atténué par un excédent des services en hausse
Le déficit commercial se creuse néanmoins à -34,8 Md EUR sur ce 1er semestre, augmentant de 2,2 Md EUR par rapport au 2ème semestre 2020. Toutefois, hors énergie et matériel militaire, le solde s’améliore légèrement à -29,5 Md EUR (contre -29,8 Md au second semestre 2020).
En outre, il est atténué, au niveau de la balance des paiements, par la bonne performance des services dont les exportations ont progressé de + 4,7 %, à 116,7 Md EUR, par rapport au 1er semestre 2020, tirés par la reprise des transports et des services financiers. Les échanges de services ont dégagé un excédent de +12,1 Md EUR, soit 2,2 Md de plus qu’au second semestre 2020 et le double du 1er semestre 2020 (6 Md EUR).
Au total, le déficit courant semestriel s’établit à -12 Md EUR au premier semestre 2021, soit une nette amélioration par rapport au 2ème semestre 2020 (-.18Md) et au 1er semestre 2020 (-26Md). Sur les 12 derniers mois, le déficit courant s’établit à -30 Md EUR, soit -1,3% du PIB (base 2020).
Chimie, agroalimentaire, pharmacie, textiles surperforment 2019
Quels sont les secteurs qui repartent à l’export ? A peu près tous, mais certains sont encore en dessous de leur niveau d’avant-crise alors que d’autres l’ont dépassé au cours de ce premier semestre.
Les exportations aéronautiques restent à près de la moitié de leur niveau d’avant-crise, soit du premier semestre 2019, 53,1 % exactement. Avec le spatial, elles ont atteint 16,0 Md EUR au premier semestre.
La bijouterie (68,9 %) et les produits pétroliers raffinés (65,7 %) sont également à la peine.
Les exportations du secteur automobile, qui atteignent environ 22,7 Md EUR, restent également en deçà de leur niveau d’avant-crise mais s’en rapprochent : les véhicules sont à 85,3 %, malgré le frein à la production imposé par la pénurie de composants électroniques et les équipements n’en sont plus très loin (97,1 %).
Autres secteurs qui se rapprochent de leur niveau d’avant-crise, les biens d’équipements (96,7 %).
De nombreux secteurs ont en revanche nettement rebondi et même dépassé leur niveau d’avant-crise sur ce premier semestre 2021, en particulier la chimie (+ 4,4 % par rapport au premier semestre 2019), l’agroalimentaire (+ 5,1 %), la pharmacie (+ 6,6 %), et les matériels militaires (+ 34,3 %).
Citons également les textiles (+3,2 %), les navires et bateaux (+ 7,8 %), le matériel ferroviaire roulant (+ 14,7 %).
Côté services, l’atonie des exportations de tourisme international (à 41,2 % de leur niveau pré-crise) a été compensée par de bons résultats dans les autres secteurs des services, notamment les services de transport : ces derniers ont atteint 25,7 Md, soit 21,9 % de plus que leur niveau du 1 er semestre 2019. Les services ont retrouvé leur niveau d’avant-crise.
Meilleurs performances vers l’Union européenne
Sur le plan géographique, les exportations progressent vers l’ensemble des régions du monde au 1er semestre par rapport à la même période de 2020, tout en restant inférieures dans l’ensemble à leur niveau d’avant-crise. Elles dépassent toutefois ce niveau vers certains pays, comme la Chine (+10,3 %).
Comme en 2020, et sans surprise, l’Union européenne est la zone où les exportateurs français enregistrent les meilleures performances : les exportations atteignent 96 % de leur niveau d’avant-crise contre 88,6 % pour les pays tiers.
Dans ces derniers, le plus fort rattrapage s’observe vers l’Afrique subsaharienne (les exportations atteignent 96,3 % du niveau de 2019).
Quant au Royaume-Uni, l’effet du Brexit a été sensible : après une fin d’années euphorique pour les exportations tricolores, tirées par les achats britanniques de précaution, les échanges bilatéraux ont fortement chuté : -35,8 % à l’export au 1er trimestre 2021 par rapport au 1er trimestre 2019, et -24,9 % pour les importations. Ils ont rebondi au trimestre suivant mais les exportations françaises ne sont qu’à 91,2 % de leur niveau de 2019.
Optimisme du ministère du Commerce extérieur
Conséquence de sa spécialisation sur des secteurs qui ont particulièrement souffert de la crise sanitaire (tourisme, aéronautique…), la France enregistre un recul de 0,2 point de sa part de marché mondiale dans les exportations de biens et services, à 3,3 % fin 2020 (3,5 % fin 2019). Mais, selon le communiqué commun du Quai d’Orsay et de Bercy, la compétitivité-coût « reste orientée favorablement sur la période récente (+5,6 % entre fin 2017 et fin 2019 par rapport aux pays de l’OCDE) ».
De quoi justifier l’optimisme du ministre en charge du Commerce extérieur : « Même si la crise de la Covid continue de frapper durement nos principaux moteurs à l’export, notamment aéronautique et tourisme, nos exportations ont continué à se redresser pour se rapprocher progressivement de leur niveau historique de 2019, et de nombreux secteurs clés dépassent désormais leur niveau d’avant-crise, commente Franck Riester dans le communiqué. J’ai confiance dans notre capacité à accélérer encore cette dynamique, grâce à nos gains de compétitivité-coût, acquis du fait des réformes que nous avons menées, et à notre tissu d’entreprises exportatrices qui a atteint un niveau record en 20 ans en dépit de la crise, tendances que nous amplifions avec France Relance. »
Il est vrai que les perspectives pour les prochains mois s’annoncent plus favorables pour le commerce extérieur, avec la poursuite de la reprise des échanges mondiaux (+ 9,7 % prévu par le FMI en 2021) et la trêve conclue entre les États-Unis et l’Union européenne sur le plan commercial, notamment dans le litige sur les subventions à l’aéronautique. Même si, admettent les deux ministères, certaines perturbations risquent de perdurer comme les pénuries de certaines matières premières et de semi-conducteurs, ou les tensions dans le transport maritime.
Ils comptent aussi sur les effets du volet export du plan gouvernemental France relance, ciblé sur les PME-ETI, et doté d’une enveloppe de 247 M EUR. Plus de 5000 chèques relance export, une de ses mesures phares destinées à soutenir les efforts de prospection commerciales des entreprises, ont déjà été distribués. Parmi les autres mesures de ce plan, la nouvelle assurance prospection pour les TPE, un chèque relance V.I.E, des e-vitrines montées par Business France, le renforcement des financements export, pour n’en citer que quelques unes.
Une donnée semble donner pour l’heure raison aux ministres : le nombre d’entreprises exportatrices se rapproche des 132 000 à fin mars 2021 (131 922 précisément), « un record en 20 ans porté par la hausse du nombre des petites entreprises exportatrices (de moins de 20 salariés) », se réjouit le communiqué gouvernemental.
C.G
*Le document power point du ministère de l’Europe et des affaires étrangères et le ministère de l’Economie, des finances et de l’industrie sur les résultats du commerce extérieur au premier semestre est téléchargeable ci-après.