Les chiffres du commerce extérieur de biens et de services publiés par la Douane et la Banque de France le 7 août, montrent que le rééquilibrage se poursuit, quoique laborieusement, au premier semestre 2024. Une nouvelle plutôt positive mais qui montre qu’il reste beaucoup à faire alors que l’on attend la formation d’un nouveau gouvernement.
Contraint à gérer les affaires courantes, Franck Riester, ministre démissionnaire en charge du Commerce extérieur, de l’attractivité, de la francophonie et des Français de l’étranger, n’a pas pu publier de communiqué, ni organiser de conférence de presse pour commenter en détail les résultats semestriels du commerce extérieur, contrairement à la tradition. Mais il s’est tout de même fendu d’un post réjoui sur son compte LinkedIn : « Nos échanges de biens continuent à s’améliorer et notre déficit à se résorber, écrit-il. Nous pouvons compter sur nos champions qui font rayonner la France à travers le monde, notamment dans la cosmétique, la pharmaceutique, l’agroalimentaire ou l’aéronautique ». Ainsi, poursuit-il, « le déficit commercial – hors matériel militaire et énergie – retrouve pour la première fois son niveau d’avant crise sanitaire ».
Les résultats du commerce extérieur publiés par la Banque de France et la Douane française * le 7 août, peu avant la fin de la quinzaine olympique, sont en effet plutôt positifs, sans être mirobolants.
Un déficit moitié moins important qu’en 2023
D’après les chiffres de la Banque de France (CVS-CJO*), qui intègrent non seulement les échanges de biens mais aussi ceux des services, à fin juin 2024, et sur 12 mois cumulés, le déficit des transactions courantes est moitié moins important qu’à la même période de 2023 : – 19,4 milliards d’euros (Md EUR), contre – 43 Md fin juin 2023. La tendance est tirée par la baisse de la facture énergétique et du déficit des échanges de biens.
Ainsi, en tendance annuelle, le déficit des échanges de biens a diminué de moitié, à – 62,6 Md EUR. Hors énergie, le solde est également en nette amélioration, signe que les échanges des produits de l’industrie se redressent : il n’est plus que de -2,3 Md EUR sur 12 mois cumulés à fin juin 2024, contre – 18 Md EUR fin juin 2023.
Les échanges de services sont également en grande forme selon la Banque de France : ils dégagent un excédent de +43 Md EUR à fin juin 2024 sur 12 mois cumulés, après un déficit de – 48 Md EUR fin juin 2023. Faut-il d’ores et déjà y voir un effet des JO Paris 2024 ?
Le fait est que les voyages dégagent un excédent en hausse, à 16,3 Md EUR, soit 3,7 Md EUR de plus qu’à fin juin 2023. Les services aux entreprises (conseil, etc.) sont également forme, dégageant un excédent de + 9,1 Md EUR à fin juin 2024, en hausse de 3 Md par rapport à fin juin 2023. Quant aux transports, ils génèrent un léger excédent de + 0,7 Md EUR, beaucoup moins élevés qu’à fin juin 2023 (+ 16,1 md EUR). Enfin, le solde des revenus est également excédentaire de + 0,3 Md EUR quoiqu’en baisse par rapport à fin juin 2023 (+23,7 Md EUR).
A noter que concernant le compte des transactions courantes, dont le déficit tend à se résorber -30,8 Md à fin juin 2024 contre -60,2 Md à fin juin 2023), les investissements directs français à l’étranger ont rapporté plus (29,2 Md) que les IDE étrangers en France (25,3 Md) ces 12 derniers mois.
Des exportations de biens en hausse de 1,1 %
Concernant les échanges de biens, plus significatifs au regard des performances des entreprises de l’agriculture et de l’industrie, la Douane fournit de plus amples détails sur les tendances. Les chiffres sont différents de ceux de la Banque de France qui n’utilisent pas les mêmes indicateurs (la douane se base sur les déclarations douanières des opérateurs) mais les tendances sont similaires.
Globalement, selon cette source, le solde commercial FAB-FAB cumulé sur 12 mois continue à s’améliorer : -85,1 Md EUR (FAB-FAB) à fin juin 2024, soit 1,1 Md de moins qu’à la même période de l’an dernier. Au deuxième trimestre 2024 (T2 2024), le déficit se creuse toutefois légèrement : -26,4 Md, après – 23,3 au T1 2024. En cause principalement : le rebond du déficit énergétique sous l’effet d’une hausse des achats de gaz (-17,2 Md, après -13,6 Md au T1), car le solde des échanges hors énergie s’améliore légèrement à -9,7 Md (-9,6 Md au T1).
Sur le T2 2024, les exportations progressent de 1,1 %, plus rapidement qu’au T1 (+0,6 %) pour s’établir à 152,7 Md EUR. Et c’est la progression en volume qui explique la tendance, selon la Douane, tirée par les produits manufacturés : livraison d’un paquebot aux États-Unis, et d’avions en Allemagne, Brésil et Kazakhstan. Les catégories « autres produits industriels » voient leurs exportations également progresser mais plus modérément dont la métallurgie, les produits métalliques, et la pharmacie. Sont également en progression les produits textile-habillement-cuir-chaussure, bois-papier-cartons, équipements électriques et électroniques (détail ci-après).
Les exportations de biens au T2 2024
(FAB, en Md EUR et évolution en % sur T1)Ensemble, y compris matériel militaire et y compris sous le seuil : 152,7 Md EUR (+1,1 %)
Ensemble, hors matériel militaire et hors sous le seuil : 149,9 (+ 0,8 %)
dont :–Produits de l’agriculture : 4,9 (-4,1 %)
–Energie : 7,6 (-1,8 %)
–Produits manufacturés : 136,4 (+1,1 %)
dont agroalimentaire : 15,8 (-0,2 %)
Mécanique, électronique et informatique : 26,9, (+ 0,5 %)
Matériels de transport : 29,7 (+4,4 %)
(automobile : 13, -3,5 % ; aéronautique, spatial : 14,4, + 2,8 % ; navire, bateaux : 1,7, + 296,8 %)
Autres produits industriels : 64,1, +0,1 %.
(métallurgie, métallique : 10,5, + 4,9 %) ; pharmacie : 10, + 2,6 % ; chimie, parfums, cosmétique : 19, – 4 %).Source : Douane française
On note que les exportations sont en net recul pour plusieurs catégories de produits, dont les produits agricoles (recul des ventes de blé, méteil et maïs à l’Allemagne, la Chine et le Maroc) ainsi que la chimie-parfums-cosmétique, en raison du recul des ventes de certains produits chimiques de base. Les exportations automobiles sont également en baisse de 3,5 %.
Les soldes commerciaux par zone géographique au T2 2024
(CAF/FAB, en Md EUR et évolution en % sur T1)Union européenne : – 11,5 (-1,7 %)
Amérique : + 1,1 (+2,2 %)
dont États-Unis : +0,6 (+ 2,1 %)Asie : – 13,4 (-3,3 %)
dont Chine + Hong Kong : – 10,3 (-1 %) ; Inde : -0,3 (-0,7 %) ; Japon : -0,5 (-0,8 %)Afrique : -2,2 (-1,2 %)
Proche et Moyen-Orient : + 0,5 (-0,1 %)
Source : Douane française.
Côté importations, elles ont connu un rebond plus important de 2,8 % au T2 2024, pour s’établir à 179 Md EUR. En cause principalement, l’augmentation des importations de gaz qui explique la tendance (+ 15,9 %, à 24,8 Md EUR pour le poste énergie). Toutefois, les importations de biens manufacturés repartent à la hausse (+ 0,9 % par rapport au T1) après 4 trimestres consécutifs de baisse. Un effet JO ?
Quoiqu’il en soit, cette hausse des achats de biens industriels ne concerne pas l’automobile : les importations de produit de l’automobile sont en effet baisse de 3,4 % au T2 (18,8 Md EUR) en raison de la chute drastique des importations de véhicules électriques en provenance de Chine. Selon la Douane, ce recul a commencé il y a déjà plusieurs mois et trouve sa source dans la réforme du bonus écologique d’octobre 2023 : la prise en compte des émissions de CO2 de la supply chain dans les conditions d’éligibilité a d’office exclu les véhicules électriques en provenance de Chine. D’après la Douane, les importations de véhicules électriques en provenance de Chine ont ainsi été divisées par 2 par rapport à la moyenne trimestrielle de 2023.
Christine Gilguy
*CVS-CJO : corrigé des variations saisonnières et des effets de jours ouvrables.
** L’analyse détaillée des chiffres trimestriels du commerce extérieur de biens de la Douane française est dans le document attaché à cet article (ci-après).