Le bilan 2008 du commerce extérieur français porte les stigmates de la crise. Les perspectives 2009 sont incertaines mais pas totalement noires : les entreprises doivent être à l´affût des opportunités qui naîtront de la crise.
Elles y seront aidées par les moyens d´aide renforcés déployés par les pouvoirs publics.
Rompant avec une tradition bien établie, Anne-Marie Idrac, secrétaire d´État au Commerce extérieur, a délaissé l´Hôtel des ministres de Bercy pour le cossu Centre de conférences de l´OCDE pour présenter, le 6 février, le bilan 2008 du Commerce extérieur français. L´habituelle présentation des tendances a été prolongée par deux tables rondes où étaient conviés à débattre des intervenants issus des milieux professionnels et de la recherche. Une façon d´éviter, sans doute, le caractère « anxiogène » – un mot à la mode par les temps qui courent – de l´annonce d´un nouveau déficit commercial record : 55,7 milliards d´euros en 2008 40,6 milliards d´euros en 2007), soit 3 % du PIB.
Ces mauvais chiffres étaient toutefois attendus. Ils résultent d´une facture énergétique sur laquelle a pesé la flambée des cours des hydrocarbures, malgré leur effondrement au quatrième trimestre 2008, et la chute de la demande mondiale, très nette en fin d´année. Si, au total, les exportations françaises ont progressé sur l´année de 2,1 %, elles ont chuté de 9,8 % au quatrième trimestre 2008.
Quant aux importations, elles ont progressé deux fois plus vite sur l´année (+ 5,3 %). La seule facture pétrolière s´est élevée à 59,7 milliards d´euros.
L´impact de la chute de la demande dans les principaux débouchés de la France – Union européenne, Amérique du Nord – au quatrième trimestre 2008 est dévastateur. Le déficit commercial hors énergie, apparu en 2007, s´est aggravé pour atteindre 12,5 milliards d´euros, dont 6 milliards pour le seul quatrième trimestre. Ce qui signifie qu´au-delà du poids de l´énergie, la plupart des branches exportatrices de la France ont souffert, comme le montre l´analyse détaillée des chiffres que nous livrons dans ce dossier. Seules les branches agroalimentaires (+ 9,1 milliards d´euros), les biens d´équipement (+ 6 milliards d´euros) et quelques secteurs tels que la pharmacie ou l´aéronautique ont continué à dégager des excédents.
Encore très concentrées dans l´Union européenne (63,7 %), les exportations françaises ont subi de plein fouet le recul de la demande dans cette zone (- 0,7 %). Elles sont en chute libre vers les pays les plus touchés par la crise comme le Royaume-Uni (- 6 %) ou l´Espagne (- 8 %). Les ventes sont restées plus dynamiques vers les pays émergents (+ 3,8 % vers l´Asie émergente, + 17,9 % vers l´Amérique latine, + 7,6 % vers le Proche et Moyen-Orient). Mais elles sont encore insuffisantes. Pour clore le chapitre des mauvaises nouvelles, le nombre d´exportateurs a baissé de 3,1 % en 2008, passant de 94 607 à 91 663. Plus inquiétant, le nombre d´entreprises indépendantes exportatrices de 20 à 250 salariés a reculé de 5 % (contre – 2 % pour les filiales de groupe). Les efforts entrepris par les pouvoirs publics pour augmenter leur nombre ne semblent pas enrayer leur déclin, commencé en 2003.
Une des seules bonnes nouvelles pour le commerce extérieur français est la stabilisation de la part de marché de la France dans le commerce mondial autour de 3,9 %. C´est moins que l´Allemagne, mais mieux que le Royaume-Uni (3 %) ou l´Italie (3,5 %). La compétitivité de l´offre française par rapport à celle des autres pays industrialisés aurait, selon Bercy, cessé de se dégrader.
Une autre bonne nouvelle est l´augmentation des grands contrats : 30, 9 milliards d´euros engrangés en 2008 dans des secteurs d´excellence (aéronautique, nucléaire, infrastructures et matériels de transports, traitement des déchets…), soit « le deuxième record historique », selon Bercy, après le précédent de 2007 (38 milliards).
Les perspectives pour 2009 sont pleines d´incertitudes : les dernières prévisions du FMI tablent sur une stagnation de l´économie mondiale (+ 0,5 % de croissance), et une baisse des échanges mondiaux d´environ 2 %. Les marchés les plus dynamiques resteront les pays émergents. Il paraît évident que les efforts actuels du gouvernement et des acteurs du commerce extérieur pour accentuer le déploiement des entreprises françaises dans ces derniers, doivent être plus que jamais poursuivis. Mais les tentations protectionnistes qui fusent un peu partout – y compris en France – incitent à la vigilance. La Douane française est d´ailleurs en train de créer une cellule de veille dans ce domaine pour alerter le gouvernement. Reste l´impact positif que l´on peut attendre des plans de relance adoptés sur toute la planète.
Il est significatif que, dans le train de mesures prises par le secrétariat d´État au Commerce extérieur pour soutenir les exportations françaises depuis l´an dernier figure une nouvelle initiative : la mise en place par Ubifrance d´un dispositif de suivi des opportunités qui pourraient naître des plans de relance.
Ces opportunités ne seront pas simples à appréhender : « Cette demande publique vient en substitution d´une demande privée défaillante, nous confie Agnès Benassy-Quéré, directrice du Cepii (Centre d´études prospectives et d´informations internationales). (…) Cette évolution est même de nature à accentuer la baisse des échanges internationaux comme on l´observe aujourd´hui. »
Mais ces plans, extraordinaires par leurs montants – plus de 50 milliards d´euros en Allemagne, 450 milliards d´euros pour la Chine, 800 milliards de dollars aux États-Unis… – constituent à l´heure actuelle le seul espoir de soutien de la demande mondiale.?Si les tentations protectionnistes s´apaisent, ils pourront générer de réelles opportunités pour une offre française plutôt bien positionnée dans les secteurs concernés (construction, infrastructures…).
Enfin, tous les secteurs ne sont pas en crise. Et des niches porteuses continuent à générer des courants d´affaires. Exemple : le sucre, qui, comme l´a souligné Philippe Chalmin, professeur à Paris IX Dauphine et grand spécialiste des matières premières, « fait l´objet d´une pénurie mondiale » et dont les prix, au contraire de la plupart des autres matières premières agricoles, ne se sont pas effondrés ces derniers mois.
La situation fait l´affaire d´un groupe comme Fives, spécialisé dans la fabrication d´équipements industriels pour divers secteurs dont l´agroalimentaire. Alors qu´il s´attend évidemment à une chute des commandes de ses clients de l´automobile, son patron, Frédéric Sanchez, également président de la commission internationale du Medef, a prédit « une année exceptionnelle dans le sucre » avec des projets d´usines au Brésil ou en Inde. Les opportunités de l´année 2009 s´afficheront donc avec trois mots clés : pays émergents, plans de relance et niches. Pour préparer l´après-crise.
Christine Gilguy, avec Jean-François Tournoud