La crise sanitaire sans précédent liée à la pandémie de Covid-19 a fortement perturbé l’activité des commerces « non essentiels » soumis à la fermeture dans de nombreux pays confinés. Mais l’enseigne d’ameublement Roche Bobois, éditeur français de mobilier haut de gamme depuis 60 ans, affiche une certaine résilience grâce à son business model et une trésorerie solide.
« Nous sommes impactés par des fermetures obligatoires de magasins », expose d’emblée Guillaume Demulier, président du directoire de Roche Bobois. Il a fait le point sur l’impact du nouveau coronavirus lors de la présentation des résultats annuels 2019 du groupe, propriétaire de deux enseignes d’ameublement pour la maison : Roche Bobois, pour le mobilier haut de gamme, et Cuir Center, sa marque milieu de gamme de canapés en cuir et en tissu, implantée essentiellement en France.
Roche Bobois représente à elle seule 86 % du chiffre d’affaires du groupe. Elle est à la tête d’un vaste réseau de 253 magasins en propre et en franchise dans 54 pays. Sa stratégie commerciale repose sur un modèle « fabless ». La marque Roche Bobois ne fabrique pas de meubles, elle édite du mobilier haut de gamme dont la production 100 % made in Europe est sous-traitée à des fabricants. Ses collections de meubles sont réalisées en France, en Italie et au Portugal.
Une situation variable selon les magasins
Côté distribution, l’enseigne possède un réseau mixte de magasins en propre et en franchise en France, en Europe et en Amérique du Nord (États-Unis et Canada). Dans les autres régions (Asie, Afrique, Moyen-Orient…), son réseau est composé de magasins franchisés.
« Tous nos magasins en propre sont fermés depuis quelques semaines », confiait Guillaume Demulier.
À mesure que les gouvernements en Europe, épicentre de la pandémie avec les États-Unis, annonçaient des mesures de confinement, le groupe était ainsi contraint de baisser le rideau de ses magasins Roche Bobois. « D’abord en Italie, puis en Espagne et en France », relatait le dirigeant.
Et à présent, c’est le cas aux États-Unis, où l’éditeur de meubles est présent sur la côte Est et la côte Ouest avec des showrooms à New York, Los Angeles, San Francisco…, et au Canada, où l’enseigne est présente dans les provinces francophones et anglophones (Montréal, Québec, Toronto, Vancouver…).
Ces fermetures temporaires depuis la mi-mars visent à protéger la santé des collaborateurs et à freiner la propagation du virus.
En Asie, l’activité est ralentie
En Asie, la situation est plus contrastée. L’activité a été réduite mais s’est poursuivie.
En effet, certains magasins franchisés restent ouverts selon les dispositions en vigueur mises en œuvre localement. Ainsi, en Corée du Sud, où l’enseigne française d’ameublement est implantée à Busan et Séoul, l’activité des franchisés n’a jamais cessé puisqu’il n’y pas de mesures de confinement strict dans le pays.
De même, le Japon, où la marque est présente à Tokyo, a débuté le confinement tardivement, le 26 mars.
Réouverture des magasins franchisés en Chine
Mais la Chine est en train de sortir de la période de lockdown, le confinement est levé depuis le 23 mars dans la province du Hubei d’où est parti le coronavirus. « Nous avons rouvert les franchises dans l’ensemble des villes de Chine », indiquait le P-dg au Moci.
Dans l’ex-Empire du Milieu, Roche Bobois a des franchises dans les municipalités de Shanghai, où se trouve son flagship store, mais aussi à Pékin et Chongqing.
La marque est également présente dans les villes de Shenzhen et Guangzhou (province du Guangdong), Nanjing (province du Jiangsu), Qingdao (Shandong), Zhengzhou (Henan), et Hangzhou (Zhejiang), où elle a ouvert une franchise en mars 2019.
« Il y a un paradoxe car lorsque ça redémarre en Asie, nous fermons nos magasins en Europe », faisait également remarquer Guillaume Demulier.
Si le réseau de distribution selon les zones du monde n’a pas été impacté, quand est-il de l’impact de la pandémie sur la chaîne de fabrication ?
Arrêt de la production et allongement des délais de livraison
Côté production, la situation est dégradée depuis peu. « La production en France, Italie et au Portugal s’est poursuivie jusqu’à très récemment », soulignait Guillaume Demulier. Ainsi, elle a continué normalement jusqu’au 13 mars puis partiellement du 13 au 24 mars. Avant d’être définitivement arrêtée.
Sa production à l’arrêt, l’entreprise anticipe un allongement des délais de livraison des commandes enregistrées au premier trimestre 2020. « Nous n’aurons pas d’annulation de commande », assurait cependant Guillaume Demulier. « La livraison se fera avec du retard mais les commandes passées pendant la fermeture des magasins seront livrées », insistait-il.
Du côté de son circuit logistique, là encore pas d’impact pour le moment. En effet, l’approvisionnement auprès de ses fournisseurs, les fabricants, et le transport des meubles jusqu’à ses dépôts n’a pas été interrompu. « Nous avons livré jusqu’à récemment tous nos magasins », précisait le CEO. « Il y a un décalage de trois mois entre la commande et la livraison, c’est dû à notre business model », expliquait le dirigeant.
Un modèle qui résiste à la crise
« On continue à faire des ventes même en étant fermé », indiquait par ailleurs le dirigeant. Les prises de commande se font par téléphone et l’achat de certains articles – petits accessoires de décoration – sur le site Internet.
Néanmoins, en fonction de la durée du confinement, l’entreprise anticipe un repli significatif de son chiffre d’affaires au deuxième trimestre 2020 et de ses prises de commandes.
« Nos magasins étant fermés, on aura évidemment un impact sur avril », reconnaissait Guillaume Demulier. Mais, nuançait-il, « avril comme mai sont des mois creux pour notre activité » en raison de la saisonnalité du secteur de l’ameublement. Le prochain pic d’activité est attendu en juillet, pendant les soldes d’été.
En outre, comme l’a rappelé son CEO, Roche Bobois a déjà su démontrer par le passé sa résilience à différentes crises (« gilets jaunes »…). Les achats sont alors décalés dans le temps et les prises de commandes font l’objet d’un rattrapage dans les mois qui suivent.
Le groupe est également aidé par une situation financière très solide et un niveau de trésorerie élevé. En 2019, son chiffre d’affaires consolidé, composé des ventes réalisées par les magasins en propre et des facturations aux franchisés (redevances et services), a progressé de 6,9 % par rapport à 2018, atteignant 274,7 millions d’euros.
« L’année 2019 a été une excellente année, à tout point de vue », s’est ainsi félicité le dirigeant. Tant en termes de progression du chiffre d’affaires (+ 7 %) que de génération de cash – le cash-flow lié à l’exploitation a été multiplié par 3,2 (à 29,9 millions d’euros) et à fin 2019, la trésorerie disponible du groupe était en forte hausse à 31,1 millions d’euros contre 15,5 millions au 31 décembre 2018.
En somme, la forte résilience du modèle et la solidité financière du groupe sont des atouts dans la gestion de cette crise inattendue.
Roche Bobois accélère aux États-Unis
En 2019, le groupe a réalisé 56 % de son chiffre d’affaires (CA) à l’export. Il a enregistré une progression de ses revenus sur l’ensemble de ses zones géographiques : Europe (+ 9 %), Royaume-Uni (+ 7,8 %), Amérique du Nord (+ 13,7 %) et overseas (+ 2 %).
« 2019 a été une année riche, forte en ouvertures notamment de magasins en propre », s’est encore félicité Guillaume Demulier. Aux États-Unis, Roche Bobois a inauguré en février un showroom de 400 m2 à Greenwich dans le Connecticut (notre photo). Cette ouverture s’inscrit dans la stratégie de la marque de poursuivre son développement aux États-Unis, son premier marché à l’international et deuxième après la France.
Les États-Unis et le Canada représentent 29 % de l’ensemble du CA du groupe. Une part de marché en hausse de 2 points par rapport à 2018.
Le groupe a également réalisé six ouvertures en Europe et trois rachats de franchisés l’an dernier. En Espagne notamment il a ouvert un magasin en propre de 450 m2 à Madrid dans la zone commerciale de San Sebastián de Los Reyes. Son deuxième dans la capitale espagnole.
Malgré cette crise exceptionnelle, les voyants sont au vert pour 2020 avec un rythme d’ouvertures soutenu qui n’est pour le moment pas ouvertement remis en cause, même si des modifications d’agendas sont à prévoir.
Roche Bobois prévoit ainsi d’ouvrir 7 nouveaux magasins en propre cette année. Trois ouvertures en Europe : Allemagne (Cologne) ; Portugal (Lisbonne 2) et Suisse (Sion) ; une ouverture aux États-Unis à Minneapolis (Minnesota) ; ainsi que trois intégrations de franchisés dans le périmètre des magasins en propre outre-Atlantique (San Francisco, Portland et Seattle).
Venice Affre