Une délégation chinoise était en visite à Paris le 18 novembre afin de promouvoir Chongqing, la métropole tentaculaire de l´Ouest chinois, et, surtout, la zone franche de Liangjiang, officiellement lancée le 18 juin dernier. Les entreprises s´y précipitent : 165 grands groupes y sont déjà installés, dont 71 français.
« Ces trois zones économiques ont transformé la Chine depuis 30 ans, Liangjiang changera les trente prochaines », a assuré Li Jiangchun, le directeur général de la commission chargée des relations commerciales avec les étrangers à Chongqing, lors d´un séminaire organisé par la Bred Banque populaire et la Chambre de commerce et d´industrie de Paris (CCIP). Après la zone économie spéciale de Shenzhen, près de Hong Kong, celle de Pudong, à Shanghai, et celle de Binhai, à Tianjin, Liangjiang est la première à ne pas se situer dans les régions côtières, signe de la volonté de Pékin de développer l´intérieur du pays, une politique lancée il y a quelques années déjà.
Lancée en février dernier, cette zone économique, qui s´étendra à terme sur 550 kilomètres carrés, ne devrait pas avoir trop de mal à attirer les investisseurs étrangers. Déjà, sur les 500 plus grands groupes mondiaux, 165 s´y sont installés ou y ont des projets. Parmi eux figurent 71 entreprises françaises dont Lafarge, Schneider, Iveco, Faurecia, Suez Environnement, Pernod Ricard, Séphora, Carrefour ou encore Carbone Lorraine.
Disposant d´une situation géographique stratégique, au carrefour de l´est et de l´ouest chinois, Chongqing, la grande rivale de Chengdu, se situe à six heures en train de Guangzhou, sept de Pékin et huit de Shanghai. En matière d´infrastructures la municipalité voit grand. La zone de Liangjang sera desservie à elle seule par cinq autoroutes. Un nouveau port fluvial d´une capacité de manutention de 5 milliards de tonnes par an, doit être construit d´ici 2015, en supplément des deux déjà existant (Cuntan et Guoyuan).
Le troisième terminal de l´aéroport de Jiangbei doit être achevé en 2015, date à laquelle il pourra accueillir 75 millions de passagers et 3 millions de tonnes de fret par an. « Nous prévoyons pour le fret des interconnexions air-air, air-train et air-route », a précisé Li Jangchun. Et d´ajouter : « Nous avons déjà une liaison aérienne de transport de fret avec Liège, et nous envisageons de faire de même avec Paris. » Si les projets sont nombreux, d´autres infrastructures sont déjà opérationnelles, dont les lignes ferroviaires. Chongqing est à 13 jours de train de Rotterdam, le plus grand hub logistique européen. Bref, Liangjiang disposera à terme des infrastructures nécessaires à une plateforme de production dédiée à l´exportation. Une partie de la zone sera d´ailleurs consacrée aux productions destinées à être exportées. Autre atout pour ce type d´activité : le coût de la main-d´œuvre, qui permet à Chongqing de proposer « des coûts de production inférieurs de deux tiers à ceux des régions côtières », selon Li Xinming, directeur général adjoint du comité administratif de la zone Liangjang.
En outre, pour séduire les investisseurs étrangers, l´impôt sur les sociétés dans la zone est de 15 %, contre 25 % dans les régions côtières, et de 10 % pour les entreprises high-tech.
Car c´est bien ce type d´industrie, à forte valeur ajoutée, que les autorités locales comptent développer.
L´économie de Chongqing porte la marque du passé. En 1937, lorsque le Japon envahit la Chine, les industries lourdes et militaires sont relocalisées dans la région, loin de la ligne de front. Forte de cette spécificité, Chongqing s´est ensuite spécialisée dans la chimie (y compris la pétrochimie et la pharmacie) et l´automobile, dont elle assure 30 % de la production nationale. De nombreux constructeurs étrangers y sont déjà présents, dont Suzuki et Ford. Mais désormais le mot d´ordre est « diversification ».
« D´ici quelques années, un quart des ordinateurs utilisés en Europe seront fabriqués à Chongqing », croit savoir Li Jangchun. Et l´électronique n´est pas le seul secteur ayant les faveurs des officiels : agroalimentaire, écoconstruction, high-tech… La ville souhaite changer son image de mégapole extrêmement polluée. « Nous n´accepterons pas les entreprises polluantes », a prévenu Li Xinming. Et d´ajouter : « Nous pensons à développer un parc, à l´intérieur de la zone, dédié aux industries sobres en carbone. » Enfin, des services financiers sont prévus. La Bred, notamment, s´est installée dans la ville. (voir ci-dessous).
Avec ses 32 millions d´habitants, et une zone d´influence de 250 millions de personnes, la ville de Chongqing constitue également un gigantesque débouché. Infrastructures, logements, transports… Les besoins sont immenses. Projets pharaoniques, investissements publics en conséquence (10 milliards de yuans doivent être injectés les deux prochaines années), une croissance prévue à faire pâlir d´envie l´Occident tout entier (23 % par an), la zone de Liangjiang voit grand.
Sophie Creusillet
La Bred développe des services financiers
La Bred a créé une filiale en juillet dernier à Chongqing avec pour objectif de développer le financement du capital-risque. « Nous travaillons également sur un projet d´interconnexion entre le Sepa et les plateformes de paiement chinoises », précise Yves Jacquot, le directeur général adjoint de la Bred Banque populaire. Le Sepa (Single Euro Payment Area) et le nouveau système européen unique de paiement. Des services indispensables aux investisseurs étrangers.
S. C.
Chiffres clés
PIB 2008 : 509,6 milliards de yuans (57,3 milliards d´euros)
Taux de croissance : 14,3 % en 2008 par rapport à 2007
Investissements directs étrangers 2008 : 3 milliards de dollars (2,25 milliards d´euros)
Échanges commerciaux entre Chongqing et la France : 135 millions de dollars (100,9 millions d´euros) en 2008, principalement dans la mécanique et le textile
Parts de marché de la France à Chongqing : 2,15 % (2008)
Principaux fournisseurs de Chongqing : Japon (26 % de parts de marché) ; Allemagne (16,8 %)
Source : Chambre de commerce et d´industrie de Paris