« Un marché qui offre de nombreuses opportunités,
évolue très vite et nous prend souvent de court », c’est ainsi que
Pierre-Antoine Gailly, président de la Chambre de commerce et d’industrie de Paris
(CCIP), a qualifié la Chine
lors d’un séminaire organisé le 24 mai par la CCIP et le Comité France Chine, qui œuvre au
développement des relations entre entreprises françaises et chinoises.
Le marché intérieur chinois est en effet en pleine mutation.
En 2010, les salaires y ont augmenté de 24 % et la consommation intérieure de
18 %. Selon l’ambassadeur de Chine en France, Kong Quan, le pays fait face à
trois défis considérables : les disparités ente les investissements privés
et la consommation (la croissance de la consommation est supérieure à celle du
PIB) ; les disparités entre les régions de l’Est, côtières, où quasiment
toutes les entreprises françaises sont installées, et l’Ouest (le PIB de l’Est
est deux fois supérieur à celui de l’Ouest) ; et les disparités entre les
revenus des différentes couches sociales, notamment citadins/urbains.
Pour tenter d’y remédier, le gouvernement chinois a adopté
son 12ème plan quinquennal, dont le mot clé est « changement de
modèle de développement » explique Kong Quan. Les grandes actions visent à
élargir la consommation domestique, être moins dépendant des exportations, pour
maintenir une croissance stable et rapide de l’économie même en période de
crise. Cela passe par la promotion de l’urbanisation grâce à un apport de population
rurale en ville. Entraînant ainsi des besoins en logement, en infrastructures, transports
et en emplois. Pour Dominique Desjeux, anthropologue,
la Chine est
« sur la voie des Trente Glorieuses d’Europe ». Les marchés porteurs
sont ceux des équipements collectifs, du luxe, de la santé, des
cosmétiques et des seniors. « Mais attention à ne pas transposer nos
comportements de consommation sur eux » avertit-il.
Aymard-Yu, senior executive chez Van Cleef & Arpels,
assure que la clé de la stratégie commerciale des entreprises étrangères en
Chine est la notoriété de la marque. Car « les Chinois ont beaucoup de
choix, ils sont inondés de produits, et se méfient de ce qui n’est pas
connu. » Et pour les atteindre, il est important de passer via trois
canaux : l’emplacement d’une boutique dans les villes tiers, après Pékin
et Shanghai, est fondamental. Autre canal, la communication traditionnelle (presse
et télévision), et enfin Internet. « Il faut miser sur le e-marketing,
avoir un site institutionnel en chinois et être présent sur les réseaux
sociaux » conseille Aymard-Yu.
La classe moyenne chinoise représente la cible des
entreprises chinoises et étrangères. Yves Moulin, directeur des opérations
internationales chez Citroën, loue « l’appétit de consommation » de
cette classe et estime que ce premier marché mondial de l’automobile a un
potentiel énorme, malgré les disparités entre la ville et la campagne. « A
l’Est, remarque-t-il, les voitures vendues sont internationales, alors
qu’au centre et à l’ouest, c’est du 100 % chinois ». Les Chinois font
preuve d’un processus « très rationnel d’achat, ils se renseignent
beaucoup et sont influencés par le bouche à oreille physique ou du web. C’est
pourquoi il faut maîtriser ces paramètres » explique-t-il.
Pour les entreprises françaises intéressées par une
implantation, « il reste encore des opportunités sur la côte (hors des
mégalopoles) où les coûts d’installation sont faibles », affirme Jean-Paul
Tchang, président du cabinet WST and Partners. Seulement le développement du
marché domestique est vu comme « l’eldorado des entreprises
chinoises ». Il y une forte concurrence et un protectionnisme local. « Le
secteur de l’environnement est presque totalement chinois, l’accès aux
étrangers est limité et le parc éolien est pris d’assaut par les entreprises
publiques chinoises », constate David Boitout, avocat chez Gide Loyrette
Nouel. Autre secteur où le protectionnisme est patent : les BTP.
La meilleure ouverture reste la niche
technologique et le transfert de technologies pour lequel il y a une demande
chinoise, même si cela pose le problème de la protection du brevet. A
l’inverse, pour Alstom, le marché de l’énergie est plus ouvert. D’après Yves
Moorlas, directeur commercial d’Alstom en Chine, les facteurs de réussite du
groupe, (qui détient 20 % des parts du marché chinois) ont été la localisation
des sites de fabrication et d’installation en Chine, la compétitivité et le transfert
de technologies.
Quant à ceux qui ne souhaitent pas s’installer sur place,
ils peuvent accéder au marché grâce aux joint ventures, aux franchises et à Internet.
Ce nouveau canal de vente permet de ne plus passer par un distributeur local.
Taobao par exemple, est le grand site chinois de vente en ligne, où l’on peut
créer son magasin et s’adresser directement au consommateur.
« Les entreprises étrangères doivent s’adapter sans
cesse aux besoins du marché chinois si elles veulent consolider leur
ancrage » conseille l’ambassadeur chinois Kong Quan. Pour cela, il faut
définir l’orientation stratégique de l’entreprise en fonction des grands
projets de Chine, tels l’équipement en haute technologie ou l’environnement. « Il
faut créer des partenariats avec des entreprises chinoises. La relation client
fournisseur est révolue ». Aujourd’hui, « cette usine du monde veut
monter en gamme et s’intéresse aux hautes technologies » souligne Kong
Quan.
Alix Cauchoix