Alors que Donald Trump se cherche toujours des alliés en Europe pour mener sa guerre contre Huawei, le géant des télécommunications chinois est venu plaider sa cause à Bruxelles ce mardi 21 mai. S’estimant « victime » des attaques des Etats-Unis, qui veut désormais l’empêcher d’acquérir les technologies américaines dont il a besoin, Abraham Liu, représentant principal de cette firme auprès de l’Union européenne (UE), a averti les Européens des conséquences possibles d’une telle interdiction.
« Maintenant, cela arrive à Huawei. Demain, cela peut arriver à n’importe quelle autre compagnie internationale », a-t-il insisté lors d’une conférence de presse à Bruxelles, déplorant « une attaque contre l’ordre libéral fondé sur des règles ». Et pour dissiper les inquiétudes quant aux risques supposés d’espionnage de la part de la compagnie chinoise, M. Liu a promis qu’Huawei allait faire davantage, se disant ainsi prête à signer des accords dans ce sens avec les gouvernements et les clients dans tous les États membres de l’UE.
Les Européens tentent de ménager la chèvre et le chou
Cantonnés au rôle d’arbitre dans un conflit commercial qui les dépasse, les Européens tentent à nouveau de ménager la chèvre et le chou. « La France et l’Europe sont pragmatiques et réalistes. Nous croyons à la coopération et au multilatéralisme. En même temps, pour la 5G par exemple et beaucoup d’innovations, nous sommes extrêmement attentifs au sujet de l’accès aux technologies essentielles pour préserver notre sécurité nationale », a indiqué le président Emmanuel Macron à l’occasion du dernier salon Vivatech organisé à Paris (16-18 mai).
En bref, ni la France, ni l’UE n’ont pour objectif d’interdire l’équipementier télécoms chinois, comme l’ont fait les États-Unis. Les impératifs de sécurité nationale ne justifient pas le déclenchement d’une guerre technologique, a encore rappelé le président français, faisant écho aux déclarations des responsables à Berlin. Un message également relayé par la BDI, le puissant lobby industriel allemand. « L’Europe doit maintenir son cap, a-t-elle averti par voie de communiqué. L’industrie allemande a rapidement besoin de certitudes juridiques et de planification pour le développement de la 5G ».
Empêtrée dans l’interminable saga du Brexit, Theresa May s’est quant à elle montrée plus prudente encore, de peur de froisser l’allié américain avec lequel son pays espère entamer des négociations de libre-échange une fois le divorce avec l’UE prononcé. « Nous sommes en train de revoir notre politique en matière de 5G et lorsque nous serons prêts, nous en informerons le parlement », a précisé le porte-parole de la Première ministre britannique, rappelant que le gouvernement n’avait toujours pas tranché quant aux restrictions à imposer à Huawei et autres firmes chinoises.
Ailleurs en Europe, la position des États membres reste globalement alignée sur celle défendue par Paris et Berlin. Plutôt que d’envisager la mise au ban du géant chinois, la Belgique, les Pays-Bas, l’Italie ou l’Espagne se sont engagés à renforcer leurs protections contre l’utilisation malveillante d’équipements de télécommunication 5G.
Examen coordonné des procédures de sécurité
En mars 2019, la Commission a lancé un examen coordonné des procédures de sécurité actuellement en vigueur dans les États membres. Ces derniers devront finaliser leurs évaluations des risques d’ici à la fin du mois de juin afin de les soumettre à Bruxelles au plus tard à la mi-juillet.
L’UE procèdera ensuite à une évaluation globale d’ici fin octobre. Elle devra permettre au groupe d’experts en cybersécurité de définir les mesures à prendre, à l’échelle européenne, avant la fin de l’année.
De quoi rassurer les responsables de la firme chinoise, qui dispose ainsi d’une période de répit au sein de l’UE. Car l’importance du marché européen justifie largement les efforts déployés par Huawei à Bruxelles pour rassurer ses partenaires et clients. Si les activités du groupe sur le continent américain ne représentent que 7 % de ses revenus, l’entreprise écoule aujourd’hui près d’un tiers de ses smartphones en Europe, son premier marché à l’international.
Kattalin Landaburu, à Bruxelles