Grande surprise dans «l´usine du monde». Les salariés chinois de grands groupes arrivent à faire augmenter leurs salaires. Le groupe taïwanais Foxconn, premier sous-traitant mondial en électronique, avec des clients comme Apple, Nokia ou Sony, a ainsi annoncé le 2 juin – à la suite d´une dizaine de suicides- une hausse de 70% des salaires à compter du 1er octobre. Ce qui portera le salaire de base mensuel de 900 yuans (107 euros) à 2000 yuans (245 euros). Quelques jours plus tôt, Honda annonçait également une hausse de 24% de ses salaires de base. Les salariés de l´usine de pièces détachées de Foshan étaient en grève depuis le 17 mai, ce qui avait conduit le groupe japonais en coentreprise avec des entreprises d´Etat à mettre à l´arrêt ses trois usines de montage dans le pays.
Un mouvement à relativiser quand même. En effet, ces deux cas sont ceux de secteurs très emblématiques où le fait que les clients finaux soient des étrangers a certainement incité les donneurs d´ordre étrangers, et peut-être les autorités chinoises, à exercer une pression pour calmer les tensions. Mais on peut penser que ce n´est pas le cas dans une multitude d´autres usines de Chine qui fabriquent plus discrètement pour l´étranger. Les secteurs du jouet ou du textile sont certainement dans la même situation, mais avec une main d´oeuvre féminine temporaire peu revendicative.
De fait, l´évolution des grilles salariales en Chine ne va se faire du jour au lendemain. L´exode rural, même temporaire, n´est pas prêt de se tarir en Chine. Il y a là un réservoir de main d´œuvre pas qualifiée encore inépuisable. L´absence de syndicats réellement indépendants est un autre facteur de pression sur les salaires. En effet, la Fédération générale des syndicats de travailleurs de Chine est un relais de l´appareil d´Etat. Toute remise en cause de cet équilibre semble impossible actuellement.
Finalement, le fait que l´industrie chinoise se tourne vers des secteurs plus high tech profite encore peu aux travailleurs chinois. Quant aux secteurs traditionnels comme le textile, c´est la mondialisation salariale qui se retourne contre eux, comme en Europe il y a quelques années. En effet, dans les pays voisins, où les régimes politiques sont le plus souvent tout aussi autoritaires qu´en Chine, les salaires y sont bien plus bas. C´est le cas au Vietnam (salaire minimal mensuel : 43 dollars), au Laos (salaire minimal mensuel : 35 dollars), au Cambodge (environ 56 dollars par mois dans le textile), au Myanmar, et en Indonésie (plus bas salaire minimal mensuel dans l´Est de Java : 54 dollars). Reste à savoir si le mouvement chinois fera tâche d´huile. D´ores et déjà, sans lien avec la Chine, les salariés vietnamiens et indonésiens travaillant pour Nike réclament de meilleures conditions de travail.
Jean-François Tournoud