Les marchés sont colossaux mais les dangers considérables. On ne compte plus les échecs de PME qui croyaient avoir découvert l’eldorado en Chine, celles qui n’ont pas pu suivre faute de volumes suffisants ou qui ont préféré se contenter de « coups ». Pour une entreprise de taille moyenne, un bon partenaire est essentiel. Or, « la notion de temps est importante pour établir une confiance réciproque », rapportait Jean-Pascal Tricoire, le président du Comité France Chine, lors du forum économique franco-chinois, organisé à Bercy, le 27 mars, à l’occasion de la visite d’État du président Xi Jinping.
A la tête également de Schneider Electric, qui a noué un partenariat 50/50 avec le groupe chinois Delixi, Jean-Pascal Tricoire sait de quoi il parle, puisqu’il est basé à Hong Kong pour mieux piloter la zone à fort potentiel de l’Asie-Pacifique. « Dans les affaires, la relation personnelle est toujours importante, mais ici elle est d’autant plus importante que les cultures françaises et chinoises sont millénairement différentes ».
Dans le sillage des grandes entreprises
Pour les PME, venir dans le sillage des grandes entreprises peut être la solution. « Schneider est présent dans 300 villes chinoises avec des systèmes d’automatisation des transports, des technologies de gestion de l’eau ou des bâtiments intelligents. Nous travaillons ainsi avec tout un réseau de fournisseurs, dont certains ont été emmenés en Chine. Pour les Français, c’est l’assurance d’avoir des volumes qui leur permettent de s’installer sur place et de travailler avec d’autres », affirme Jean-Pascal Tricoire.
Fives est arrivé dans ce pays dans le sillage d’Arcelor. Et, de la même façon Redex (PME de mécanique de précision), s’est implanté sur place dans notre sillage », livre Frédéric Sanchez, qui préside le directoire du groupe d’ingénierie industrielle. « L’expérience », le « savoir-faire », la « technologie française » sont recherchés ont aussi souligné à Bercy les entrepreneurs chinois invités à témoigner avec leurs partenaires de l’Hexagone.
« Après 50 ans de coopération, il faut ouvrir une nouvelle période de 50 ans », a lancé le ministre chinois du Commerce, Gao Hucheng (notre photo), devant les représentants des 400 entreprises chinoises et françaises réunies à Bercy. Cinquante ans après le début des relations diplomatiques entre Pékin et Paris, Gao Hucheng plaide pour « des coopérations gagnant-gagnant » et « le développement d’un esprit pionnier ».
« La Chine, a encore déclaré le dirigeant chinois, est confrontée à la restructuration et la montée en gamme de son industrie, l’urbanisation et la modernisation de son agriculture ». Pour Deng Qilin, président de Wuhan Iron and Steel Corp (Wisco), partenaire à 50/50 de Fives, « la France possédant des PME d’excellence dans la technologie et le management qui veulent s’internationaliser, elles doivent contacter les autorités locales, et les collectivités françaises doivent aussi rencontrer leurs homologues et les entrepreneurs chinois. Et cet effort doit aussi être fait dans le sens inverse ».
Explosion du marché de la santé et montée de l’urbanisation
Les sociétés chinoises cherchent à s’associer. Il y a quinze ans, les Laboratoires Urgo ont abordé la Chine avec une offre d’entrée de gamme. Aujourd’hui, la société à capital familial livre des produits haut de gamme avec son partenaire Shanghai Pharma, qui distribue ainsi ses pansements spéciaux, permettant de guérir des plaies difficiles à soigner. Des produits qui s’adressent surtout aux diabétiques et aux personnes âgées. La PME française, qui utilise des visiteurs médicaux, s’est dotée en Chine d’une filiale commerciale de 60 personnes.
De façon générale, la santé est un secteur d’excellence de l’Hexagone dans l’Empire du Milieu. Les principaux groupes tricolores y sont présents (Sanofi, Ipsen, BioMérieux, Ethypharm…) et un club Santé a été ouvert en avril 2013 dans les deux pays pour faciliter les échanges, améliorer la visibilité de l’offre tricolore et développer les synergies.
C’est aussi un secteur d’avenir pour des entreprises très pointues. En hausse, les dépenses de santé représentaient 473 millions de dollars l’an dernier. La protection sociale devient un enjeu national, tout comme la prévention Enfin, l’urbanisation croissante et le vieillissement de la population génèrent une forte demande de centres de santé et une hausse des dépenses en fin de vie.
Depuis 2011, plus de la moitié de la population vit déjà en milieu urbain et plus de 50 villes comptent plus de deux millions d’habitants. Selon Jean-Pascal Tricoire, l’Empire du Milieu est « au cœur de l’urbanisation », car 100 de ses villes figurent déjà parmi les 600 cités les plus peuplées de la planète. Mieux encore, elles seront 200 dans 12 ans à être classées dans ce Top 600 mondial. Quant au vieillissement de la population, d’ici cinq ans, plus de 150 millions d’habitants seront âgés de plus de 65 ans.
Plusieurs entreprises françaises ont déjà montré leurs compétences en matière d’architecture hospitalière, comme AIA, et de maisons de retraite, à l’instar de Colisée et Domusvi. Orpea, à l’occasion de la visite du président Xi Jinping dans l’Hexagone, a annoncé la conclusion d’un protocole d’accord avec la société d’aménagement publique de la ville de Nanjing et l’hôpital Gulou pour développer « une maison de retraite médicalisée de 180 lits » dans cette cité de 8 millions d’habitants, située à près de 300 kilomètres à l’est de Shanghai. Le spécialiste des établissements d’hébergement de personnes âgées dépendantes (Ehpad) n’entend, d’ailleurs, pas s’arrêter là. La Chine s’attend à une explosion de sa population âgée de plus de 80 ans. Leur nombre pourrait ainsi s’élever à 150 millions au milieu du siècle.
François Pargny