Sous la houlette de Sud de France Export, le bras armé de la Région du Languedoc-Roussillon, des viticulteurs de la région ont présenté leurs vins à des importateurs et des distributeurs chinois avec le meilleur sommelier de France 2004, Dominique Laporte.
Le Moci les a suivis, de Shanghai à Pékin en passant par Wuxi et Hangzhou.
Jeudi 19 mai, arrivée à Shanghai. Sous un ciel bas et couvert – en partie en raison de la pollution (ce sera le cas tout au long de mon séjour) je débarque en fin d’après-midi à l’aéroport de Shanghai. Cette mégapole de plus de 23 millions d’habitants vit au rythme des affaires et de ses gratte-ciels. Ce que me confirme un expatrié français lors d’un dîner organisé le soir même dans un restaurant chic de Shanghai par Sopexa pour tous les exposants français présents au SIAL.
Vendredi 20 mai, matinée au SIAL.
Le vin est cette année à l’honneur au SIAL avec pour la première fois un hall entier qui lui est spécifiquement consacré et un important pavillon français qui fait le double de celui de l’Italie. D’emblée une constatation
s’impose : chacun des exposants a sa Chinoise ou son Chinois car ici il est impossible de faire des affaires sans savoir parler le chinois. Une bonne connaissance du marché s’impose pour pouvoir choisir un importateur sérieux. « Face au boom du vin en Chine, de nombreux hommes d’affaires chinois se sont lancés avec opportunisme sur ce marché sans le connaître », nous explique Yiran Liu, la directrice de la Maison du Languedoc-Roussillon à Shanghai, une structure dépendant de Sud de France Export. D’où l’intérêt de pouvoir être aidé pour opérer un tri comme le fait la « Maison » de Shanghai pour ses producteurs.
Vendredi 20 mai, après-midi à la Saint-Bacchus. Après un sandwich avalé en vitesse et un taxi clandestin pris pour retourner dans le centre de Shanghai (impossible de trouver un taxi normal), direction la Maison du Languedoc-Roussillon où a lieu la cérémonie de la Saint-Bacchus, un concours, organisé en Chine (après Londres et New York) par le Conseil interprofessionnel des vins du Roussillon (CIVR) et Sud de France Export. Un Grand jury composé de professionnels du vin du pays concerné comme Qian Wei, fondateur de EMW (East meets west fine wines), classé dans le top 5 des importateurs de vins chinois, Long Yun, à la tête du site de vente de vins en ligne Yes My Wine, qui s’est classé premier site de vente en ligne en Chine ou encore Yang Lu, sommelier de l’hôtel de luxe Peninsula Shanghai, dans le quartier du Bund à Shanghai, est chargé de primer une sélection de 162 vins du Roussillon.
Les résultats ne seront dévoilés que le 10 juin à Perpignan lors de la “Nuit de la Saint-Bacchus”, mais d’ores et déjà les deux coprésidents du Grand jury, Mme Jia Peng, directrice et fondatrice de l’École du vin de Shanghai (World Wine Education), et Dominique Laporte, meilleur sommelier de France en 2004, insistent sur l’exigence de qualité des jurés. « On assiste à une très rapide évolution des goûts, nous confie Dominique Laporte, avec des choix reposant désormais sur des critères de vins moyen-haut de gamme ».
Vendredi 20 mai, soirée de dégustation. Cette soirée est organisée par l’importateur Fortune Tree autour de l’alliance des mets chinois et des vins du Languedoc-Roussillon. Elle est commentée par Dominique Laporte (pas facile de trouver des vins allant bien avec des plats épicés, voir page 30). Pour une fois ce dernier parle en anglais car il y a dans la salle une partie des distributeurs basés à Hong Kong.
Samedi 21 mai, étape à Wuxi. Nous prenons un train rapide à la gare de Shanghai pour nous rendre à Wuxi, au Nord-Ouest de Shanghai, où nous attend dans un grand hôtel l’importateur du Château Sain- Estève, un vignoble dirigé par Éric Latham, petit-fils du mythique explorateur Henri de Monfreid. Devant une centaine d’invités, Dominique Laporte commente les sept vins présentés, dont des hauts de gamme comme Ganymède et Altair. La dégustation se termine par la traditionnelle remise de diplômes signés par Dominique Laporte .
Samedi 21 mai, étape à Hangzhou. Cette fois-ci c’est un minibus qui nous attend pour aller à Hangzhou, ville touristique située dans les montagnes au sud de Shanghai et capitale du thé.
Sur la route qui nous emmène de Wuxi à Hangzhou, les immeubles poussent comme des champignons et les routes en construction se succèdent, signe que tout bouge très vite en Chine. Le mode de vie des Chinois change également à vitesse grand V. Symbole de ce changement : la traditionnelle robe de mariée chinoise de couleur rouge cède désormais le pas à la robe blanche à l’occidentale.
En matière d’alcool, les Chinois changent aussi leurs habitudes : le vin est ainsi de plus en plus consommé avec une moyenne estimée aujourd’hui à 0,8 litre par tête d’habitant, soit le double par rapport à 2008. Certes le traditionnel baijiu (alcool blanc de sorgho ou de riz produit par distillation) que l’on boit en portant un toast et en faisant ganbei (cul sec) au cours d’un repas reste incontournable. De plus, les autorités chinoises préfèrent encourager la consommation de vin jugée moins dangereuse pour la santé.
Nous allons à la rencontre de Mme Fu Hui Fen, qui règne sur cette région. Agée de 40 ans, celle-ci, qui est à la tête d’un groupe présent dans l’immobilier, le textile et l’hôtellerie, s’est lancée il y deux ans avec succès dans l’importation de vin (30 containers importés en 2010 dont les deux tiers de vins de Bordeaux). Elle nous confie ses ambitions : 80 à 100 containers pour 2012 avec le souhait de devenir partenaire exclusif de Château Saint-Estève pour toute la Chine. Pour Mme Fu, les vins du Languedoc-Roussillon sont parfaitement adaptés à la Chine, car ils sont d’un bon rapport qualité prix et ont des goûts correspondant aux Chinois : « Ce sont des vins suaves avec une certaine sucrosité en bouche », explique t-elle. Nous sommes reçus avec tous les égards réservés à une délégation politique officielle. Mme Fu a convié une centaine d’invités pour une dégustation de vins de Château Saint-Estève avec les commentaires de Dominique Laporte. La soirée se termine avec un défilé de mannequins et une chanson à la gloire du Parti communiste… Après une nuit de repos passée dans son hôtel situé au bord du lac, nous repartons tôt le matin sur Shanghai.
Dimanche 22 mai, dégustations
à Shanghai. De retour à Shanghai, nous esquivons une dégustation pour aller voir le “marché aux voleurs” – le temple de la contrefaçon –. Mais le soir, pas question de louper une dégustation de vins Mont Tauch à l’invitation de l’importateur Lengdok Fine Wines, spécialisé dans les vins du Languedoc, dans le très select Cellar Club de Shanghai qui vient d’ouvrir. « Chaque membre du Cellar Club peut déguster du bon vin, nous explique son directeur, Eunice Zhuang. Il est également possible de louer une superficie de cave à vin en fonction de
ses besoins.
Pas de doute, le luxe est un moteur dans l’achat des vins français. Les bars à vins chics se multiplient à Shanghai et Pékin et de nombreux clubs privés réunissant des amateurs éclairés se créent. Sans compter les magazines luxueux consacrés aux vins et les émissions de télé spécialisées. Sur ce créneau du luxe traditionnellement occupé par les bordeaux, d’autres vins comme ceux du Languedoc-Roussillon se positionnent avec succès. Avec toutefois un bémol : J Vino, le seul importateur chinois qui fait du haut de gamme pour ces vins avec des bouteilles à 50 euros en France (prix multiplié par 5 en Chine) a du mal à percer.
Lundi 23 mai, dégustations à Pékin. Nous prenons l’avion pour Pékin. Au programme de nouvelles dégustations avec de gros importateurs chinois tels que EMW ou Cofco, numéro un en produits agro-alimentaires qui s’est lancé avec succès dans le vin. Mais aussi avec d’autres petits importateurs comme Félix Liu de Label France ou Hélène Lin de Shanghai Grand Cru International Trade Co (voir autre article).
Le soir, Ubifrance invite dans un ancien temple désaffecté du vieux Pékin les exposants français du salon Top Wine China qui s’ouvre le lendemain. Les questions fusent particulièrement sur le fait de donner ou pas l’exclusivité à un importateur chinois. Réponse de Aladin Laroussi, responsable pour la Chine de la maison de négoce Diva, « il faut attendre un an, après cela peut être possible, mais il faut venir voir ses distributeurs régulièrement au moins tous les trois mois ».
Mardi 24 mai, salon Top Wine China à Pékin. C’est l’ouverture du salon Top Wine China à Pékin avec une grosse affluence dès le matin et beaucoup de professionnels présents parmi les visiteurs. Parmi les exposants français plusieurs affichent leur satisfaction. Reste ensuite à concrétiser les contacts pris. Et comme le souligne un des exposants, il ne faut pas oublier que pour un Chinois, un contrat signé est le début des négociations alors que pour un Français il marque la fin des discussions….
Isabelle Verdier, envoyée spéciale