L’industrie chimique est incluse dans l’une des 11 filières mises en place après les États généraux de l’industrie (octobre 2009-février 2010). Filière qui comprend aussi la transformation des plastiques et caoutchouc, les matériaux métalliques et la transformation des métaux, les matériaux minéraux non métalliques, le bois-papiers-cartons, ainsi que les textiles techniques. Le comité stratégique de la filière a été créé en octobre 2010 et se met en place progressivement.
Globalement, la filière représente 941 000 emplois et 241 milliards d’euros de chiffre d’affaires (en 2008). Daniel Marini, directeur des affaires économiques et internationales de l’Union des industries chimiques (UIC), estime que la chimie au sens strict « compte pour 82 milliards d’euros » de cet ensemble.
En janvier 2011, cinq groupes de travail ont été créés dans le secteur strict de la chimie : recyclage, emplois et compétence, infrastructures et logistique, démarche filière pour la chimie et la plasturgie, et chimie verte. Ils rendront leurs premières conclusions à l’automne prochain.
À l’UIC, on estime que, dans la chimie verte, quatre objectifs sont prioritaires : insérer la chimie dans les filières d’avenir (chimie dite « curative » utilisée pour le traitement de l’eau et des déchets) ; diminuer la consommation d’énergie et de matières ; face à la raréfaction des ressources, privilégier la chimie végétale ou les biotechnologies ; maximaliser le recyclage.
Mais ces objectifs ne sont qu’un des nombreux défis auxquels est confrontée la chimie, un des rares secteurs à avoir dégagé un excédent commercial en 2010 (7,576 milliards d’euros, grâce notamment aux parfums et cosmétiques). Le secteur a dressé un catalogue de ses difficultés et solutions, dont beaucoup sont communes à tous les secteurs industriels (coût du travail, coût de l’énergie dont la chimie est une grande consommatrice, accès aux matières premières, accès des PME à des financements à l’international et aux clusters d’innovation).
D’autres sont plus spécifiques au secteur. Ainsi, les contraintes réglementaires – le règlement européen Reach, le système européen des quotas d’émission de carbone appelé ETS qui deviendra effectif en 2013, ou la prévention –génèrent des coûts. Les acteurs de la chimie française souhaiteraient également un transport ferroviaire plus efficace – alors que le nombre de dessertes diminue – grâce au développement d’opérateurs ferroviaires de proximité, et l’autorisation de transport routier pour les chargements de 55 tonnes.
La chimie française reconnaît ses faiblesses, comme sa dispersion à travers le territoire. Elle estime qu’il est nécessaire de se regrouper en quatre ou cinq pôles industriels en France. Surtout, elle craint que certaines initiatives françaises ou européennes soient contre-productives. Ainsi, du Programme d’investissements d’avenir de 35 milliards d’euros qui est largement tourné vers la R&D. Daniel Marini, de l’UIC, est catégorique : « Investir uniquement pour soutenir l’innovation n’est pas suffisant si on veut un réel développement industriel en France des technologies d’avenir. Comme cela se fait aux États-Unis et dans les pays émergents, il faudrait permettre que des aides publiques soutiennent les investissements industriels. Or, les contraintes sur les aides publiques imposées par Bruxelles ne le permettent pas. Dès lors, il y a un risque que les premiers investissements industriels à partir des technologies innovantes mises au point en France se réalisent à l’étranger. »
C’est déjà le cas pour l’entreprise clermontoise Metabolic Explorer, spécialisée dans la chimie biologique, qui va construire une usine de PDO (composé chimique entrant dans la fabrication des fibres de polyester à partir de glycérol tiré de l’huile de palme) en Malaisie car elle bénéficie de toute une série d’avantages (financement de 30 millions d’euros pour l’acquisition de l’immobilier et la construction de l’usine, exonération d’impôts pendant dix ans, etc.).
Même chose dans l’acide succinique, un composant d’origine naturelle qui entre notamment dans la fabrication du plastique. L’entreprise américaine Myriant Technologies va commencer à construire en Louisiane une grosse usine produisant ce composant pour un coût de 80 millions de dollars (avec des subventions publiques qui devraient atteindre 60 millions).
Par ailleurs, l’UIC regrette que le FSI (Fonds stratégique d’investissement) n’ait pas prévu la création d’un fonds spécifique pour la chimie, comme cela est le cas de l’automobile. Il est vrai que, souvent, les PME de la chimie sont des filiales de groupes internationaux, ce qui, selon la réglementation européenne, leur interdit de bénéficier d’aides réservées aux entreprises dont le capital est au moins pour moitié européen. Enfin, reste à savoir si les comités stratégiques de filière iront au-delà de 2012.
Jean-François Tournoud