Interview croisée entre Mathieu Bailly, Président d’Eurodia, et Tiny Doucende-Ramirez, Déléguée International région Sud de Bpifrance
Pouvez-vous vous présenter brièvement ?
Mathieu Bailly. La société Eurodia est une PME créée en 1988 et basée à Pertuis (84). Elle est détenue majoritairement par ses cadres dirigeants et a conclu un accord de partenariat industriel et commercial avec Mitsubishi Chemical Aqua Solutions Co Ltd (MCAS) qui détient une participation minoritaire. En 2019, le chiffre d’affaires a atteint plus de 40 millions d’euros, dont 80% a été réalisé à l’international.
Nous sommes spécialisés dans la conception, la fabrication, l’installation et la maintenance de solutions industrielles de purification de fluides pour les industries laitières et fromagères, sucrières et vinicoles ainsi que dans le domaine de la chimie de transition et du renouvelable. L’innovation fait partie de l’ADN du groupe. Nous avons, notamment, mis au point un procédé original de déminéralisation du lactosérum, un composant essentiel de la fabrication de la poudre de lait pour bébés. Près de 70% de la production mondiale de lactosérum déminéralisé haute qualité (D90) est aujourd’hui réalisée grâce à nos procédés brevetés. Tous secteurs confondus, nos solutions sont installées dans plus de 500 installations industrielles dans le monde.
La dimension de développement durable est très importante dans notre activité : nos clients nous demandent des outils de production dotés de la plus faible empreinte carbone possible. Nous sommes présents dans la chimie verte (bioraffineries utilisant la biomasse) et dans la chimie de transition, certaines de nos technologies sont utilisées pour l’extraction et la purification du lithium, utilisé pour la fabrication des batteries.
Tiny Doucende-Ramirez. Bpifrance est une banque publique qui accompagne les entreprises et offre des solutions de financement adaptées à chaque étape de la vie d’une entreprise. Partenaire privilégié́ des régions, Bpifrance ancre son action dans les territoires au sein desquels elle contribue à maintenir un tissu industriel dynamique et à développer l’emploi, notamment au niveau local. Nous sommes avant tout une banque de proximité : 90% des décisions sont prises en régions.
Eurodia est une société innovante, dotée d’une vraie stratégie de croissance internationale et engagée dans une dynamique de développement durable. Elle a acquis de très solides références dans le monde. Par ailleurs, la gouvernance est solide. Eurodia correspond parfaitement au type d’entreprise que nous souhaitons accompagner à l’international, en leur proposant notre gamme d’outils et un accompagnement personnalisé.
Quelle a été votre relation avec Bpifrance ?
M.B. Pendant plusieurs années, nous avons adopté une culture de l’autofinancement et nous n’avons pas eu recours à des sources externes de financement. En 2015, nous avons bénéficié de deux prêts export, l’ancêtre de l’actuel Prêt Croissance International, pour un montant total de l’ordre de 2 millions d’euros. Cette enveloppe nous a permis de financer différents investissements, notamment la construction d’un atelier de maintenance et d’un laboratoire de recherche-développement dans notre filiale au Brésil.
Nous avons recours à l’Assurance Caution Export (ACE) pour répondre aux demandes de garanties formulées par nos clients, qui sont généralement des sociétés privées. Dans la mesure où ce ne sont pas, dans la plupart des cas, des appels d’offres publics, nous ne sollicitons pas des garanties de soumission. En revanche, nous recevons des acomptes qui peuvent être parfois élevés et nos clients demandent à être protégés. Ces acomptes doivent faire l’objet d’une garantie bancaire. Bpifrance apporte une contre-garantie à hauteur de 80% de la garantie bancaire.
Quelle appréciation portez-vous sur ces outils ?
M.B. Ces deux outils sont parfaitement adaptés à nos attentes. Le dispositif d’appui mis en place par Bpifrance se caractérise par la souplesse et la flexibilité, ce qui représente un avantage indéniable et un élément de confort.
Pour ce qui est des deux prêts export obtenus, et au-delà de leur utilisation en partie pour notre développement géographique au Brésil, ils ont également permis d’accroitre nos capacités de production pour faire face à la demande grandissante de nos clients à l’international. Concrètement, nous avons investi dans de nouvelles lignes de production pour satisfaire cette demande.
Pour ce qui est des garanties, l’apport de Bpifrance a été décisif. Il a permis de rassurer à la fois nos clients et nos banquiers. Sans ce type d’outil nous ne pourrions pas obtenir des contrats à l’international. Nous avons une enveloppe annuelle assez large qui est renouvelée régulièrement. C’est également un outil de négociation important dans la relation avec les clients.
Il y a un autre aspect qui est moins apparent mais tout aussi décisif. La contre-garantie permet de réduire l’encours de risque des banques et de libérer de la capacité pour d’autres financements, pas forcément liés à l’international. Par ailleurs, les acomptes versés par nos clients renforcent notre trésorerie. Ces deux effets se conjuguent pour renforcer notre situation financière. En définitive, l’apport de Bpifrance constitue un puissant effet de levier pour le développement de l’entreprise, en France comme à l’étranger.
Qu’en est-il de la relation avec les chargés d’affaires ?
M.B. C’est un autre élément très important. Nous apprécions le fait d’avoir comme interlocuteurs, au sein de Bpifrance, des spécialistes qui comprennent parfaitement nos attentes et qui construisent des solutions sur mesure. Ce sont de vrais partenaires d’affaires et cela rassure le chef d’entreprise qui sait qu’il peut leur faire confiance et compter sur eux.
T.D.-R. Nos chargés d’affaires sont rompus à l’analyse des chiffres et des différents documents comptables. Mais leur appréciation ne se limite pas aux données quantitatives. Ils connaissent l’histoire de l’entreprise, son offre, sa culture et ses dirigeants. Ils ont donc une appréciation des risques bien plus fine. Une de nos forces réside dans l’ancrage local et la proximité qui nous permettent d’avoir une connaissance précise du tissu des entreprises dans les territoires. C’est une vraie valeur ajoutée que nous mettons au service de nos clients.
Vous venez d’évoquer la construction de solutions sur mesure. Pouvez-vous nous fournir un exemple récent ?
M.B. Oui, et cela concerne la Russie. Après un an de négociations, nous avons signé, en juin 2020, un contrat d’une valeur de plusieurs millions d’euros avec une laiterie pour lequel nous n’avons pas pu bénéficier de garanties en raison de la situation particulière créée par les sanctions internationales. Nous avons fait le tour des acteurs habituels, sans succès car la pandémie du Covid-19 n’a pas facilité les choses alors que nous avions leur support avant mars 2020. Notre client russe nous appelait régulièrement pour connaître l’état d’avancement de la demande de garantie. Nous nous sommes tournés vers Bpifrance qui s’est mobilisé en pleine période estivale pour mettre en place une solution.
T.D.-R. A côté de la ligne « classique » renouvelée, une demande complémentaire a été formulée pendant l’été 2020 sur une ACE pour couvrir des garanties à première demande (GAPD), à émettre sur cet important marché russe. Il convient de rappeler que nous gérons le dispositif pour le compte de l’État français. La Russie est un pays ouvert dans le cadre de la politique de financement export de l’Etat français, mais nécessite la réalisation de diligences en matière de lutte contre le blanchiment des capitaux et le financement du terrorisme (LCB-FT) plus poussées.
Nous avons obtenu le feu vert de la commission des garanties en septembre 2020. Sans notre intervention, les banques n’auraient jamais émis de garanties sur ce projet, et Eurodia n’aurait pas pu satisfaire les exigences de l’acheteur qui lui mettait une pression importante. Ce projet illustre parfaitement notre mission. Les exportateurs sont confrontés à des risques lorsqu’ils travaillent à l’international. Nous mettons en place des solutions de mutualisation des risques qui permettent à l’entreprise de se concentrer sur l’obtention et l’exécution d’un contrat.
Comment qualifieriez-vous l’accompagnement fourni par Bpifrance ?
M.B. Je suis en contact régulier avec Tiny. Indépendamment de la mise en place de solutions, je sais que je peux l’appeler dès que j’ai un besoin d’information ou de conseil. Bpifrance apporte un accompagnement complet en matière de développement international.
T.D.-R. Bpifrance est bien plus qu’un partenaire financier. Nous accompagnons les entreprises quel que soit le degré de maturité de leur développement international : nous nous adaptons en permanence à leurs besoins pour les faire progresser davantage. En définitive, je dirais que nous sommes leur coach à l’international.