Les problèmes d’approvisionnement touchent de nombreux secteur industriels actuellement. La filière bois n’est pas épargnée mais pour d’autres raisons que la reprise de la machine mondiale. La trop forte demande chinoise en bois de chênes absorbe un volume important de l’approvisionnement des scieries françaises. Elle serait notamment liée à l’arrêt des exportations russes et à la prédation mondiale de ce bois précieux dont la Chine interdit toute récolte sur son sol.
La Fédération nationale du bois (FNB), représentant les scieries, a alerté ces dernières semaines le ministère de l’Agriculture sur le manque à court terme de grumes de chênes, et sur sa conséquence directe, la réduction des approvisionnements des scieries françaises.
« Sur une récolte annuelle de 2,2 millions m3 de bois de chêne, nos scieries ont besoin de 1,7 millions m3 pour découper le bois à destination de leurs clients constructeurs, artisans et fabricants de meubles, de parquets, de poutres…Or, il n’y a aujourd’hui que 1,3 millions m3 disponible pour nos scieries qui sont pénalisées par un manque à gagner de 400 000 m3 ! » s’inquiète Nicolas Douzain, porte-parole de la FNB.
600 000 m3 exportés dont 70 % vers la Chine
La raison d’un tel défaut d’approvisionnement ? La trop forte demande chinoise qui a accru l’exportation de bois de chênes français vers l’empire du milieu de 50 % !
Ainsi, sur les 600 000 m3 de ce bois précieux que la France exporte dans le monde, 70 % le sont vers la Chine. « La Chine absorbe grosso modo les 400 000 m3 qui manquent à la quasi-totalité de nos scieries. Ce qui les conduit à brider leur activité sur le bois de chênes et d’être en défaut de livraison auprès de certains de leurs clients » confirme Nicolas Douzain.
Pour la FNB, cette difficulté d’approvisionnement relève surtout d’une problématique géopolitique. « La Chine anticipe la décision de la Russie, deuxième producteur mondial de bois de chênes et dont elle est le premier client, d’arrêter au 1er janvier 2022 ses exportations en la matière, en réorientant sa demande en France qui en est le troisième producteur mondial » explique-t-il.
Réorientation de la demande chinoise vers la France
Les Chinois semblent profiter de l’export de bois de chênes français dans l’un des rares pays encore ouverts à sa vente à l’international. « D’autres pays producteurs comme la Roumanie ont également fermé leurs frontières à l’export de bois de chênes » souligne-t-il.
La FNB va même plus loin dans les raisons qui amènent aujourd’hui ce manque de matière première pour ses scieries. « Le gouvernement chinois a interdit toute récolte de bois de chênes sur son sol pendant 99 ans, à cause d’une grave dégradation forestière. D’où la prédation chinoise de ce type de bois dans le monde, notamment en France, dans le cadre d’un système organisé et subventionné par les autorités chinoises. C’est une véritable guerre économique » s’insurge Nicolas Douzain.
« Les Chinois achètent au prix fort le bois de chênes français sur d’importants volumes. Cela contribue à doper les ventes et les exportations des négociants, experts et exploitants indépendants de forêts de chênes » ajoute Nicolas Jobin, porte-parole de l’Union de la coopération forestière française (UCFF), qui rassemble les coopératives forestières dont la vocation est de gérer les forêts des propriétaires privés adhérents.
Sécuriser 11 000 m3 supplémentaires d’approvisionnement des scieries
Pour mieux sécuriser l’approvisionnement des scieries de la FNB en bois de chênes, l’UCFF propose une solution pérenne : étendre ses contrats annuels d’approvisionnement qui permettent d’assurer sur le long terme la commercialisation du bois de chênes aux scieries clientes en quantité mais aussi en qualité et en prix.
« Notre récolte annuelle de bois d’œuvre de chênes s’élève à 220 000 m3, soit 10% du marché national. 40% de ce volume est déjà commercialisé par contrat d’approvisionnement avec les scieries françaises. Nous sommes prêts à hisser cette commercialisation par contrat d’approvisionnement à hauteur de 50% de ce volume, garantissant la transformation des grumes de chênes sur le territoire national » expose Bernard Servois, président de UCFF.
Mais pour la FNB, cette solution ne permet de sécuriser que 11 000 m3 supplémentaires de bois de chênes pour approvisionner ses scieries, « un volume très insuffisant par rapport aux 400 000 m3 manquants » conclut Nicolas Douzain.
Bruno Mouly