Bercy France Export 2023, le grand rendez-vous annuel du Trésor avec les entreprises exportatrices, a confirmé le 9 février la priorité donnée par Bercy, dans sa politique d’aide et de financement export, aux projets d’exportation en lien avec la transition écologique et la lutte contre le changement climatique, avec une politique de financement export volontariste. La préparation d’un nouveau plan de soutien aux PME et ETI à l’export a également été confirmée.
Aucune grande nouveauté en termes de produits ou d’instrument n’a été annoncée cette année dans la politique de financement export (PFE) de l’État lors de ce rendez-vous annuel Bercy France export organisé par le Trésor pour les entreprises exportatrices et leurs banquiers.
Mais les participants ont eu droit à la réaffirmation, pour la quatrième année consécutive, d’une volonté claire du gouvernement de donner la priorité aux projets « verts » et innovants contribuant à la lutte contre le changement climatique, la transition écologique et le développement durable. D’où ce thème cette année de la « réindustrialisation verte », pour marquer le lien entre les priorités du plan d’investissement France 2030 et l’export, dans le contexte d’un déficit commercial qui a atteint un nouveau record cette année, à près de 164 milliards d’euros (Md EUR). « La question de la réindustrialisation verte est stratégique », a déclaré Olivier Becht, ministre en charge du Commerce extérieur, de l’attractivité et des Français de l’étranger, qui a ouvert la journée.
Dans ce cadre, et dans le contexte actuel marqué par les tensions géopolitiques, la politique de financement export, qui sert de cadre à la politique d’assurance-crédit et de financement à l’export, reste très ouverte malgré quelques restrictions supplémentaires cette année.
Russie, Biélorussie : fermeture des « guichets »
Pour rappel, la carte de la politique de financement export (PFE) de l’État utilise un jeu de couleurs allant du vert au rouge, du plus ouvert à la fermeture totale en passant par des ouvertures sous condition (ci-après).
La carte de la PFE est en ligne, cliquez ICI.
D’après la présentation de Magalie Cesana, cheffe du service SABINE, affaires bilatérales et internationalisation des entreprises à la DG Trésor, des restrictions ont été introduites pour seulement dix pays, tandis que trois autres pays ont vu les conditions s’assouplir.
Concernant les restrictions, Russie et Biélorussie sont logiquement passées au rouge pour des raison évidentes liées aux sanctions contre la guerre en Ukraine, ce qui signifie que le guichet des aides publiques à l’export est fermé.
Sept autres pays passent du vert à l’orange, soit des conditions plus restrictives : Iran, Mali et Burkina Faso principalement en raison de la dégradation de la situation politique ; Pakistan, Kenya, Ghana et Nigeria principalement en raison de la dégradation de la situation macro-économique. Enfin, la Guinée reste en vert mais une plus grande sélectivité des projets a été introduite.
Les trois pays bénéficiant d’assouplissements sont d’une part le Gabon et la Moldavie (qui passent au vert) et d’autre par le Venezuela, qui passe du rouge à l’orange, ce qui permet une reprise des opérations, certes dans un cadre très sélectif.
Des détails sur les conditions par pays ont été données aux entreprises lors d’un atelier non ouvert à la presse. D’une manière générale, celles-ci bénéficient de davantage de transparence de la part de la DG Trésor, qui publie depuis l’an dernier ses conditions d’interventions pour chaque pays, notamment ses exigences en matière de cofinancement, ses conditions concernant les acheteurs privés, le détail des restrictions sectorielles et les modulations d’assiette de part française finançable. Magalie Cesana a rappelé que les secteurs prioritaires demeuraient les infrastructures essentielles, les énergies renouvelables, les transports (systèmes, matériels).
Fasep, Prêts du Trésor : priorité aux projets « verts » et durables
L’orientation sur les projets « verts » et durables est devenue un critère important de l’octroi des aides à l’export, qu’elles émanent directement du Trésor ou qu’elles passent par Bpifrance assurance export.
Concernant les fonds Fasep (Fonds d’études et d’aide au secteur privé), dispositif de subventions et avances remboursables que gère la DG Trésor et qui financent des études de faisabilité et des démonstrateurs via des appels à projets, la priorité aux projets « verts » se confirme à travers l’intitulé des appels à projet. Exemple, celui sur les « solutions innovantes et durables pour l’autonomie énergétique » qui a permis d’octroyer un montant de subvention de 3,3 millions d’euros (M EUR) à 6 projets dans cinq pays, dans des domaines comme la production et le stockage, l’économie de ressources ou les services aux populations.
Au total, l’enveloppe budgétaire de 30 M EUR dont disposait le Fasep en 2022 a permis de financer 38 projets dans 27 pays (38 % en Afrique), à 68 % portés par des PME. Pour 2023, le budget alloué au Fasep sera du même ordre, 30 M EUR.
Concernant les prêts du Trésor, des financements directs et concessionnels d’État à État gérés par la DG Trésor en soutien à des grands projets d’infrastructures portés par des entreprises françaises, le montant engagé en 2022 a été « exceptionnel », avec 1,2 Md EUR. Il a permis de boucler huit projets export d’infrastructures essentielles dans six pays (Côte d’Ivoire, Egypte, Nigeria, Sénégal, Royaume-Uni, Ukraine), à l’instar de la livraison de rails aux chemins de fers de l’Ukraine (38 M EUR), du matériel roulant pour le métro d’Abidjan (202 M EUR), ou encore une augmentation des capacités sanitaires au Nigeria (55 M EUR).
L’enveloppe budgétée pour 2023 revient à un niveau plus habituel de 1 Md EUR. Une réflexion est en cours sur la possibilité d’étendre le champ d’application de cet instrument au pays les moins avancés (PMA).
Année record pour les prises en garantie
et décollage des « bonus climatiques »
Concernant l’assurance-crédit export et les autres garanties gérées par Bpifrance assurance export au nom et pour le compte de l’État, l’orientation « verte » est également sensible mais les secteurs restent diversifiés, selon le bilan et les perspectives présentés par François Lefèbvre, son directeur. Quelque 15 « bonus climatiques » -des facilitations supplémentaires accordées aux projets « verts » mises en place en 2021– ont été octroyés l’an dernier.
Côté engagements, 2022 a été une année record pour l’assurance-crédit : 30,274 Md EUR, + 74 % par rapport à l’année précédente, pour 170 nouvelles opérations. Le détail par secteur n’a toutefois pas été fourni. Ce montant inclut 6 garanties rehaussées, deux assurances investissement, une garantie interne et, surtout, les deux premières garanties de projets stratégiques (GPS) octroyées quatre ans après la création de l’instrument.
La GPS est ce nouvel instrument créé en 2018 pour soutenir des projets prometteurs mais sans contenu d’exportation immédiat. Il semble que l’extension de leur champ d’application à des projets menés sur le territoire français et non plus seulement à l’international, intervenue l’an dernier, a déclenché son décollage : les deux premières GPS ont ainsi été octroyées à des projets menés par deux startups françaises dans des secteurs « vert » afin de boucler leur financement bancaire.
La première est Neoline, compagnie maritime qui développe des services de transport maritime utilisant l’énergie vélique, qui a pu ainsi boucler le financement d’un navire pilote de 135 m. Le second est Verkor, jeune pousse industrielle qui est en train de construire à Dunkerque une gigafactory pour fabriquer des batteries automobiles avec le soutien du gouvernement, dans le cadre de son projet de création d’une filière batteries. Deux projets qui auraient peiné à trouver des financements bancaires sans cette garantie, selon le témoignage des dirigeants.
Une garantie interne a aussi été octroyée à un projet novateur de navire vélique porté par le Chantier Piriou et la compagnie maritime Towt.
En dehors de l’assurance-crédit, produit phare du soutien export mais concentré sur les grandes entreprises (80 % des montants et 39 % du nombre de dossier), d’autres produits davantage prisés par les PME ont enregistré un recul en montant : 930 M EUR pour les garanties de caution et de préfinancement export (pour 514 dossiers), en recul de 33 % ; 422 M EUR pour la garantie de change (-31 % pour 161 dossiers).
Produit phare pour les PME, les montants au titre de l’assurance prospection sont restés stables à 285 M EUR (- 0,8 %) pour 1502 dossiers.
Les perspectives pour 2023 sont toutefois incertaines au vu de la baisse des demandes émanant des entreprises : « il y a moins de demande, moins de projets » s’est inquiété François Lefèbvre, qui a incité les entreprises à ne pas attendre la dernière minute pour formuler des demandes. De quoi en tout cas conforter l’opérateur dans sa volonté de continuer à améliorer ses dispositifs, notamment dans le sens de la simplification des procédures pour les entreprises (ci-après).
Promesses de nouvelles simplification en 2023
Bpifrance assurance export va introduire dans les prochaines semaines des nouveautés procédurales dans les domaines suivants :
-mise en place le 1er mars d’un système de « promesses substituées », sorte de consolidation consistant à reprendre l’ensemble des décisions à compter de la promesse initiale et faisant la distinction entre les clauses relevant de l’exportateur et celle relevant de l’établissement prêteur ;
–modernisation de l’assurance caution et simplification de la procédure « garantie rehaussée » ;
–digitalisation de certaines démarches : facture électronique pour l’assurance préfinancement export ; simplification des formulaires de demande en ligne (assurance-crédit, assurance caution et préfinancement export) ;
–clarification des modalités de couverture des co- et sous-traitance.
Le panorama ne serait pas complet sans la SFIL, banque de développement publique qui intervient sur les gros crédits-export pour permettre aux banques prêteuses de se refinancer : en 2022, la Sfil n’a signé que trois opérations (dont des paquebots de croisières), dont deux se sont conclues pour un montant de 2,1 Md EUR. Mais, selon son directeur général Philippe Mills, l’année 2023 devrait être plus prolifique : la banque, qui vient tout juste de fêter son dixième anniversaire et intervient depuis 2018 dans le crédit export en apporteur de liquidités aux banques, a enregistré une hausse de près de 40 % des demandes de consultations l’an dernier par rapport à la moyenne des années 2018-2022. Elle réfléchit aussi à élargir son périmètre d’intervention aux instruments tels que la GPS et la garantie interne.
Un nouveau « plan export » en préparation
Dans les perspectives 2023, Olivier Becht a confirmé qu’un nouveau plan de soutien à l’export pour les PME était en préparation sans toutefois en dire plus que lors de la présentation du bilan du commerce extérieur, le 7 février.
Le bilan du dispositif Team France Export (TFE), guichet unique de l’accompagnement export dont les piliers sont Business France, les CCI et Bpifrance, est plutôt positif. Avec ses 250 conseillers sur le territoire et 750 dans le réseau étranger, il a accompagné 12 000 PME et ETI depuis sa création en 2018.
Il a ainsi contribué à l’augmentation du nombre d’exportateurs ces deux dernières année (à 144 500 ), malgré deux ans de crise, n’a pas manqué de souligner Laurent Saint-Martin, le nouveau directeur général de Business France. Dans le cadre du volet export du plan de relance, la TFE a permis de distribuer 20 000 chèques relance export et 1600 chèques VIE. Et « une entreprise sur deux projetée à l’international a décroché un contrat » a précisé le dirigeant.
Peut-on faire plus et mieux ? « Oui » a répondu le ministre. Le plan en préparation mettra l’accent sur l’intensification du « porte à porte » de la TFE auprès des PME et des nouveaux outils « pour mieux les accompagner ». Il n’en a pas dit plus, promettant des annonces dans les prochaines semaines.
Un des enjeux sera certainement de donner une visibilité pluriannuelle aux acteurs de la TFE sur les ressources budgétaires dont ils pourront disposer, alors que Business France a obtenu une rallonge de 16 M EUR pour cette année dans le cadre de la Loi de finance pour 2023 et aimerait bien que ses ressources budgétaires annuelles soient pérennisée. Le ministre n’en a pas dit mot mais Laurent Saint-Martin y a fait allusion en évoquant l’après plan de relance. Le directeur général de Business France a ainsi estimé nécessaire de définir « une nouvelle ambition », avec « de nouveaux outils » et des « partenariats puissants avec les partenaires de l’écosystème », qui permettront de construire, pays par pays, une « TFE locale » et « sur-mesure ». « Pour ça, il faut des moyens », et précisément des « moyens pluriannuels » a-t-il conclu.
A suivre…
Christine Gilguy