Sur le thème « illusions perdues et grandes espérances », le baromètre des risques pays et risques sectoriels de Coface pour le second trimestre (T2) 2023* livre son lot de bonnes et mauvaises nouvelles dans un contexte macro-économique mondial particulièrement incertain. Parmi les bonnes : 13 pays sont reclassés et 2 seulement déclassés. Mais à l’instar de ses confrères, l’assureur-crédit s’attend à une augmentation de l’insolvabilité des entreprises.
Pour commencer, les bonnes nouvelles : 13 pays ont été reclassés par Coface (sur une échelle de note allant de A à E, du meilleur au pire risque pays). « C’est la première fois depuis juin 2021 que nous en reclassons autant » commentait-on chez Coface lors de la présentation à la presse des principales tendances de ce baromètre trimestriel par son équipe d’économistes, le 8 juin à Paris.
Parmi eux, des pays émergents producteurs de matières premières et d’énergie qui devraient notamment bénéficier de la reprise de l’économie chinoise et d’une accélération de la croissance des pays émergents dans les prochains mois et en 2024 : Arabie saoudite (de B à A 4), Kazakhstan (de C à B), Ouzbékistan (de C à B), Qatar (de A4 à A3), Nigeria (de D à C). S’y ajoutent deux pays asiatiques qui bénéficieront du retour des touristes chinois : la Malaisie (de A 4 à A3) et les Philippines (de B à A4).
Plusieurs pays africains voient également leur note de risque pays s’améliorer : Cap vert (de C à B), Niger (de D à C), Tanzanie (de C à B). Enfin, en Europe, confirment leur résilience la Grèce (de B à A 4) et l’Irlande (de A4 à A3). La Bosnie-Herzégovine est également reclassée (de D à C).
Seulement deux pays sont déclassés : la Bolivie (de C à D) et le Kenya (de B à C), le premier en raison de l’effondrement de ses réserves de change, le second à cause du poids de sa dette extérieure, qui fragilise ses finances.
Des changements d’évaluation de risques affectent également quelques secteurs. Sans entrer dans les détails par grandes zones*, le risque d’impayé est ainsi globalement en hausse dans la distribution en Amérique latine ainsi que la construction et le secteur pharmaceutique en Europe de l’Ouest. En revanche, le risque est en baisse dans le papier et la distribution en Asie Pacifique, l’agroalimentaire en Amérique latine et enfin le transport en Europe de l’Ouest.
A noter que globalement, sur les 13 reclassements sectoriels, pas moins de 7 concernent les industries du transport, reflet de la reprise des déplacements et du tourisme après le trous d’air de la Covid-19.
Fin des illusions et petits espoirs
Les mauvaises nouvelles proviennent de la forte incertitude sur l’évolution de l’environnement économique mondial.
Les « illusions perdues », comme les a résumé Jean-Christophe Caffet, le chef économiste de Coface, ce sont les espoirs douchés d’un reflux rapide de l’inflation et d’une baisse des taux d’intérêt à court terme mais aussi d’un rebond rapide de l’économie chinoise après sa réouverture. Les « grandes espérances », c’est l’espoir que « tout cela se finisse bien », avec un recul des prix des matières premières, une désinflation continue et un « atterrissage » moins brutal qu’un « crash ».
Dans son scénario central, Coface mise sur un taux de croissance mondial de 2,2 % en 2023 et 2,3 % en 2024 et un maintien des taux d’inflation à des niveau élevés partout dans le monde, y compris au Royaume Uni et en zone Euro. Dans ce contexte, alors que certains grands pays développés continueront à batailler contre le risque de récession (Allemagne, États-Unis), les pays les plus dynamiques dans les prochains mois, en termes de croissance, seront les pays émergents, avec un taux de croissance global de +3,9 %. Ils bénéficieront en effet du redémarrage de l’économie chinoise, qui stimulera les marchés des matières premières dont beaucoup sont producteurs (voir ci-après).
Prévisions de croissance du PIB par grands pays
États-Unis : 2023 : +1,2 % ; 2024 : +0,5 %.
Japon : 2023 : +1,3 % ; 2024 : +0,8 %.
Allemagne: 2023 : +0,0 % ; 2024 : +1,1 %.
France : 2023 : +0,7 % ; 2024 : +0,8 %.
Italie : 2023 : +1,0 % ; 2024 : +0,8 %.
Espagne : 2023 : +1,8 % ; 2024 : +1,5 %.
Royaume-Uni : 2023 : -0,6 % ; 2024 : +1,1 %.
Chine : 2023 : +4,7 % ; 2024 : +4,8 %.
Brésil : 2023 : +1,0 % ; 2024 : +1,0 %.
Inde : 2023 : +5,4 % ; 2024 : +5,8 %.
Afrique du Sud : 2023 : +0,1 % ; 2024 : +1,1 %.
Monde : 2023 : +2,2 % ; 2024 : +2,4 %.
Source : Coface
Les crainte d’une chute des crédits aux entreprises
Reste que pour les entreprises, outre le ralentissement de la demande, c’est la « raréfaction du crédit » qui est préoccupante à très court terme, notamment dans les pays développés : même si les faillites bancaires aux États-Unis ont finalement eu des effets limités dans le monde et que le resserrement monétaire connaît une pause un peu partout, les banques sont devenues plus frileuses et les entreprises « seront de fait confrontées dans les mois à venir à un environnement adverse de renchérissement et de durcissement des conditions d’octroi de crédit ».
Dans ce contexte, Jean-Christophe Caffet a au moins une conviction : « l’insolvabilité va augmenter », autrement dit les défaillances d’entreprises et les risques d’impayés. Une conséquence logique du cocktail constitué par la « fin des aides publiques », d’un « crédit plus cher ou inaccessible », et enfin de « revenus qui ralentissent ». Selon lui, la « sinistralité est en nette hausse » après la période Covid, notamment en Europe et aux États-Unis.
Pas de politique de restriction chez Coface
Quel impact sur la politique de Coface en matière de couverture ?
A court terme, « nous ne sommes pas en politique de restriction », a assuré Carine Pichon, directrice générale de Coface. « Notre exposition augmente : elle était supérieure de 30 % à ce qu’elle était en 2019 » à la même période. L’assureur-crédit bénéficie de la croissance de l’activité de ses clients, y compris à l’export, et son approche est d’abord micro-économique, comme chez ses confrères : l’analyse du risque part de la situation financière et de la solvabilité des entreprises clientes de ses assurés.
Autrement dit, l’impact de la dégradation de l’environnement macro-économique, s’il est pris en compte, est à relativiser, même s’il entraîne une hausse des primes. « Nous continuons à délivrer des garanties sur des pays compliqués comme l’Argentine, où sur des entreprises de secteurs tendus comme la construction en France » a complété Carine Pichon. Selon elle, Coface prend 10 000 décisions d’arbitrage par jour et le taux de rétention (tout ce qui n’est pas cédé à la réassurance) de son portefeuille d’encours atteint 95 %. Malgré les incertitudes, « on se refuse à avoir une politique de stop and go »
En revanche, l’environnement plus incertain créé par la « fin de l’argent facile », le déclenchement de la guerre en Ukraine et ses conséquences en chaîne, a sans aucun doute provoqué une augmentation de l’inquiétude des opérateurs économiques, et de leur quête de couverture : « En 2022, nous avons constaté une forte demande d’assurance-crédit de la part des banques » a confirmé Carine Pichon avant de conclure : « L’argent facile, c’est fini ».
Christine Gilguy
Le baromètre complet est disponible en ligne : cliquez ICI.