La baisse de l’inflation et des prix des matières premières, couplée à une bonne tenue des marchés du travail, redonnent un peu de vigueur à la conjoncture internationale. Dans son dernier baromètre des risques pays et sectoriels Coface se distancie pourtant d’une lecture optimiste de la situation.
« La macroéconomie à l’épreuve de la dégradation microéconomique ». Le sous-titre de l’étude trimestriel de l’assureur-crédit résume à lui seule la conjoncture actuelle. Alors que les grands indicateurs macroéconomiques laissent transparaître une amélioration (contraction de l’inflation depuis plusieurs mois, baisse des cours des matières premières, détente des marchés du travail….), les indicateurs microéconomiques sont nettement moins optimistes. Pour preuve, les remontées des entreprises clientes de Coface.
« L’an dernier, les entreprises étaient en pleine croissance, parfois à deux chiffres et on sentait une certaine euphorie puis tout s’est arrêté quasi en même temps, note Carine Pichon directrice de Coface pour l’Europe de l’Ouest. Les marges s’effritent très rapidement et les entreprises cherchent à s’adapter alors que le financement est devenu plus cher. Sans parler du risque géopolitique. Je pense par exemple à un client qui s’estime trop dépendant de ses fournisseurs chinois et cherche des alternatives ailleurs en Asie. Le niveau de risque global augmente »
Le baromètre du troisième trimestre note en effet des défaillances d’entreprises en hausse partout ces quatre derniers mois jusqu’à parfois nettement dépasser leur niveau prépandémique. Il anticipe une hausse continue au cours des prochains trimestres. Tandis que les niveaux élevés de profitabilité et de trésorerie des entreprises ont permis aux économies développées de faire face aux forts vents contraires ces derniers trimestres, l’accélération des défaillances observée depuis quelques mois sur fond d’étiolement des trésoreries, de dégradation des marges et d’accroissement des charges d’intérêt menace désormais la boucle vertueuse conjuguant faible sinistralité, résistance de l’emploi et désépargne des ménages.
Cinq pays déclassés
« Nous assistons à un ralentissement de l’économie mondiale, constate Bruno de Moura Fernandes, responsable de la recherche macroéconomique à Coface. En Allemagne, l’économie n’est pas repartie comme attendu, l’industrie tourne au ralenti et les ménages épargnent. En Chine, la croissance du PIB devrait être cette année de 4,5 %, en dessous des 5 % prévus par les autorités et les mesures qui ont été prises n’ont pas redonné confiance aux ménages et aux entreprises. Si la croissance est plus dynamique aux États-Unis, il n’en ira certainement pas de même au quatrième trimestre car le resserrement de la politique monétaire commence à se faire sentir. »
Dans son scénario à moyen terme, l’assureur-crédit estime que seuls l’Inde, l’Asie émergente hors Chine et les pays du Golfe producteurs de pétrole tireront leur épingle du jeu.
Il reclasse par ailleurs les évaluations de risque de deux pays (de D à C) : le Bélize (grâce à la reprise du tourisme) et la Mongolie (en raison de la réouverture de sa frontière avec la Chine qui absorbe 80 % des exportations.
Cinq autres pays font au contraire l’objet d’un déclassement : la Suède, la Finlande, la Nouvelle Zélande, le Niger et la Colombie.
Du côté des secteurs, Coface a opéré 17 reclassements et 16 déclassements. Les premiers concernent essentiellement l’énergie en Europe et l’agroalimentaire, qui bénéficie de l’inflation.
Sans surprise les déclassements sectoriels touchent le BTP en Asie, le papier en Europe et l’agroalimentaire en Inde et en Chine en raison de l’impact d’El Niño sur les récoltes.
Augmentation du risque géopolitique
Enfin, Coface alerte sur la montée en puissance du risque politique et social. Sur le plan sécuritaire, si certains conflits se sont apaisés en 2022 (Afghanistan, Yémen), d’autres ont émergé, ou gagné en intensité comme le Haut-Karabagh et plus récemment, le conflit israëlo-palestinien ont pris le relais.
En Afrique, le nombre de conflits actifs (étatiques ou non) a presque triplé depuis 2010. Cette évolution est notamment liée aux luttes contre les groupes djihadistes qui sévissent au Burkina Faso, au Mali, au Niger, au Tchad ou au Nigeria par exemple. Ce contexte sécuritaire aggravé dans le Sahel, et les difficultés à contenir l’insurrection islamiste depuis 2020 a aussi joué un rôle dans les bouleversements politiques récents de la région. Après le Mali et le Tchad en 2021, le Burkina Faso (par deux fois) l’année dernière, c’est le Niger, cet été, qui a été le théâtre d’un coup d’État.
Bref, l’euphorie n’est aujourd’hui plus de mise.
Sophie Creusillet