Malgré l’inflation et l’explosion du coût de l’énergie, le nombre de projets d’investissements directs étrangers (IDE) en France a augmenté de 7 % en 2022, selon les données publiées le 27 février par Business France. La France reste donc attractive, confirmant les tendances révélées par le dernier Baromètre de l’attractivité publié par les Conseillers du commerce extérieur de la France (CCEF), malgré sa difficulté à valoriser ses atouts
Les clichés ont la vie dure. Bureaucratie, tensions sociales, fiscalité complexe… Les reproches régulièrement formulés à l’égard de l’écosystème français n’empêchent apparemment pas les stratégies de développement international des investisseurs étrangers de miser sur la France et ce alors que l’Europe toute entière doit faire face aux conséquences de la pandémie de Covid-19 et de la guerre en Ukraine.
Selon les données publiées le 27 février par Business France, l’attractivité de l’Hexagone n’a en effet pas à rougir de ses performances. En 2022, le pays a été la destination de 1725 décisions d’investissements étrangers, un chiffre en hausse de 7 % par rapport à 2021. La moitié concerne des créations d’établissements, 46 % des extensions et 3 % des opérations de croissance externe.
Si les investisseurs n’ont pas boudé la France, la vision qu’ils en ont est tout de même ternie par l’augmentation des prix de l’énergie qui alourdit les coûts de production. En témoigne l’indice de perception de l’attractivité auprès des investisseurs étrangers récemment publié par le Comité national des conseillers du commerce extérieur de la France (CNCCEF) et composé de 12 critères. Il est passé de 63,9 % en 2022 à 62,7 % en ce début d’année 2023, soit 2,9 points en-deçà de son record de 2020.
Les États-Unis, premier pourvoyeur d’IDE en 2022
« La baisse de l’attractivité constatée cette année est modérée, tempère le CCEF Gilles Bonnenfant, président de la Commission pour l’attractivité de la France du CNCCEF. Elle intervient après 5 ou 6 ans d’une progression constante et une fois encore, l’attractivité reste forte hors coût de l’énergie. »
Preuve de la persistance des atouts tricolores en dépit de la flambée des prix de l’énergie et malgré l’Inflation Reduction Act, les États-Unis ont été en 2022 le premier pourvoyeur de projets d’IDE sur le territoire de l’Hexagone. En hausse de 13 % par rapport à 2021, ils concentrent 16 % de la totalité des projets.
Ils sont suivis de près par l’Allemagne (15 % des projets, en recul de 14 %), puis le Royaume-Uni (10 % des projets, en hausse de 17 %), les Pays-Bas (8 %, + 38 %) et l’Italie (8 %, + 45 %).
Bonne nouvelle pour la réindustrialisation du tissu économique français : les activités de production (à 81 % des extensions de projets) sont restées la première destination des IDE en 2022, avec 26 % du total. Dans le détail, ce sont les secteurs des machines et équipements mécaniques, de l’agroalimentaire, du travail des métaux, de la chimie et de la plasturgie, ainsi que celui du verre, de la céramique, des minéraux, du bois et du papier qui ont le plus bénéficié de ces capitaux étrangers.
Des capitaux qui participent à l’essor du Made in France
Quid de ces IDE et de la volonté affichée du gouvernement de relancer le « fabriqué en France » ? « L’attraction d’investissements directs étrangers et le Made in France ne sont pas incompatibles, estime Gilles Bonnenfant. On ne peut pas tout relocaliser, mais pour réindustrialiser notre économie il faut des tailles critiques d’entreprises et à partir du moment où la production se fait en France, c’est aussi du Made in France. »
En plus des traditionnels critères positifs de l’attractivité tricolore (infrastructures, qualité des formations, qualité de vie…), l’innovation constitue également un argument de choix pour se distinguer des destinations concurrentes. En 2022, le nombre de projets de recherche et développement a ainsi bondi de 23 %.
Pour Gilles Bonnenfant, « au-delà de nos traditionnels atouts, nous bénéficions également de solides avantages dans le domaine de la décarbonation et la performance énergétique, c’est la compétitivité de demain. » En attestent les données de Business France sur l’attractivité de l’Hexagone : avec 88 projets recensés en 2022, l’énergie-recyclage a été le premier secteur industriel de destinations des IDE devant les équipements électroniques et l’agroalimentaire. Et la moitié de ces projets concerne les énergies décarbonées (éolien, photovoltaïque, solaire, hydrogène…).
Des handicaps persistants
et un manque de communication
Reste que les travers français persistent, notamment chez les investisseurs états-uniens comme le souligne le dernier baromètre de l’American Chamber of Commerce (AmCham). Dans leur ligne de mire : une fiscalité lourde, un coût de travail élevé, un manque de flexibilité du marché du travail, la complexité administrative et un climat social difficile.
Un dernier critère qui n’est pas sans provoquer la crainte des investisseurs. « 54 % le voient même comme un frein à leurs investissements en France, comparé aux autres pays européens », insiste Marc-André Kamel, vice-président de l’AmCham en France, et co-auteur de cette étude.
Pourtant, à en croire Yves Bonnenfant, les investisseurs, américains et autres, ne seraient pas dupes de la propension française à s’arc-bouter sur les questions sociales. « Concernant des mouvements sociaux comme les gilets jaunes par exemple, les investisseurs étrangers avec qui j’ai été en contact dans le cadre de la préparation de cette étude ne se sont pas montrés inquiets : ils s’intéressent plus aux réformes de fond qu’aux mouvements sociaux ponctuels. »
Pour le CCE, si les Français sont de fieffés râleurs, ils peinent également à mettre en valeur leurs atouts : « Nous ne communiquons pas assez. Nous sommes le pays qui a le plus ouvert ses écoles, collèges et lycées pendant la crise sanitaire durant laquelle le gouvernement a mis en place une généreuse politique d’aides aux entreprises, qu’elles soient à capitaux français ou étrangers et nous ne le valorisons pas assez ».
Sophie Creusillet