Dans le dernier baromètre de la Chambre de commerce américaine en France (AmCham), les investisseurs états-uniens se disent inquiets de la santé économique de la France dont ils soulignent les faiblesses historiques. L’écosystème de l’innovation et la qualité des formations demeurent néanmoins de solides atouts.
L’inquiétude est palpable parmi les investisseurs américains. Interrogés par Bain pour l’AmCham sur l’évolution du contexte économique en France pour leur secteur d’activité dans les 2-3 années à venir, ils ne sont que 22 % à estimer qu’elle sera positive, le niveau le plus bas depuis 7 ans, contre 74 % un an auparavant. Les prévisions négatives passent quant à elles de 4 % à 34 %. L’euphorie d’une reprise post-Covid a laissé la place à une forte inflation, un contexte géopolitique tendu, un accès aux matières premières amoindri et une pénurie de main-d’œuvre.
Conséquence : ils sont moins nombreux à conseiller la France comme destination d’investissements à leurs homologues. Le Net Promoter Score (NPS) établi par Bain, qui mesure la propension à recommander un pays, dégringole de – 1 % à – 12 %. Une chute que l’AmCham explique par « un climat social perturbé ces derniers mois, avec des revendications salariales et des grèves importantes dans différents secteurs comme la pétrochimie ou la fonction publique ».
Climat social, bureaucratie et dédale législatif : les traditionnels reproches
Cette conjoncture renforce encore un peu plus l’image d’un pays au climat social tendu, doté d’une administration tatillonne et d’un cadre législatif instable. « La perception de notre maison-mère s’améliore, notamment sur la stratégie fiscale et la réduction des niveaux de taxation. Néanmoins la France est toujours perçue comme trop “risquée” du fait de la rigidité du code du travail, de la complexité des relations sociales, et des coûts/ risques liés à la flexibilité du travail », rapporte ainsi le président d’une compagnie pharmaceutique américaine cité par l’AmCham.
La France continue de véhiculer l’image d’un pays procédurier et risqué… mais dans lequel il fait bon vivre. 34 % des répondants recommanderaient en effet à un collaborateur étranger de venir s’installer en France, un point haut jamais atteint dans les six éditions précédentes. Ils mettent généralement en avant le cadre de vie et la culture, le réseau d’infrastructures et son intégration dans les flux mondialisés, l’accès aux soins de santé et aux prestations et un bon système scolaire malgré un manque d’écoles internationales.
Bref, la France serait ce pays où il fait bon vivre, mais où la culture du travail est à mille lieues des pays anglo-saxons. Ce serait sans compter sur ses atouts qui écornent quelques clichés. A commencer par l’innovation. En effet, comme les années précédentes, la perception de son écosystème est positive pour 81 % des répondants et très positive pour 28 % d’entre eux, tandis que la perception négative recule quant à elle de 7 %.
Une destination appréciée pour son innovation et la qualité de ses ingénieurs
Les investisseurs américains apprécient tout particulièrement le soutien de l’Etat à la nouvelle économie, les infrastructures et la qualification de la main-d’œuvre (en particulier des ingénieurs). Tous secteurs confondus, 70 % des répondants ont une impression positive ou très positive du système de formation professionnelle français, contre 50 % en 2021. Cette progression tient, selon l’AmCham, au retour en force de l’apprentissage qui permet non seulement d’attirer de jeunes talents, mais aussi de les fidéliser au sein de l’entreprise.
Le niveau de qualification des ingénieurs est également plébiscité, tout comme la prise de conscience des enjeux internationaux auxquels fait face le système éducatif (dans l’attraction des talents internationaux notamment). En revanche, les entrepreneurs américains regrette le désamour des Français pour les filières techniques et les carrières dans l’industrie, et le manque de personnel dans certains pans de l’industrie hexagonale.
De plus, 40 % des répondants considèrent la France comme insuffisamment préparée aux enjeux des métiers de demain même s’ils reconnaissent d’importants progrès sur l’adaptabilité, le numérique ou les compétences collaboratives. Ces lacunes s’expriment dans la cybersécurité, les énergies (par exemple l’hydrogène) ou bien l’économie circulaire (recyclage des plastiques …).
Un appel à accélérer la transition énergétique
Autre sujet d’optimisme, les efforts engagés par le gouvernement en matière de transition écologique sont de mieux en mieux perçus : 60 % des investisseurs considèrent qu’ils ont un impact positif sur l’attractivité du pays, soit 8 points de plus qu’en 2021. L’accélération de la production en énergies renouvelables arrive en seconde place des réformes prioritaires à mener par le gouvernement français selon l’AmCham, après la formation et l’éducation, et devant la réindustrialisation, l’attractivité des régions et l’accélération de la simplification administrative.
A plus court terme, prévient l’AmCham, les mois à venir vont être décisifs. Alors que, selon elle, plus de la moitié des investisseurs ont commencé à mettre en place des stratégies pour contenir les hausses de coûts de 2022, « la gestion de l’inflation ou les nouvelles réformes sociales comme celles des retraites ou de l’assurance chômage auront d’importantes conséquences sur la façon dont les investisseurs perçoivent le pays et la solidité de son modèle en temps de crise ».
Sophie Creusillet
En matière d’attractivité des IDE américains la concurrence européenne est rude
Selon les dernières données disponibles du Bureau of Economic Analysis, les investissements directs américains en France ce sont élevés à 311 milliards de dollars (Md EUR), loin derrière l’Allemagne (564 Md EUR) et juste devant l’Irlande (296 Md EUR). Les contextes macroéconomiques l’Allemagne, la Suisse et les Pays-Bas se révèlent plus attractifs (tissu allemand très fourni en ETI, facilitation des implantations étrangères aux Pays-Bas, meilleur ratio dette/PIB en Suisse).
Du côté de la main d’œuvre, l’Allemagne (à nouveau), le Royaume-Uni et les Pays-Bas tiennent le haut du pavé. Les répondants du baromètre de la Chambre américaine de commerce apprécient tout particulièrement les R&D britannique et allemande, le système de l’apprentissage outre-Rhin, la flexibilité de son code du travail et la qualité des talents néerlandais.
Sans grande surprise, les fiscalités de l’Irlande, du Luxembourg et des Pays-Bas s’avèrent plus attractives. Enfin, concernant la qualité de la vie et la culture, que l’Hexagone aime mettre en avant, ce sont l’Italie, l’Espagne et la Suisse qui arrivent en tête.
Et quels que soient les domaines, le niveau d’anglais des Français est toujours perçu comme insuffisant pour entretenir une communication fluide avec la maison mère.S.C.