Le dernier baromètre d’attractivité d’Ernst & Young fait
d’abord l’effet d’une douche froide. « Ce qui frappe cette année, c’est le
décrochage de la France »,
avance Marc Lhermitte, associé d’Ernst & Young France, interrogé par la Lettre confidentielle.
L’inventaire des
chiffres clés mis en avant dans cette étude annuelle est, il est vrai,
inquiétant au premier abord (voir aussi le fichier pdf attaché à cet
article). Avec 471 projets d’implantations internationales en 2012, non seulement la France enregistre un recul
significatif de 13 % par rapport à 2011, mais en plus elle creuse l’écart avec
le Royaume-Uni et l’Allemagne, qui en enregistrent respectivement 697 et 624 et
sont en hausse. La France
est troisième au classement de l’attractivité européenne par le nombre de
projets internationaux, mais elle est en recul là où les deux pays leaders sont
en hausse.
En terme d’emplois créés, même tendance mise en avant : 10542 en 2012, soit 20 % de moins
qu’en 2011, trois fois moins qu’au Royaume-Uni et 2000
de moins qu’en Allemagne. En termes d’emplois créés, la France se situe désormais
au 5ème rang européen du baromètre. En terme d’origine géographique, là aussi, si l’Hexagone
continue à attirer en majorité les Européens (242) et Américains (138), elle
semble à la traîne pour attirer les nouveaux investisseurs des pays émergents, considérés comme ceux du futur :
14 projets émanant des BRIC en 2012 (contre 23 en 2011), loin derrière les 70
pour le Royaume-Uni et 63 pour l’Allemagne….
Un « débat en interne » pour titrer l’étude
Toutefois, parler de « décrochage » paraît exagéré vu la courte période
d’analyse et le contexte de crise économique que traversent le Vieux continent.
De fait, c’est l’Europe entière qui semble touchée par ce recul : d’après le
même baromètre Ernst & Young, le nombre de projets d’implantations
internationales en Europe a reculé de 2,8 % en 2012, avec 3797 projets. Et si
le nombre d’emplois créés a progressé de 8 % (170 434), c’est grâce aux fortes
progressions de pays comme la
Pologne, la
Russie, l’Irlande ou la Turquie. Car le recul
de la création d’emplois par des IDE (investissements directs étrangers) a été de 27,6 % en Allemagne (plus fort
qu’en France), de 18,3 % en Belgique ou encore de 61 % aux Pays-Bas…
Ensuite, quoiqu’en augmentation, les IDE en provenance des pays émergents sont encore faibles -6 % du total des IDE en Europe-, les premiers investisseurs étrangers restant les Américains. Enfin, bien que semblant s’essouffler, l’Hexagone reste bien accroché dans le trio de tête : à eux trois, le Royaume-Uni, l’Allemagne et la France pèsent pour près de
la moitié des projets d’implantations internationales de toute l’Europe.
« 80 % des investissements vont à l’Ouest, 50 % des emplois vont à
l’Est » admet Marc Lhermitte.
« Le débat en interne a fait rage pour savoir quel serait le titre de cette
étude, certains étant pour le terme « décrochage », d’autres pour
« dernier rappel », reconnaît Marc Lhermitte. C’est « dernier rappel » qui l’a donc emporté pour l’édition 2013 de cette étude. Mais, ajoute-t-il aussitôt,
ce qui est important, c’est de constater que « la France perd des parts de
marché, l’Allemagne en gagne, le Royaume-Uni maintient les siennes à coup
d’incitations fiscales ».
De fait, dans l’industrie, la
France reste au 1er rang pour le nombre de projets étrangers
(127), mais ils sont en baisse (170 en 2011) de sorte qu’elle est désormais
talonnée par le Royaume-Uni (124 en 2012). « L’industrie est un moteur sans
puissance » commente Marc Lhermitte, qui relève aussi que la France, qui s’est fait copier son système d’incitation à la R&D, le crédit d’impôt recherche, n’est qu’en troisième position pour les projets de centres de recherches avec 26 contre 31 à l’Allemagne et 54 au Royaume-Uni. ». Et, selon le baromètre, si 63 % des investisseurs
étrangers restent confiants dans la capacité du site France à surmonter la
crise actuelle, ce qui est plutôt positif, 69 % de ceux qui y sont déjà implantés estiment que le
pays ne met pas en œuvre une politique d’attractivité intéressante pour les
investisseurs étrangers, ce qui l’est moins.
Reste d’autres motifs d’optimisme. La France des régions et des
grandes agglomérations –Toulouse, Lille, Nantes, Lyon- semble toujours aussi
attractive pour les IDE. « Des villes comme Toulouse et Lyon ont fait des
années records en termes d’IDE » souligne Marc Lhermitte. Une carte à
jouer. Au final, si parler de décrochage paraît un peu prématuré à propos des résultats de cette étude, il n’en demeure pas moins qu’elle envoie des signaux négatifs qui pourraient devenir très inquiétants s’ils devaient perdurer.
C.G