Bénéficiant d´une des plus fortes croissances mondiales en 2010, le Kazakhstan veut devenir un « laboratoire d´innovation ». Des places à prendre dans ce pays en pleine effervescence, mais complexe.
Astana, la capitale kazakhe aux allures de Dubaï des steppes, est en pleine effervescence en ce mois de juillet. Forum de l´OSCE (Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe), dont le Kazakhstan occupe la présidence depuis le 1er janvier, préparatifs de l´anniversaire de la ville, capitale depuis 1998, Forum économique international… La ville fourmille de délégations étrangères venues prendre le pouls du plus grand pays d´Asie centrale, frappé tôt et durement par la crise financière internationale.
Interrogé sur la santé économique du pays en marge du 3e Forum économique international d´Astana, début juillet dernier, Konstantin Huber, le directeur exécutif de la Banque mondiale pour le Kazakhstan, est confiant : « Nous pensons que le Kazakhstan aura une des plus fortes croissances au monde. » Une prédiction qui n´a rien d´irréaliste : le PIB kazakh a bondi de 8,3 % sur les cinq premiers mois de l´année et devrait croître de 5 % pour l´ensemble de l´année 2010, contre 1,2 % en 2009, selon les chiffres officiels. Une reprise qui s´explique essentiellement par la hausse du cours des matières premières, en particulier du pétrole, dont l´économie kazakhe est largement dépendante.
Les autorités kazakhes veulent faire savoir au monde entier que le pays va mieux et qu´il cherche à diversifier son économie. En atteste l´affluence au Forum économique international.?Quelque 300 hommes d´affaires, représentants de banques de développement, universitaires, hommes politiques étaient venus de tous les continents assister à cet événement. Et prendre le pouls de l´économie kazakhe.
Inversement, les Kazakhs s´intéressent de près aux expériences étrangères, en particulier à celles qui pourraient servir la diversification économique du pays. En parallèle de ce Forum se tenait en effet le Congrès de l´innovation, au cours duquel politiques, universitaires et entrepreneurs étrangers étaient venus présenter les politiques de soutien à l´innovation dans leurs pays respectifs. Pendant deux jours, les Kazakhs ont donc pu assister à une série d´exposés sur la politique d´innovation en Allemagne, en France, aux États-Unis, en Israël ou en Corée du Sud.
En matière d´innovation, le Kazakhstan fait plus qu´observer ce qui se passe à l´étranger. Le gouvernement a en effet présenté en juin dernier un ambitieux programme « de développement accéléré de l´industrie et de l´innovation pour 2010-2014 » dont un pan concerne la hausse de la productivité grâce à l´innovation et aux transferts de technologies. En tournée en Asie centrale, du 29 juin au 3 juillet, Anne-Marie Idrac, la secrétaire d´État au Commerce extérieur, a d´ailleurs profité de son passage à Astana pour inaugurer, vendredi 2 juillet, le Centre franco-kazakh de transfert de technologies. L´occasion pour elle de rappeler que « les transferts de technologies sont au cœur du partenariat stratégique » conclu entre le Kazakhstan et la France en juin 2008.
Nurmukhambet Abdiberov, le vice-ministre kazakh de l´Industrie et des nouvelles technologies, n´en démord pas : « Le Kazakhstan peut devenir un laboratoire d´innovation, grâce au potentiel de développement de ses PME porteuses d´innovation. Nous avons les moyens et les entreprises, mais il nous faut produire en utilisant des technologies étrangères. Nous avons également besoin de former les cadres au sein de nos incubateurs. »
Car la formation est un des points noirs du pays, et ce dans tous les secteurs. « Le Kazakhstan souffre d´un manque d´ingénieurs expérimentés dans le secteur pétrolier. Les étudiants les plus brillants s´orientent vers la finance et le droit, qui offrent des carrières plus lucratives », confiait au Moci un homme d´affaires français en poste au Kazakhstan. Les besoins sont énormes. Zhanseit Qanseituly Tuimebayev, ministre de l´Éducation et des Sciences, estime qu´« en 2010-2014, l´économie kazakhe aura besoin de 287 000 travailleurs qualifiés et spécialisés, y compris 108 000 pour l´industrie et le développement de l´innovation. À lui seul, le secteur du gaz et du pétrole a besoin de 24 000 travailleurs spécialisés ».
Autre point noir pour les investisseurs étrangers : la corruption. Le Kazakhstan se classe en effet en 120e rang des 180 pays passés au crible de l´indice de perception de la corruption établi par Transparency International. Selon Alexander Kelchevski, directeur du centre de l´OSCE à Astana, « la corruption au Kazakhstan continue d´être un phénomène systématique et une pratique largement répandue malgré les progrès accomplis dans la lutte contre la corruption ».
Pour John Litwack, chef économiste pour la Kazakhstan à la Banque mondiale, « il y a certainement un problème de corruption auquel les investisseurs doivent se confronter, mais le principal problème du Kazakhstan n´est pas là. Il est dans sa difficulté à sortir de sa dépendance au gaz et au pétrole ». Pour ce faire, le gouvernement kazakh compte clairement sur l´innovation et la collaboration avec l´étranger.
Sophie Creusillet, envoyée spéciale à Astana
Le système bancaire se remet lentement de la crise financière
Début août 2007, le Kazakhstan a été le premier pays de la CEI (Communauté des États Indépendants) à être victime de la crise des liquidités financières sur les marchés mondiaux. Il est vrai que, pour financer leur développement et l´expansion des crédits domestiques, les banques kazakhes ont largement emprunté sur les marchés internationaux de capitaux. Leur dette externe est ainsi passée de 5,7 % du PIB en 2002 à… 44,2 % en 2007.
Dix-huit mois plus tard, le gouvernement a renfloué les caisses des « Big Four », les quatre plus grandes banques du pays (BTA, Alliance, Temir et Astana Finance). Si le système bancaire est aujourd´hui encore fragile, quelques signaux positifs sont apparus. Les dernières statistiques de l´AFN, l´autorité kazakhe de régulation financière, montrent une baisse significative des prêts avec des arriérés de paiement et des NPL (non-profit loans). Autre signal : les banques recommencent à prêter. Depuis le début de l´année, l´Eurasian Bank a ainsi consenti pour 600 millions de dollars de prêts.
S. C.
Des opportunités pour les entreprises françaises
Parmi les secteurs mis en avant par les différents programmes gouvernementaux kazakhs dans le but de diversifier l´économie, beaucoup peuvent intéresser les investisseurs et les exportateurs français. À savoir : l´agriculture et l´agroalimentaire, l´aéronautique, les produits pharmaceutiques, les transports et la logistique, les hautes technologies, l´environnement ainsi que les biens d´équipement.
Attention, ce marché complexe est encore difficile pour une PME. Seuls pour le moment de grands groupes français (Total, Danone, Alstom, Alcatel Lucent, Beaufour Ipsen, Daher Intenational…) sont implantés. Pour Anne-Marie Idrac, la secrétaire d´État au commerce extérieur, interrogée par Le Moci début juillet à Astana « petit à petit, il y aura de la place pour les PME. On commence toujours par de grands projets. Les têtes de pont font ensuite venir sous-traitants et fournisseurs. Cela va venir ! Qui dit diversification, dit forcément PME, notamment dans le secteur de l´agriculture. »
Corruption, centralisation du pouvoir, lourdeurs administratives… L´environnement des affaires kazakh n´est pas le plus doux qui soit. Ce qui ne veut pas dire qu´il soit impossible d´y faire des affaires ! « Les entreprises françaises sont de plus en plus nombreuses à venir au Kazakhstan avec des possibilités de développement et de partenariat, un mot important qui semble se consolider, souligne Anne-Marie Idrac. Il y a évidemment l´énergie – Total joue un rôle important.?Mais l´énergie, c´est toute une série de secteurs industriels, comme l´ingénierie par exemple. Il y a également le secteur des transports, avec des projets dans l´aéronautique et dans les transports terrestres.
Nous avons conclu des partenariats importants comme pour le futur tramway d´Astana dont le système sera fourni par Alstom. Ce dernier a également créé une société commune pour la production de locomotives. Demain [le 3 juillet, ndlr], je pose la première pierre d´une usine de satellites avec EADS. Nous voyons également s´ouvrir des secteurs comme l´eau et l´environnement, et des secteurs technologiques comme ceux que nous développons actuellement, les nanotechnologies et les biotechnologies. »
S. C.
Les échanges franco-kazakhs
Exportations françaises vers le Kazakhstan au premier semestre 2010 : 111 millions d´euros dont
• Machines, chaudières, appareils et engins mécaniques : 24,8 %
• Produits pharmaceutiques : 16 %
• Huiles, résines et paraffine : 8,3 %
• Machines et matériels électriques : 6 %
• Instruments et appareils d´optique : 5,6 %
• Matières plastiques : 5,2 %
• Produits chimiques : 5 %
• Produits d´édition et de presse : 3,2 %
• Vêtements et accessoires : 3,2 %
• Boissons : 3 %
Exportations kazakhes vers la France au premier semestre 2010 : 2,04 milliards d´euros dont
• Hydrocarbures : 92,4 %
• Produits chimiques : 7,4 %
• Instruments et appareils d´optique : 0,03 %
S. C.