Les économies asiatiques se sont montrées résilientes face au choc de la crise mondiale de 2008-2009 en partie grâce à l’expansion de la consommation des ménages dans la région, d’après le dernier panorama risque pays de l’assureur-crédit Coface rendu public le 14 octobre. Au risque de générer de nouvelle « bulles » de la dette privée des ménages…
« La consommation privée a très fortement augmenté en Asie depuis les années 90 », a expliqué Charlie Carré, économiste senior Asie chez Coface. Ce phénomène touche les principaux pays de la zone. Ainsi, entre 1995 et 2012, le taux de croissance annuel moyen de la consommation était de 7,4 % en Inde et 8,4 % en Chine. Les Philippines et l’Indonésie ont affiché des croissances supérieures à 11 % par an tandis qu’en Malaisie, la croissance annuelle de la consommation des ménages s’élevait à près de 10 % entre 1995 et 2012.
Aujourd’hui, cette augmentation de la consommation par habitant a triplé en Chine et doublé en Inde, et dépasse désormais celle des Philippines et de l’Indonésie. Toutefois, à horizon 2018, ces croissances de la consommation des ménages seront largement inférieures à celles des économies avancées comme les Etats-Unis et le Royaume-Uni.
« La consommation des ménages, indique Charlie Carré, est liée à l’effet de l’évolution démographique de la population. » En effet, les personnes âgées ont tendance à moins épargner que les actifs et à consommer plus. « Cette tendance au vieillissement devrait continuer à avoir un impact positif sur la consommation », note pour sa part Julien Marcilly, responsable du risque pays chez Coface.
De meilleurs revenus et des ménages de plus en plus urbains
Cette croissance dynamique de la consommation enregistrée en Asie est aussi liée à la hausse des revenus. « La hausse de la croissance, signale Julien Marcilly, est liée à la croissance des salaires qui accélèrent. » Vingt pays d’Asie ont soit augmenté les salaires, soit instauré un salaire minimum. Le salaire minimum a augmenté de 20 % en Chine et de 35 % en Thaïlande. Les prix à la consommation augmentent moins vite que les salaires, d’où un pouvoir d’achat plus élevé, poussant à consommer davantage.
L’urbanisation a également un effet positif sur la consommation des ménages. En Chine, plus de la moitié de la population était urbaine en 2009. Les ménages urbains sont plus riches, ils gagnent plus de trois fois le revenu d’un ménage rural. Ainsi, « 45 % des ménages ruraux en Chine possèdent un réfrigérateur contre 97 % pour les ménages urbains », informe Julien Marcilly.
Outre le facteur d’urbanisation, l’expansion de la consommation a aussi été permise par un accès plus facile aux prêts bancaires.
Un accès plus facile au crédit… mais des ménages de plus en plus endettés
Le secteur bancaire s’est développé en Asie et a permis à la population d’accéder au crédit mais également de s’endetter. L’excès d’endettement des ménages a eu un effet sur la consommation. Alors que tous les mois, les ménages doivent rembourser, ils dépensent moins et les banques prêtent moins de crédits aux ménages endettés.
La Corée du Sud est l’une des économies les plus avancées de la région, mais aussi celle où la dette des ménages est la plus élevée. Le niveau de la dette sud-coréenne a augmenté de 125 % en 2003 pour atteindre 166 % du revenu disponible en 2012.
D’autres pays sont exposés au risque d’ajustement de leur croissance lié à un endettement excessif des consommateurs. La Malaisie semble particulièrement à risque, sa dette représentant 196 % du revenu disponible à fin 2012. Viennent ensuite Singapour et la Thaïlande (respectivement 134 % et 112 %).
La consommation privée – principale composante du PIB – continue de ralentir en Thaïlande. Les ménages sont très endettés (80 % du PIB) amenant Coface à placer la note du pays (A3) sous surveillance négative. Autre constat, à Singapour 5 % à 10 % des ménages consacrent plus de 60 % de leur revenu mensuel au remboursement de leur dette.
Tourisme et automobile, des secteurs gagnant
Certains secteurs bénéficient de l’essor de la consommation des classes moyennes, notamment chinoises. La classe moyenne de la Chine qui représente 150 millions d’habitants en 2013 est évaluée à 500 millions d’habitants en 2020.
Le secteur du tourisme à Hong Kong bénéficie grandement de la croissance économique chinoise depuis sa restitution à la Chine en 1997 et grâce à sa proximité et ses liens avec ce pays. Entre 1997 et 2012, le nombre annuel de visiteurs en provenance de la Chine continentale est passé de 2,4 à 35 millions, soit un taux de croissance annuel moyen de 19,7 %. De plus, les Chinois continentaux ont les dépenses par tête les plus élevées.
L’essor de la classe moyenne a également un impact positif sur le secteur de l’automobile, notamment en Chine, 1er marché mondial devant les Etats-Unis. Les constructeurs étrangers s’installent dans le pays en co-entreprise avec des constructeurs locaux pour proposer aux clients plus aisés des modèles premium dotés des technologies occidentales. L’Asie est également un marché porteur pour les marques de luxe souvent associées à des dépenses ostentatoires. « Plus le prix d’un bien est élevé, plus sa demande augmente », constate Charlie Carré.
Dans les années à venir, l’assureur-crédit table sur une croissance de la consommation en Chine, Inde, aux Philippines et en Indonésie, des pays où le niveau de croissance de la consommation des ménages était un peu moins élevé que les autres pays de la zone. A l’inverse, la Malaisie, Singapour, la Corée du Sud et la Thaïlande ont connu une croissance de la consommation des ménages forte. Dans ces pays, la perspective de croissance est donc moindre.
Venice Affre