Emmanuel Macron s’est rendu en visite officielle au Kazakhstan et en Ouzbékistan les 1er et 2 novembre, accompagné d’une importante délégation économique. L’occasion d’engranger une moisson de contrats et d’accords de partenariat dans une région actuellement très courtisée par les grandes puissances pour ses ressources en hydrocarbures et en minerais critiques. Revue de détail.
Cela faisait presque dix ans, depuis François Hollande en 2014, qu’un président français ne s’était pas déplacé au Kazakhstan, dont la France est le cinquième investisseur direct étranger (essentiellement du fait de la présence de Total) et avec laquelle les échanges commerciaux se sont élevés à 5,3 milliards d’euros en 2022 (en majorité composés d’hydrocarbures). Ceux avec l’Ouzbékistan voisin sont en revanche plus modestes. Les exportations françaises se sont en effet élevées à 240 millions d’euros en 2022.
Dans l’actuel contexte géopolitique, cette tournée présidentielle intervient alors que ces deux pays qui tentent de s’extraire de l’influence russe font l’objet de convoitise de la part de la Chine et de la Turquie. C’est d’ailleurs l’objectif de cette visite affiché par l’Elysée : profiter de cette volonté de diversification d’Astana.
En ce sens, eut égard au nombre de contrats et accords signés au cours de ces deux jours, cette visite officielle est une réussite notamment dans le secteur de l’énergie, à un moment où la France et l’Europe cherchent à sécuriser leurs approvisionnements en hydrocarbures et en minerais nécessaires à la transition énergétique.
Voici, par pays et par catégories (entreprises ou intergouvernementaux), la liste de tous les accords signés.
Au Kazakhstan
ENTREPRISES
-TotalEnergies, le fonds souverain Samrouk-Kazyna et la compagnie pétrolière nationale KazMunayGaz ont scellé un pacte d’actionnaires donnant naissance à la coentreprise Aktas Energy LLP. Cette nouvelle entité a en charge le développement du projet Mirnyi, une ferme éolienne d’une puissance de 1,2 GW.
-Boerhinger-Ingelheim et QazBioPharm ont signé une lettre d’intention précisant les termes du contrat commercial qui devrait lancer la production en commun de vaccins contre la fièvre aphteuse d’ici la fin 2024.
-Alstom a conclu avec le gouvernement kazakhstanais un accord d’investissements stratégiques permettant au groupe tricolore de disposer d’un statut privilégié (préférences fiscales et avantages en termes d’investissements) devant lui permettre de projeter sur le long terme ses activités de fabrication de locomotives électriques au Kazakhstan.
-La Société Générale, présente sur place depuis 2006, a conclu un mémorandum de coopération avec le fonds souverain Samrouk-Kazyna et la banque de développement JSC.
-Le groupe d’ingénierie Assystem a signé une lettre d’intention avec le ministère de l’Énergie en vue de développer leur coopération dans le champ de la digitalisation du système énergétique d’État.
-La société de conseil en santé C3Medical a conclu plusieurs accords concernant le dépistage du cancer du sein et la formation ainsi que la création d’une coentreprise en vie d’implémenter des systèmes de suivi par visualisation dans un réseau de polycliniques.
-La société de conseil en oncologie Ciprevo a paraphé un accord de coopération avec l’université de Karaganda dans le domaine de l’enseignement scientifique et médical.
-Enfin Medef International et la « Chambre des entrepreneurs » (Atameken) ont signé un accord de coopération.
-L’Elysée a en outre annoncé que Thalès allait fournir des radars militaires assemblés au Kazakhstan « au service de la souveraineté » du pays qui partage 7500 kilomètres de frontière avec la Russie.
-Enfin, le ministre de l’Énergie kazakhstanais a confirmé qu’EDF faisait partie des candidats à la construction de la première centrale nucléaire du pays, qui doit faire l’objet d’un referendum d’ici la fin de l’année.
ACCORDS GOUVERNEMENTAUX
-Une déclaration d’intention concernant la coopération dans le domaine des matières premières stratégiques a été paraphée par les deux pays afin de favoriser une coopération bilatérale dans la recherche géologique, la mise en œuvre de projets miniers et industriels franco-kazakhstanais, la mise au point des standards internationaux ESG.
-L’Agence française de développement (AFD) a signé avec Astana un accord lui permettant d’installer des bureaux au Kazakhstan et de disposer d’agents sur place.
-Un accord relatif à l’ouverture d’établissements d’enseignement français définit le cadre juridique de l’ouverture de deux écoles françaises à Astana et Almaty et favorise l’enseignement du français dans le système scolaire local.
En Ouzbékistan
Signalons en premier lieu que le déplacement présidentiel a été l’occasion d’inaugurer la Chambre de commerce et d’industrie franco-ouzbèke à Tachkent, qui devrait bien accueillir un bureau de Business France. Une nouvelle plutôt encourageante pour les entreprises françaises en quête de relais sur place.
ENTREPRISES
-TotalEnergies et le ministère de l’Énergie ont paraphé un protocole d’accord entre donnant le feu vert à l’extension de la centrale solaire Tutly 2.
-Egis a lancé une étude de faisabilité financée par le fond FASEP concernant le tramway de Tachkent.
-Orano a annoncé la première extraction d’uranium (350 kg) dans le cadre d’un projet pilote via sa coentreprise avec Nurlikum Mining.
-EDF, Uzbekhydroenergo et le ministère de l’Énergie ont signé un pré-contrat pour la réalisation de deux projets hydroélectriques (Mullalak et Khodjikent).
-Voltalia et le ministère de l’Énergie ont passé un accord en vue de développer une centrale hybride (solaire, éolien, batterie).
ACCORDS GOUVERNEMENTAUX
Deux accords intergouvernementaux ont été conclus pour l’octroi de deux prêts du Trésor en faveur d’un projet porté par Eiffage pour l’adduction en eau potable dans la région de Kachkadarya.
Ainsi, longtemps pré-carré de la Russie, l’Asie centrale cherche à diversifier ses relations politiques et économiques et fait jouer la concurrence. Si la Chine a une longueur d’avance avec ses Routes de la soie et que la Turquie avance ses pions (Recep Erdogan sera à Astana le 3 novembre), la France et les autres pays européens ont clairement un atout à jouer dans la région.
Sophie Creusillet