Quel est le secret de l´apprentissage allemand ? En effet, notre voisin d´outre-Rhin compte deux fois et demi plus de jeunes formés en alternance qu´en France : 1,5 million, contre 600 000.
Et le taux de chômage des moins de 25 ans s´y limitait en novembre 2010 à 5,5 %, contre 7 % pour l´ensemble de la population. Dans l´Hexagone, il s´élevait sur la même période à 24 %, contre 9,3 % pour toute la nation. Mieux encore, 60 % des jeunes apprentis sont embauchés par l´entreprise qui les a formés (contre 33 % en France), selon l´Institut fédéral pour l´éducation et la formation professionnelle (BIBB). Bien décidée à « s´inspirer » du système appliqué par nos partenaires économiques, Nadine Morano s´est rendue en décembre dernier à Berlin. Sur place, la ministre de la Formation professionnelle a rencontré des apprentis de l´usine de production de motos de BMW. Employeur de 2 000 personnes, ce site compte 70 jeunes en apprentissage, rémunérés entre 815 et 915 euros par mois, soit plus que la moyenne nationale qui est de 600 euros pour les apprentis. Tous seront embauchés immédiatement à l´issue de leur formation.
Première explication : après l´école primaire, un système assez sélectif oriente les élèves allemands vers deux possibilités : passer le bac et étudier à l´université ou suivre une scolarité plus manuelle et appliquée. Comparée au système français, « la formation pratique est mieux acceptée. On estime possible une réussite professionnelle en dehors d´un système académique centré sur les connaissances générales », explique Olivier Giraud, chercheur au CNRS, dans un entretien accordé à l´AFP le 7 janvier.
Seconde explication : l´apprentissage allemand « concerne toutes les branches de l´économie : commerce, banque, assurance, industrie et pas seulement l´artisanat », note René Lasserre, directeur du Centre d´information et de recherche sur l´Allemagne contemporaine (Cirac) en France. Et il n´est pas cantonné à certains métiers : il forme les techniciens supérieurs voire certains ingénieurs.
D´ailleurs, « dans de nombreux secteurs, les deux voies, académique ou formation en entreprise, sont sur un pied d´égalité, comme pour les technologies de l´information », ajoute Andreas Pieper, porte-parole du BIBB.
Troisième explication : la formation en alternance est ouverte vers le haut : « C´est la première étape d´une carrière professionnelle », constate René Lasserre, donnant en exemple le parcours de l´ancien patron de Daimler (de 1995 à 2005), Jürgen Schrempp, qui a débuté comme apprenti-mécanicien. À cet égard, l´attitude des entreprises allemandes est déterminante puisqu´elles n´hésitent pas à former plus de jeunes qu´il ne leur en faut, estimant nécessaire pour l´ensemble de l´économie allemande d´avoir une main-d´œuvre immédiatement opérationnelle, quand bien même elles doivent en supporter le coût.
D´ailleurs, ce sont elles qui dispensent l´éducation professionnelle, alors qu´en France, l´État, avec ses écoles, la pilote largement, constate René Lasserre. « Les grandes entreprises allemandes considèrent que leurs sous-traitants doivent aussi être performants. Des Bosch ou Siemens vont définir avec leurs concurrents des standards de production pour faire gagner en productivité toute leur branche d´activité », relève Olivier Giraud.
Nadine Morano a souligné à l´occasion de son voyage qu´elle souhaitait une « révolution culturelle en France » pour atteindre 800 000 apprentis d´ici à 2015. Mais ce sera sans les aides à l´alternance, arrivées à échéance fin 2010 et que le gouvernement ne souhaite pas reconduire.
Sylvette Figari
Oui, mais…
Un sondage téléphonique réalisé fin 2010 par l´institut Ipsos auprès de 301 dirigeants de PME françaises pour la fondation d´Auteuil (première fondation pour l´insertion des jeunes en France) révèle que sept chefs d´entreprise sur dix affirment qu´ils signeront « beaucoup » moins de contrats d´apprentissage en 2011. Les résultats de l´enquête mettent en lumière un problème d´adaptation de l´offre de l´apprentissage aux attentes et aux besoins des chefs d´entreprise.
Pourtant, les dirigeants de PME, surtout les plus importantes, disent apprécier ce dispositif qu´ils sont 71 % à trouver efficace pour recruter des collaborateurs directement opérationnels. Les patrons s´interrogent en revanche sur les mesures gouvernementales destinées à favoriser cette pratique, mesures peu connues et jugées peu efficaces. Pour en savoir plus : www.ipsos.fr
S. F.