« Ce qui est étonnant, c’est qu’elle veulent tout ». Alain Rousset, président de la région Aquitaine et de l’Association des Régions de France (ARF), se montre quelque peu dépité face au rejet par les chambres de commerce et d’industrie (CCI) d’une possible tutelle des régions dans le cadre de la nouvelle loi de décentralisation, exprimée hier par voie de presse.
Face à la perspective de voir le rôle des Régions dans le pilotage du développement économique encore amplifié et la crainte d’une perte de leurs prérogatives, les CCI ont fait plusieurs propositions visant à voir leur rôle conforté dans ce domaine, réclamant notamment de se voir »confier les agences de développement, les agences pour l’international et les agences pour l’innovation ». Une revendication qui fait sourire l’élu aquitain, qui n’en avoue pas moins son agacement : « Je trouve cette sortie très brutale, je ne la comprend pas car en réalité, on travaille avec elles », ajoute-t-il, sollicité par la Lettre confidentielle.
Le président de la région Aquitaine s’exprimait le 26 février à Paris, en marge d’une rencontre avec les présidents de Région organisée à Bercy par Nicole Bricq pour faire le point sur le partenariat noué entre l’Etat et les régions en septembre 2012 en matière de commerce extérieur et d’attractivité. Une rencontre qui a été clôturée par la signature des nouvelles conventions de coopération entre les agences régionales de développement (ARD) et l’Agence française pour les investissements internationaux (Afii).
Le fait que le président de CCI France, André Marcon, et ses vices-présidents, Jacques Pfister, Pierre-Antoine Gailly et Philippe Dutruc, aient choisi la veille de cette rencontre État-Région pour exprimer leur grogne est en l’occurrence parfaitement calculé. Mais outre de l’agacement, la démarche a aussi suscité de l’ironie : « Les CCI revendiquent une légitimité en tant que représentants des entreprises. Mais le taux de participation aux élections consulaires atteint à peine 6 % ! » souligne cet autre élu…
A Bercy, on minimise : « Les CCI se mobilisent parce qu’il y a cette nouvelle loi, ce qui est normal, et qu’elles anticipent la perspective d’une co-tutelle État-Région, confie à la LC un proche de Nicole Bricq. Mais dans beaucoup de régions, ça se passe bien entre les régions et les CCI ». Et d’ironiser : « La tutelle actuelle des préfets est plutôt exercée de façon légère parce que l’économie n’est pas vraiment la tasse de thé des préfets. Mais ce serait autre chose avec les Régions, qui ont un rôle de stratège ». Ambiance.
Reste que Nicole Bricq – et sans doute les patrons des Régions localement- ne feront pas l’économie d’une clarification puisque les CCI, à travers leur branche mutualisée CCI International, ont été étroitement associées non seulement à l’élaboration mais aussi à la mise en œuvre des Plans régionaux d’internationalisation des entreprises (PRIE) et au chantier du site portail France International et de la nouvelle agence qui naîtra de la fusion entre Ubifrance et l’Afii.
Mais elles voient aussi se développer avec une certaine inquiétude les partenariats États-Régions sur l’international, de l’offre commune Ubifrance-Erai jusque dans les projets d’incubateurs à l’étranger avec le French Tech Hub de San Francisco. « On était plutôt bien parti pour constituer une solide équipe de France de l’export mais on se retrouve en plein mécano institutionnel, entre les décisions du Cimap et les Régions qui veulent tout récupérer. Plus personne n’y voit clair, ni chez Ubifrance, ni dans les CCI » soupire un bon connaisseur du microcosme du commerce extérieur. Selon nos informations, un rendez-vous a été demandé par les dirigeants du réseau consulaire à Nicole Bricq.
Christine Gilguy
*Lire sur notre site : Décentralisation : les CCI se rebiffent contre l’éventuelle tutelle des régions