Comme à chaque épisode de cette saga qui dure depuis près de 14 ans, les deux protagonistes revendiquent la victoire à tel point qu’il devient difficile de savoir qui a réellement gagné ou perdu cette fois-ci. Si Boeing se félicite du jugement en appel rendu mardi 15 mai par l’organe d’appel de l’Organe de règlement des différends (ORD) de l’OMC (Organisation mondiale du commerce) – qui a estimé que l’Union européenne (UE) ne s’était pas encore totalement conformée à ses obligations – la direction d’Airbus, elle, insiste sur le fait que 94 % des plaintes déposées par la partie américaine ont été rejetées par le gendarme du commerce mondial.
Même analyse du côté de la Commission européenne, qui a estimé dans un communiqué que « le rapport rejette la grande majorité des allégations formulées par les États-Unis, selon lesquels l’UE n’aurait pas satisfait aux conclusions de l’OMC », tout en promettant tout de même que « l’UE va maintenant s’efforcer de prendre rapidement des mesures afin de s’assurer qu’elle respecte pleinement la décision finale de l’OMC dans la présente affaire ». Satisfecit aussi au sein du gouvernement français où l’on met en avant un verdict, « qui confirme définitivement que les avances remboursables ne sont pas prohibées par les droits de l’OMC ».
Autre son de cloche bien sûr à Washington qui agite déjà le drapeau des sanctions. Pour les Américains, la décision de l’OMC démontre que Bruxelles continue à avantager Airbus et n’a donc pas pris totalement en compte les demandes de suppression d’aides publiques de Boeing. Une atteinte à la compétitivité américaine qui pourrait coûter cher à l’UE sous forme de nouvelles taxes à l’export pour les produits européens. Des sanctions commerciales qui devront, toutefois, être validées par l’OMC.
Voici pour la moitié de l’histoire, car la guerre que se livre les deux géants de l’aéronautique depuis 2004 n’est pas encore terminée. Les plaintes déposées par l’UE à l’encontre des programmes gouvernementaux de soutien à Boeing devront à leur tour être jugées recevables, ou non. Le constructeur américain est lui aussi accusé de bénéficier de subventions indirectes de l’État américain sous la forme de colossales commandes de l’US Air Force. Et si celles-ci sont également jugées illégales, les deux constructeurs pourraient enfin être contraints de s’entendre. « Un accord négocié demeure la seule véritable solution au différend qui oppose les deux entreprises depuis 15 ans », souligne un communiqué diffusé par Airbus.
Kattalin Landaburu, à Bruxelles
*Pour en savoir plus :
Les documents relatifs à ce jugement sont accessibles en partie en français et en anglais sur le site de l’OMC via le lien suivant : https://www.wto.org/french/news_f/news18_f/316abrw_f.htm