Malgré les incertitudes internationales, pas question de rester les bras croisés. Lors de la dernière « Rencontre clients assurance export 2025 », le 27 juin à Paris, les équipes de Bpifrance assurance export (BAE), l’agence de crédit export française, ont mis en avant les améliorations apportées à la gamme de garanties export existante et dévoilé les nouveautés à venir, notamment en vue du Conseil présidentiel du commerce extérieur, réaffirmant leur volonté d’être au plus proche des besoins des entreprises exportatrices.
« On ne peut pas ne pas bouger ! » a lancé Nicolas Dufourcq, directeur général de Bpifrance, aux 150 dirigeants d’entreprises et banquiers présents lors de la dernière « Rencontre clients assurance export 2025 », organisée le 27 juin à Paris, au siège de la banque publique. Elle résume le ton de cette matinée consacrée au bilan des évolutions et perspectives de l’offre de garanties export aux entreprises.
Face au contexte international incertain, entre la guerre commerciale de Donald Trump et les tensions géopolitiques, mais aussi au regain de concurrence qui se manifeste de la part d’autres agences de crédit export européennes (Sace, UKTI, Euler Hermes…), l’humeur est plus que jamais au volontarisme chez Bpifrance et sa filiale Bpifrance assurance export (BAE), chargée de gérer au nom et pour le compte de l’État les garanties export.
Attentisme des PME et ETI, dynamisme des grands groupes
Le panorama qu’a brossé Denis Le Fers, directeur général de BAE, des tendances des cinq premiers mois de l’année montre que les entreprises exportatrices ont été affectées par le « choc Trump », marqué par une forte incertitude à la suite de l’annonce de ses droits de douane réciproques lors du « Liberation Day » le 2 avril, suspendus une semaine après pour laisser le temps aux négociations bilatérales. Résultat : les exportateurs et leurs clients ont mis en pause certains projets le temps d’y voir plus clair.
D’où un recul de 5 % de l’activité d’assurance de caution et de préfinancement export (qui permet de financer une fabrication liée à une commande export grâce à une garantie octroyée par BAE à la banque), et de 10 % des assurances prospection (avance de trésorerie permettant de financer un projet de prospection) par rapport à la même période de 2024.
En revanche, l’assurance change, boosté par la volatilité Euro/Dollar, a explosé, avec une hausse de 45 % des demandes de garanties. Surtout, les grands groupes industriels restent très allants, malgré ce contexte incertain : ils sont à l’origine d’une hausse de 40 % des demande d’assurance-crédit export sur les 5 premiers mois de l’année, avec un doublement des montants. Et si les PME et ETI ont été moins demandeuses d’assurance-crédit en ce début d’année, 70 % ont été de nouveaux clients, ce qui colle aux objectifs d’élargissement du portefeuille de client de BAE.
Denis Le Fers ne s’est donc pas montré très inquiet : ces retards du début d’année sont en cours de « rattrapage » a-t-il confié au Moci en marge de l’événement. Et BAE reste déterminée à davantage faire connaître les aides à l’export qu’elle propose. « Nous avons l’ambition d’atteindre 4000 clients supplémentaires d’ici 2027 » a rappelé Denis Le Fers.
Vers plus de flexibilité pour les clients
Pour Thomas Brisset, chef du bureau du Crédit export à la direction générale du Trésor DG Trésor), en ces temps d’incertitude, le moment est propice. Il a insisté sur le fait qu’il faut davantage préparer à aller à l’international les PME et ETI de croissance, « celles qui sortent de la réindustrialisation », via des programmes facilitateurs comme ETIncelles.
En outre, vu le contexte international, notamment le manque de visibilité sur les États-Unis, « c’est le moment de se diversifier à l’export ». Enfin, certains secteurs bénéficient d’une « dynamique de marché » forte tels que l’armement / défense et l’énergie nucléaire. Les pouvoirs publics veulent être au rendez-vous en matière de crédit export. « Tous les arbitrages ne sont pas encore rendus mais nous voulons aller vers plus de flexibilité pour les clients » a indiqué Thomas Brisset.
D’où des efforts en cours dans plusieurs domaines de la part de BAE, en coordination avec la DG Trésor. D’après Denis Le Fers, BAE a entrepris une « rénovation » de son offre, une simplification/modernisation de son organigramme (la direction PME/ETI a notamment été renommée « Solutions d’assurance export ») et un plan de développement qui doit aboutir à « construire une offre intégrée avec Bpifrance » et à « sortir de l’invisibilité ». Autrement dit davantage communiquer, y compris via les réseaux sociaux. Signe des temps, le directeur général de BAE a ouvert récemment un compte sur LinkedIn, une première depuis son arrivée il y a tout juste un an.
« Shopping Line », « Single Risk » court terme, assurance change pour les approvisionnements…
Quelles sont les principales nouveautés « produits » en chantier ?
Plusieurs nouveautés sont en chantier, dont certaines doivent être validées lors du Conseil présidentiel du commerce extérieur, dont la tenue est annoncée pour début septembre après plusieurs reports. Elles font suite à des demandes remontées par les entreprises. Denis Le fers en évoque un certain nombre dans l’entretien qu’il a accordé au Moci. Nous en rappelons ici les grandes lignes.
Le développement de « Shopping Lines » en fait partie. Il s’agit d’un système de ligne de crédit mise en place au bénéficie d’un grand acheteur dans le cadre d’un accord-cadre signé préalablement avec Bpifrance. Les achats aux entreprises françaises de cet acteur seront ensuite imputés sur cette enveloppe, avec une procédure allégée sur le plan administratif puisque l’essentiel des analyses de risque aura été fait en amont. De tels dispositifs très « pro-business » sont déjà en place dans des agences de crédit export européennes (Allemagne, Italie).
Autre nouveauté : la mise en place d’une offre de couverture « Single Risk » court terme (moins de deux ans). Elle complètera l’offre existante d’assurance-crédit export « Single Risk » moyen-long terme existante et sera applicable en cas de faille de marché, autrement dit si aucun assureur-crédit privé ne veut prendre le risque.
BAE planche également sur la mise en place d’une offre en assurance change visant à sécuriser le risque de change sur des approvisionnements. Enfin, une simplification du dispositif « Pass export », qui était censé faciliter l’accès aux aides pour des exportateurs français réguliers mais qui a eu peu de succès en raison de sa lourdeur administrative, va être simplifié : « on fera du cas par cas en fonction de l’intérêt national de l’entreprise » a indiqué Myriam Crosnier, directrice des assurances export chez BAE.
Enfin, et cela a été évoqué à plusieurs reprises lors de la rencontre client, les pouvoirs publics veulent une coordination/coopération renforcée entre les différents opérateurs publics de la Team France Export mais aussi des financeurs que sont Bpifrance, BAE, le Trésor et l’Agence française de développement (AFD) pour « fédérer les capacités de financement » autour de projets bénéficiant aux savoir-faire français.
D’après Thomas Brisset, Bercy va d’ailleurs porter au G7 (dont la France assurera la présidence l’an prochain) et à l’OCDE l’idée de « décloisonner les moyens de financement dont on dispose » et pousse également à Bruxelles pour que l’initiative Global Gateway, censée fédérer les projets de financement d’infrastructure européens dans les pays en développement, devienne plus opérationnelle.
Renforcer la mise en relation entre exportateurs et clients potentiels
Parallèlement, Bpifrance compte développer ses initiatives destinées à rapprocher les entreprises françaises de clients étrangers potentiels. Outre une coordination accrue avec les acteurs de la Team France Export, la banque publique développe ses propres initiatives dans ce domaine.
Marie Albane Prieur, directrice de développement export chez Bpifrance, a notamment évoqué le développement depuis 2 ans par son service d’une nouvelle activité surnommée « match & connect » de « mise en relation qualifiée pour six secteurs d’activité cibles » : agro-industrie, infrastructures, santé, BITD (base industrielle et technologique de défense), énergie et technologies.
Concrètement, il s’agit, de qualifier, d’ici 2028, « 250 entreprises internationales privées dans 30 pays sur lesquelles nous allons travailler dès l’origine » a-t-elle souligné. Quatre-vingts de ces grands acheteurs potentiels sont déjà qualifiés par Bpifrance. « Ensuite, nous vous mettons en relation avec eux » a-t-elle ajouté. Et si des contrats sont conclus, ils pourront bénéficier plus facilement des soutiens de Bpifrance sous la forme d’assurance-crédit ou de financement, Bpifrance ayant déjà procédé à l’essentiel de ses analyses de risque.
Cette initiative a déjà permis à des projets concrets d’émerger, tels que la vente d’une laiterie au Maroc, le vente d’équipements pour un centre de conditionnement de légumes au Sénégal ou encore la fourniture de matériels agricoles en Guinée. « Nos concurrents commencent à s’intéresser à ces activités » a relevé Maris Albane-prieur, signe que ce nouveau dispositif est efficace…
Christine Gilguy