Malgré l’inflation, le secteur de l’alimentation continue de se développer dans ce pays de 17,5 millions d’habitants friands de nouveautés et de produits premium. Il offre de belles opportunités aux exportateurs français d’après une étude du cabinet de conseil Oco Global, présentée en marge du Salon international de l’agriculture, qui se tient du 25 février au 5 mars à Paris.
Pragmatiques et économes. La réputation des Hollandais dans les affaires est également vérifiée en cuisine. Une journée typique se compose de deux repas froids, généralement constitués de pain, de fromage et de charcuterie, ainsi que d’un diner chaud combinant une protéine animale et des légumes cuits, le tout entrecoupé de grignotages.
Malgré ce régime austère, l’industrie agroalimentaire est florissante aux Pays-Bas. « Son chiffre d’affaires, qui a atteint 76,5 milliards d’euros en 2021 dont 14,4 milliards d’euros de valeur ajoutée brute, croît de 2 % par an, constate Camille Serres, chargée des projets export d’Oco Global. Il représente un quart de la production industrielle du pays et s’appuie sur 53 000 exploitations agricoles fournissant le top 3 de la production locale, à savoir les légumes et les fleurs, le lait et les produits laitiers ainsi que la viande de porc ».
Une plateforme de réexportation
Pourtant, la même année, la pays a importé pour 67,1 milliards d’euros de produits agricoles et agroalimentaires, dont 17 % seulement ont été consommés localement, le reste étant réexporté, pour moitié à destination d’autres États de l’UE et pour moitié au grand export.
Une situation qui s’explique par des surfaces agricoles réduites et l’omniprésence du maraîchage et de l’horticulture sous serres, ainsi que par le passé colonial (importations de cacao et de cafés) et la présence de Rotterdam, premier port marchand d’Europe. Pays à forte tradition commerçante, les Pays-Bas sont un hub commercial incontournable en Europe et le deuxième exportateur mondial de produits agroalimentaires derrière les États-Unis.
Les produits français ne font pas exception : 30 % des importations des Pays-Bas en provenance de l’Hexagone sont ensuite réexportés. Outre les céréales de la région Grand Est qui alimentent la dynamique industrie brassicole locale, la France exporte aussi bien des plats préparés que des produits d’épicerie fin (charcuteries et fromages) ou des vins et spiritueux.
Flexitarisme et innovation
Si les consommateurs locaux se sont mis à préparer leurs repas à la faveur des confinements pour cause d’épidémie de Covid-19, « le Hollandais typique reste légèrement fainéant côté cuisine, sourit Martijn Weijtens, conseiller agricole à l’ambassade des Pays-Bas en France, mais paradoxalement les conserves et les surgelés sont moins développés qu’en France. Le flexitarisme est la règle et au prorata de la population les Pays-Bas comptent deux fois plus de végétariens que la France. Alors que les Français sont très en avance sur les labels garantissant les origines d’un produit ou le bio ce dernier est moins important aux Pays-Bas, mais il est actuellement en plein développement. Pour le consommateur hollandais, le bien-être animal, garanti par le label Better Leven, est primordial. »
Aussi les protéines alternatives constituent un marché actuellement au plein essor. Les entreprises issues de l’industrie de la viande désirant proposer des substituts ou de la viande « cultivée » ciblent souvent le marché néerlandais pour développer leurs innovations comme JBS, Mosa Meat, Beyond Meat, Meatless Farm ou De Vegetarische Slager (Unilever). De manière générale, ce marché offre des opportunités pour toutes les entreprises de la Food Tech.
En atteste le dynamisme des centres de recherche comme ceux de l’université d’Utrecht ou de celle de Wageningen, située dans la Food Valley, le grand pôle de compétitivité local. A noter également, la présence de centres de R&D privés comme le NIZO et les liens forts entre le gouvernement, l’industrie et les centres de recherchent qui travaillent et co-investissent ensemble.
Forte concentration des centrales d’achats
Autre particularité du marché néerlandais : son système de distribution ne connait pas les grandes surfaces. Les consommateurs font leurs courses plus fréquemment et achètent de plus petites quantités. Les deux enseignes les plus importantes sont Jumbo et Albert Heijn. Très concentrées, les centrales d’achats se répartissent entre des importateurs, des grossistes comme Sligro et Bidfood, ainsi que des coopératives d’achat comme Victoria Trading, « très ouverte à l’offre français », précise Camille Serres.
Car la France a le vent en poupe. « Non seulement les consommateurs veulent retrouver des produits qu’ils ont connus lors de leurs vacances, mais la France est à la mode en ce moment aux Pays-Bas où la télévision diffuse par exemple des programmes de chansons françaises, souligne Martijn Weijtens. Et depuis le Brexit, la France est perçue comme un partenaire commercial de plus en plus important sur les plans politique et commercial. » Bref, il y a une fenêtre d’opportunités pour les entreprises tricolores !
Mais pour y réussir, les Français doivent se plier à certaines règles en évitant notamment de proposer des produits trop traditionnels au packaging vieillot. Les Hollandais ont faim de modernité et d’innovation. « Il est important de s’adapter aux tendances de consommation locales, de visiter le pays et les points de vente, de parler l’anglais, de proposer de produire en marque blanche et de ne pas négliger le facteur prix, très important aux Pays-Bas », conseille Camille Serres.
Quant à la culture des affaires, dans l’agroalimentaire comme dans d’autres secteurs, « les Hollandais sont directs et pragmatiques, mais le marché est très ouvert », résume le conseiller agricole.
Sophie Creusillet