Manger sainement, privilégier les produits biologiques, prendre en considération la rémunération des producteurs, réduire sa consommation de viande… Les bonnes résolutions en matière d’alimentation durable prises par les consommateurs dans le monde depuis le début de la crise sanitaire pourraient voler en éclat en raison de la hausse des prix provoquée par la guerre en Ukraine. C’est ce que laisse entrevoir l’étude d’opinion de Kantar réalisée pour le Salon international de l’alimentation (Sial) qui se tiendra en octobre à Paris.
Le mouvement est mondial. 71 % des personnes interrogées par Kantar, dont le panel couvre 11 pays ou zones* ont changé leur comportement au cours des deux dernières années, en grande majorité pour aller vers une alimentation plus saine (67 %), mais également plus locale (48 %) et plus respectueuse de l’environnement (36%).
Même les États-Unis, longtemps récalcitrants à la diététique et peu intéressés par la composition des aliments s’y sont mis, en atteste le succès des applications de scan-food depuis le début de l’année. Ces préoccupations gagnent à présent l’Asie et le Moyen-Orient qui recrutent de plus en plus d’adeptes de produits sains, écologiques ou locaux.
Les critères éthiques et environnementaux ont confirmé leur présence à la table des consommateurs du monde entier : 37 % des sondés ont ainsi déclaré être plus attentifs à des questions environnementales et éthiques comme l’empreinte carbone, les emballages, les conditions de production ou le bien-être animal. Elles restent cependant plus marquées en Europe, en particulier en France et en Italie, que dans le reste du monde, même si elles gagnent du terrain en Chine (+ 8 points) et aux États-Unis (+ 4 points).
Les consommateurs rechignent à payer plus
Le secteur de la restauration, encore sous pression en raison du télétravail et de la lente reprise du tourisme, observe les mêmes tendances pour une alimentation plus responsable et plus qualitative. 54 % des Européens interrogé estiment cependant que la note est désormais trop salée par rapport à leur pouvoir d’achat. Une inquiétude qui traverse également les allées des commerces alimentaires : 14 % des consommateurs refusent de payer plus des produits plus sains.
Ainsi le bio, dont la consommation s’était envolée au début de la crise sanitaire, est en train de perdre sa popularité, en particulier en France et en Espagne. La part des consommateurs réguliers de produits bio est ainsi passée de 54 % en 2018 à 61 % en 2020 avant de redescendre à 57 % en 2021. Et les cordons des bourses devraient se resserrer encore un peu plus avec une crise sanitaire qui s’éternise et les conséquences de la guerre en Ukraine sur les cours des matières premières agricoles.
Kantar a en effet réalisé ses sondages avant que la Russie n’envahisse l’Ukraine et que l’inflation sur l’énergie et les denrées alimentaires ne monte en flèche. « La préoccupation liée au pouvoir d’achat et au prix des produits réapparaît avec force, détrônant pour une période indéterminée le driver prioritaire de la santé et les préoccupations liées à l’environnement, préviennent néanmoins les experts de Kantar. La fracture, apparue au moment de la crise sanitaire, s’intensifie entre les personnes subissant une forte dégradation de leur pouvoir d’achat et les autres. »
Sophie Creusillet
* France, Grande-Bretagne, Espagne, Allemagne, Italie, Inde, USA, Chine, les pays du Moyen Orient, l’Asie du Sud Est (Indonésie et Malaisie) et Israël.