Le Gabon où Total produit environ un quart du pétrole ne laisse jamais indifférent en France. Les 240 participants au colloque économique du Sénat, organisé avec Business France le 30 mars, ont pu s’en rendre compte. Prévue depuis des mois, cette manifestation s’est tenue au plus mauvais moment pour Paris et Libreville.
Une semaine jour pour jour après le retour d’Ali Bongo à Libreville, ce petit pays d’un peu plus de deux millions d’âmes s’interroge sur son avenir politique. Le président, victime d’un accident cardiovasculaire le 28 octobre 2018, s’est absenté pendant cinq mois. « Un coup d’État d’un quart d’heure a eu lieu en janvier », a aussi ironisé Didier Lespinas, président du Comité Gabon des conseillers du commerce extérieur de la France (CCEF).
Une manifestation devant le Sénat
Pour ne rien arranger, le 29 mars, un sit-in était organisé devant le Palais du Luxembourg. L’opération était relayée à l’intérieur par une manifestante interrompant le colloque pour dénoncer « une dictature cruelle qui fait souffrir son peuple ». De quoi jeter un froid dans l’assistance. Le président du groupe interparlementaire d’amitié France-Afrique Centrale, le sénateur des Français établis hors de France Christophe-André Frassa, venait d’introduire l’évènement.
Le président du Sénat, Gérard Larcher, s’était décommandé. Tout comme le Premier ministre gabonais Julien Nkoghe Bekalé et son ministre de l’Économie, de la prospective et de la programmation du développement Jean-Marie Ogandaga. Selon un résident français, ils auraient été appelés auprès du chef de l’Etat à Libreville.
L’absence du grand argentier est d’autant plus regrettable que, confirmé lors du remaniement gouvernemental de janvier, le ministre avait en plus récupéré la promotion de l’investissement public et privé. Son numéro 2, le ministre délégué Hilaire Machima, le remplaçait. Du coup, la délégation gabonaise à Paris était conduite par le ministre des Transports et de la logistique, Justin Ndoundangoye.
Les axes de diversification du Plan de relance économique
Sur la diversification économique, thème du colloque qui n’a rien de nouveau, puisque le sujet était déjà en 2010 au cœur du Plan Stratégique Gabon Emergent (PSGE) à l’horizon 2025, Hilaire Machima a justifié l’insuffisance de résultats à la conjoncture économique. Le PSGE, a-t-il affirmé, « a été contrarié par la chute des cours du brut ».
Privé d’une partie de la manne des hydrocarbures, Libreville a dû conclure un accord triennal de 642 millions de dollars, approuvé par le conseil d’administration du Fonds monétaire international (FMI) le 19 juin 2017. C’est à cette époque qu’a été concocté le Plan de relance économique, censé relancer l’activité autour de trois volets : rééquilibrage des finances publiques, relance et diversification économiques et baisse de la pauvreté.
Riche en pétrole, en minerai et en bois, le Gabon veut monter dans la chaîne de production en générant de la valeur ajoutée. « Nous avons aussi créé, lors du remaniement gouvernemental, un ministère du Tourisme et un ministère de la Pêche », a pointé Hilaire Machima. Enfin, il y a le défi numérique et l’agriculture. Au Gabon, la compagnie Olam International, premier employeur privé dans le pays (9 500 emplois) joue un rôle considérable.
Via un partenariat public-privé (PPP), le groupe singapourien gère la zone économique spéciale (ZES) de Nkok (à 20 kilomètres de Libreville), qui accueille des entreprises de placage de bois. « Il n’y a pas de stratégie. Où nous voyons des opportunités comme la ZES, où nous pouvons innover, nous allons », affirmait ainsi son président, Gagan Gupta. Dans l’agriculture, Olam International ouvre la voie dans l’huile de palme.
Un environnement des affaires insuffisamment réformé
Alors que le gouvernement a misé sur l’amélioration du climat d’investissement, le Gabon occupait le 169e rang sur 190 pays classés par la Banque mondiale dans son dernier rapport pour la Facilité à faire des affaires (Doing Business 2019). Bureaucratie, corruption, manque d’infrastructures sont parmi les maux qui minent l’économie de ce pays d’Afrique centrale à 80 % recouvert de forêt.
Rejetant ce classement, Hilaire Machima estimait que « ce sont les réformes qu’il faut regarder », mettant ainsi en exergue la réduction des délais de création d’une entreprise, grâce à la fusion de trois structures pour donner une entité unique, l’Agence nationale pour la promotion de l’investissement.
L’ANPI « est dotée d’un guichet unique (19 Administrations rassemblées en un seul lieu) et propose à chaque entreprise un référent unique », a précisé Gabriel Ntougou, son directeur général depuis le 6 mars. Par ailleurs, en septembre dernier, le gouvernement s’est engagé avec la Banque mondiale sur la transformation de la Charte des investissements de 1989 en un Code des investissements attractif.
Un besoin criant d’infrastructures
S’agissant de la corruption, « je ne la vois pas, je ne sais pas où elle est située », a indiqué Hilaire Machima. Quant au déficit d’infrastructures, de nombreux projets seraient en cours ou en voie d’être réalisés dans le domaine ferroviaire (réhabilitation du Trans-gabonais), routier ou fluvial. Le Plan de relance économique prévoyait des investissements dans les routes (à Libreville, entre Port Gentil et Omboué, etc.), dans des barrages électriques (Chutes de l’impératrice…) et des PPP pour construire plusieurs terminaux au port d’Owendo et le nouvel aéroport de Libreville, un investissement de 350 millions d’euros.
Le ministre des Transports a surtout mentionné l’aéroport international à 30 kilomètres de la capitale et 2 km de la ZES de Nkok sur un site de 4 500 hectares. « Olam est chargé de constituer un écosystème pour que l’ouvrage soit réalisé », a expliqué Justin Ndoundangoye, qui s’est réjoui des partenariats signés avec des entreprises françaises.
Le ministre a cité Egis et Thales. En août dernier, la société d’ingénierie française a été retenue pour la conception, la construction, la sécurité, les services liés à l’environnement. Un nouvel aéroport international permettrait à Libreville de se positionner comme un des principaux hubs aéroportuaires en Afrique centrale et de l’Ouest.
François Pargny