Business France a organisé le 26 juin un forum d’affaire sur les marchés du Sud du continent africain qui s’est tenu à guichet fermé. Peu connus des entreprises françaises et réputés complexes, leurs projets de diversification économique offrent des opportunités aux investisseurs et entreprises étrangers.
L’amphithéâtre du siège parisien de Business France est plein à craquer. Entrepreneurs français et des pays de la région, responsables politiques et représentants de leurs agences d’investissement se pressent pour prendre le pouls de cette partie du continent traditionnellement moins présente dans les radars des PME et ETI tricolores que les pays francophones d’Afrique de l’Ouest.
Pourtant, l’Afrique du Sud, l’Angola, le Botswana, Madagascar, Maurice, le Mozambique, la Namibie, la Zambie et le Zimbabwe forment un ensemble de 220 millions d’habitants sur un continent en plein rebond économique. « Les prévisions de croissance de l’Afrique sont de 4,2 % en 2024 et 2025 alors que la moyenne mondiale sera de 3 %, rappelle Aroni Chaudhui, économiste spécialiste de l’Afrique chez Coface. En Afrique australe, elle sera plus rapide dans les pays qui se diversifient et dont le développement est tiré par la croissance et les investissements. Dans les économies très spécialisées, plus dépendantes des cours des matières premières, le rebond sera plus lent. »
La croissance de l’Angola et l’Afrique du Sud devrait repartir en 2025
Dans un contexte de baisse des cours du baril de pétrole à 85 dollars (USD) cette année et 82 USD en 2025 et de baisse de la demande mondiale de minerais, les pays exportateurs de matières premières sont à la peine et voient l’accès aux devises et aux investissements directs étrangers (IDE) se réduire. La plupart de ces pays producteurs de matières premières sont en outre importateurs net de produits agricoles et agroalimentaires dont les prix ont flambé depuis le début de la guerre en Ukraine.
Mais si les perspectives de croissance en Afrique australe sont inférieures à celle de la moyenne continentale, mais le rythme devrait s’accélérer légèrement, passant d’un taux estimé de 1,6 % en 2023 à 2,2 % en 2024 et s’affermir jusqu’à 2,7 % en 2025, selon les dernières prévisions de la Banque africaine de développement.
L’Angola, dont les exportations sont à 94 % des hydrocarbures et l’Afrique du Sud, qui forme à elle seule 50 % du PIB de la région, ne jouent pour l’instant plus leur rôle de locomotives régionales avec des prévisions de respectivement 2,9 % et 1,1 % cette année même si la tendance devrait s’inverser en 2025 (3,8 % et 1,6 %).
Pour Bruno Baptista, directeur à l’Agence de promotion des investissements privés et des exportations de l’Angola (Aipex), « le pays poursuit ses efforts pour diversifier son économie et prépare une nouvelle loi sur l’investissement privé, et la relance du corridor ferroviaire de Lobito qui va relier le port angolais de Lobito à la République démocratique du Congo et à la Zambie ».
Ce grand projet d’infrastructure ferroviaire, soutenu par les Etats-Unis pour endiguer l’appétit des entreprises chinoises, vise à accélérer la croissance du commerce intérieur et transfrontalier le long de ce couloir ferroviaire en mettant en place des instruments harmonisés de facilitation du commerce. Il desservira 40 % de la population angolaise et inclut des projets dans l’agriculture et le commerce de détail.
S’inscrire dans le temps long
En Afrique du Sud, où la nomination d’un gouvernement d’union nationale se fait attendre depuis l’échec historique de l’ANC aux dernières élections, « les réformes entreprises selon les trois axes que sont l’énergie, le transport et la logistique ainsi que la lutte contre la corruption doivent se poursuivre » estime Busisiwe Mavuso, la présidente de Business Leadership South Africa, l’équivalent local du Medef. Optimiste sur leur poursuite et sur la solidité de l’économie sud-africaine, la représentante du monde des affaires local estime « qu’une nouvelle ère va s’ouvrir pour les investissements directs étrangers ».
Dans la région, d’autres pays, moins connus mettent des programmes et des projets en place qui sont autant d’opportunités. C’est le cas du Zimbabwe, grand producteur de nickel, de cuivre et de lithium, qui souhaite développer l’industrie de transformation. Au Botswana, l’accent est mis sur l’infrastructure et les énergies renouvelables (ENR) avec notamment d’importants projets dans le solaire. Au Mozambique, où la réactivation de cellules islamiques locales pose des problèmes de sécurité, le PIB pourrait rapidement doubler. Total n’en est pas parti et regarde désormais du côté de la Namibie et de la Tanzanie.
« Toute l’Afrique est un marché rentable », affirme Jean-François Héry, vice-président de Total Energies pour le Mozambique. « C’est un pays difficile mais où les grandes majors sont présentes et où nous souhaitions y être avant la publication des appels d’offre pour l’exploitation gazière dans la province du Cabo Delgado », explique Adrien Bentejac, directeur en charge de l’Afrique de l’Ouest chez Altrad.
Enfin, Madagascar développe des secteurs comme la tech, l’agroalimentaire et le textile. Malgré le risque de surchauffe de son économie, Maurice, qui a intégré la liste blanche de l’Ocde des paradis fiscaux et fortement misé sur l’immobilier, se présente comme une excellente base arrière pour aborder les marchés d’Afrique australe. Mais, ici comme ailleurs dans la région, les entreprises qui veulent profiter de ces opportunités doivent s’entourer et s’inscrire dans le temps long.
Sophie Creusillet
La Southern African Development Community (SADC)
L’accès aux marchés de la sous-région est facilité par la mise en place de la Southern African Development Community (SADC) qui dispose elle-même d’un accord (APE) avec l’Union européenne. Dans ce contexte, les échanges commerciaux de la France avec la sous-région, de plus de 2 milliards d’euros, progressent et affichent un excédent. L’Afrique du Sud, économie la plus moderne, la plus industrialisée et la plus diversifiée d’Afrique, est le premier partenaire économique et commercial de la France en Afrique sub-saharienne. Près de 5 000 entreprises françaises y exportent annuellement et 400 filiales représentent plus de 65 000 emplois directs.