D’après une étude de la société de paiement internationaux française IbanFirst, une tendance à la « dédollarisation » des transactions de commerce international BtoB se manifeste depuis le début de l’année. L’Euro, et dans une moindre mesure le Yuan, en sont les principaux bénéficiaires.
« Ce n’est pas un big bang, plutôt une évolution » tempère d’entrée Ivo Mertens, Chief Revenue Officer chez iBanFirst, interrogé par Le Moci à la suite de la publication d’une étude de la société sur les tendances des devises utilisées par ses clients depuis le début de l’année. « Vu le poids du dollar dans le commerce mondial, il va continuer à rester la devise principale car il n’existe pas de vraie alternative pour le moment. »
Cela posé, l’étude d’Iban First révèle tout de même des tendances inédites intéressantes. Ainsi, sur un volume de paiements internationaux de 10,68 milliards d’euros analysé entre janvier et mai 2025, « un net mouvement de dédollarisation est en cours parmi les entreprises opérant en B2B » note la FinTech française.
Ainsi, la part de l’Euro dans les paiements a progressé chaque mois, passant de 47 % à 50 %. À l’inverse, la part du dollar américain est passée de 35 % à 30 % sur la même période. La part des autres devises a également progressé de 14 à 17 %.
Pour les clients en zone euro, on constate logiquement une réorientation progressive vers l’euro comme devise de paiement, notamment début 2025, relève IbanFirst. Pour les clients situés en zone dollar et zones tierces, on constate une diminution du recours au dollar à partir de février 2025. Ce phénomène s’est amplifié en avril avec l’annonce des mesures protectionnistes, entraînant une reconfiguration tactique des paiements de la part des entreprises.
Une évolution « nouvelle », « remarquable »
Une telle évolution est, selon Ivo Martens, « nouvelle », « remarquable ». Et selon lui, elle trouve ses causes profondes dans l’incertitude provoquée par la nouvelle administration Trump et sa « politique erratique ». « Il y a un grand sentiment d’incertitude sur la politique américaine et ses effets sur les devises » confirme Ivo Martens. Les entreprises et leurs fournisseurs cherchent donc à échapper à cette volatilité, potentiellement préjudiciable à l’équilibre financier de leurs échanges.
« Beaucoup de paiements en dollars ne se font pas avec les Etats-Unis mais avec des fournisseurs situés en Asie ou en Amérique latine, explique le dirigeant. Aussi bien le client que son fournisseur se pose actuellement la question de savoir s’il n’est pas opportun de payer dans une autre devise comme l’Euro ou le Yuan, perçue comme plus stable ».
Hausse des demandes d’information des clients
D’après lui, IbanFirst a enregistré une hausse des demandes d’information de ses clients sur les conditions pour utiliser le Yuan plutôt que le dollar pour leurs achats en Chine, par exemple. L’utilisation d’une monnaie locale est parfois compliquée avec certains pays dont la devise n’est pas convertible comme c’est le cas pour le réal du Brésil ou le dong du Vitenam.
Mais « il y a un net regain d’intérêt pour ces sujets de la part de nos clients » constate Ivo Mertens. « On peut imaginer que l’on va être de plus en plus interrogés sur les monnaies de pays tels que le Mexique, l’Afrique du Sud, et des pays d’Europe de l’Est. » La Pologne (Zloty), la Roumanie (Leu), par exemple, ne sont pas membres de la zone euro. Sans compter les pays hors UE comme le Royaume-Uni, la Serbie, la Suisse.
Ivo Martens s’attend à ce que la tendance s’accentue dans les mois qui viennent. « La plupart des contrats avec nos clients ont une durée de 6 à 9 mois, ce qui ne leur permet pas de changer de devise du jour au lendemain, explique encore Ivo Martens. Mais ils se posent la question et nous nous attendons à ce que cette dédollarisation se poursuive ». Et pour l’heure, c’est surtout l’euro, qui a pris 10 % environ sur le dollar depuis le début de l’année, qui a été le principal bénéficiaire de cette évolution.
Christine Gilguy