Alors que l’insécurité en mer Rouge persiste, CMA CGM vient d’annoncer un doublement de ses tarifs sur l’axe Asie-Méditerranée. Au total 18 compagnies maritimes ont cessé leurs opérations en mer Rouge, et passent désormais par le Cap de Bonne espérance, occasionnant augmentation des délais et hausse des coûts.
Mis à jour le 05/01/24 à 09H00.
L’annonce par CMA CGM, le 3 janvier, d’un doublement de ses tarifs sur la route Asie Méditerranée à compter du 15 janvier à la suite de l’interruption du trafic via le canal de Suez est spectaculaire : le prix d’un transport par conteneur de 20 pieds va passer de 2000 à 3500 dollars et de 3000 à 6000 dollars pour un conteneur de 40 pieds.
Mais la flambée se généralise. Lee Klaskow, analyste principal de la logistique chez Bloomberg Intelligence, a estimé le 3 janvier dans une note de recherche que les tarifs transpacifiques avaient bondi de 56 % par rapport à la semaine précédente pour atteindre 2 769 dollars pour un conteneur de 40 pieds, sur la base de l’indice de référence Drewry Hong Kong-Los Angeles. En une semaine, les taux spot sur le marché entre Asie et Méditerranée ont bondi de 70 % et de 80 % entre Asie et Europe, selon le site d’information Transport & Logistique du Journal de la Marine Marchande.
En cause : la persistance de l’insécurité en mer Rouge, entretenue par les attaques de navires marchands par les Houthis du Yémen en soutien aux Palestiniens de Gaza (par drônes, missiles ou abordage), qui dissuadent les compagnies maritimes d’emprunter le canal de Suez via le détroit de Bab el-Mandeb et les obligent à passer par la Cap de Bonne Espérance, au sud du continent africain, ce qui rallonge leur délai de 10 à 15 jours et augmentent les coûts.
18 compagnies ont interrompu leurs opérations en mer Rouge
CMA CGM, cible des rebelles comme la plupart de ses concurrents européens, n’est pas seule dans son cas à prendre ces décisions : Maersk a confirmé le 3 janvier la nouvelle interruption du trafic de ses navires via la mer Rouge, MSC et Hapag-Lloyd ont déserté la zone.
Au total, au moins 18 compagnies maritimes ont ainsi stoppé le transit de leurs navires via la mer Rouge selon les déclarations du chef de l’Organisation maritime internationale (OMI), Arsenio Dominguez, lors d’une réunion du Conseil de sécurité de l’ONU. Les augmentations de tarifs sur l’axe Asie-Méditerranée devraient être généralisées sans que l’on sache précisément pour qu’elle durée.
De quoi inquiéter les chargeurs et leurs prestataires alors que cet axe est stratégique pour le commerce international. Près de 15 % du commerce maritime mondial transite par la mer Rouge, dont 8 % du commerce mondial des céréales, 12 % du pétrole échangé en mer et 8 % du commerce mondial du gaz naturel liquéfié selon des chiffres récents publiés par les États-Unis.
De nombreux biens de consommation et composants fabriqués en Asie et importés en Europe empruntent cette voie. On s’attend à un impact à la hausse sur les prix de vente, de l’ordre de 10 à 15 % selon les articles.
Vers des représailles directes ?
La coalition internationale Prosperity Guardian montée par les États-Unis – à laquelle est associée la Marine française via sa frégate Languedoc sans que la France n’en soit formellement membre – n’a pas réussi jusqu’à présent à faire cesser les attaques houthies, qui bénéficient du soutien de l’Iran. Le commandement militaire central américain en a comptabilisé 24 depuis la mi-novembre. La dernière en date, le 31 décembre, a conduit à une confrontation directe : quatre bateaux houthis ont tiré sur des hélicoptères américains venus secourir un navire battant pavillon de Singapour en mer Rouge ; ces derniers ont riposté et coulé trois des embarcations. C’est ce dernier événement qui a conduit Maersk à interrompre définitivement ses opérations dans la mer Rouge.
S’achemine-t-on vers des représailles directes de la coalition internationale contre les Houthis du Yémen, au risque d’embraser toute la région ?
Le fait est que le ton est monté depuis la dernière attaque : dans un communiqué commun publié le 3 janvier par la Maison Blanche, les États-Unis, la Grande-Bretagne et dix autres pays – la France ne figure pas dans la liste – ont menacé clairement les rebelles houthis de représailles. « Les attaques des Houthis en mer Rouge sont illégales, inacceptables et déstabilisatrices, indique le communiqué. S’ils continuent de menacer des vies humaines ainsi que l’économie mondiale et la libre circulation commerciale dans les voies navigables cruciales de la région, ils en subiront les conséquences ». L’Australie, Bahreïn, la Belgique, le Canada, le Danemark, l’Allemagne, l’Italie, le Japon, les Pays-Bas et la Nouvelle-Zélande ont également signé la déclaration.
En attendant, le trafic maritime mondial démarre la nouvelle année dans un contexte de fortes incertitudes. Car outre le canal de Suez, délaissé en raison de l’insécurité en mer Rouge, une autre de ses voies importantes est fortement perturbée depuis des mois : celle du canal de Panama, dont le trafic est au ralenti en raison d’une sécheresse historique qui a réduit le niveau d’eau.
C.G