El Niño, ce phénomène météorologique qui doit revenir au second semestre de cette année, devrait fortement impacter le secteur agricole dans la région indopacifique, avec des répercussions mondiales, selon une récente étude de Coface. Les entreprises des secteurs agricoles et agroalimentaires, qui ont déjà maille à partir avec les conséquences de la guerre en Ukraine, devront composer avec des difficultés d’approvisionnement à moyen terme.
Il est en avance. Moins d’un an après le dernier épisode de La Niña, soit bien plus rapidement que les fréquences historiques, son retour semble confirmer l’occurrence plus fréquente de cet événement météorologique néfaste pour l’agriculture de la région indopacifique. Le phénomène océano-atmosphérique El Niño Southern Oscillation, de son appellation complète, trouve son origine dans la variation anormale des températures des eaux de surface du Pacifique Centre et Est, sur la façade latino-américaine. Porteur d’une météo chaude et sèche, il alterne tous les deux ou trois ans avec La Niña qui apporte un temps froid et pluvieux.
Conséquence de ce phénomène : les rendements des commodités, qui dépendent de la chaleur et de la pluviométrie, risquent de baisser beaucoup plus tôt que prévu. Les prévisions de Coface font ainsi état de fortes incertitudes pour certaines matières premières agricoles comme les céréales, le sucre, l’huile de palme, les agrumes à moyen terme, et de risques significatifs pour la sécurité alimentaire dans certaines régions du monde.
Des régions-clés pour les chaines de valeur agroalimentaires
En effet, les perturbations météorologiques causées par El Niño, qui affectent l’ensemble de la région indopacifique, débouchent sur des vagues de chaleur et des sécheresses. El Niño a ainsi tendance à amplifier les effets négatifs du changement climatique en Asie-Pacifique, en Afrique australe et orientale et sur le continent américain.
Le Brésil (premier producteur mondial de canne à sucre, de soja, de café et d’oranges), l’Inde (deuxième producteur de riz, de blé, de canne à sucre et de pommes de terre), l’Indonésie (premier producteur d’huile de palme et troisième de riz), ou encore l’Australie (quatrième producteur d’orge et de colza) devraient être particulièrement exposés et voir leurs rendements agricoles baisser.
Hausse des cours en perspective
De moins bonnes récoltes mettront sous pression les chaines de valeurs agroalimentaires dans leur ensemble et 2024 devrait être une année de très fortes tensions entre offre et demande pour le secteur. En effet, les perturbations vont à la fois dégrader les productions des grands exportateurs (Australie, Brésil, Etats-Unis) et de poids lourds sur le plan démographique supposés autosuffisants sur le plan alimentaire comme la Chine et l’Inde. La tension sur les approvisionnements sera donc double.
Sans surprise, Coface anticipe que les prix alimentaires devraient augmenter en 2024, les épisodes El Niño de ces vingt dernières années ayant été synonymes de pressions inflationnistes sur les denrées alimentaires dans la région.
Le riz, qui représente 60 % de la consommation domestique de céréales dans la région Indo-Pacifique, est ainsi très vulnérable aux effets de ce phénomène météorologique, alors que sa culture, très gourmande en eau devrait souffrir des bas niveaux de pluviométrie. Or, le poids du segment alimentaire dans les indices des prix à la consommation régionaux est très significatif (environ 40 %), laissant craindre une poussée inflationniste à moyen terme.
Risques de tensions socio-politiques en Indonésie
Ces difficultés d’approvisionnement et la hausse des prix alimentaires accroissent dangereusement le risque d’instabilité dans les économies émergentes, selon l’assureur-crédit. Les pays pour lesquels le secteur agricole est prépondérant pourraient en effet subir des pertes de revenus et d’emploi importantes. Ainsi l’Indonésie, où l’agriculture représente 13 % du PIB et 32 % des emplois, pourrait subir de plein fouet l’impact négatif d’El Niño sur la production de riz et d’huile de palme.
Or, le pays aura à moyen terme des échéances politique majeures : les prochaines élections générales indonésiennes (présidentielle, législatives et sénatoriales) sont prévues pour février 2024. Les difficultés économiques, induites par les perturbations météorologiques, pourrait ainsi avoir d’importantes répercussions sur la stabilité du pays.
En revanche, Coface estime que les pays des régions qui ne sont pas concernées touchées par ces perturbations météorologiques (Europe, Moyen-Orient, Afrique du Nord) pourraient, quant à eux, bénéficier de l’augmentation des cours des commodités agricoles.
S.C.
