Bruxelles et Chisinau ont signé le 9 mai un accord associant ce pays de 2,6 millions d’habitants, niché entre l’Ukraine et la Roumanie, au mécanisme pour l’interconnexion en Europe (MIE). A la clef : des financements dans les transports, l’énergie et le numérique.
La guerre en Ukraine accélère l’intégration à l’Union européenne (UE) de la Moldavie. Le pays a obtenu son statut de candidat en juin 2022 et les initiatives se multiplient sur le plan économique. Dernière en date : l’ouverture au Mécanisme pour l’interconnexion en Europe (MIE). Mis en place dans le cadre du Green Deal et de la décennie du numérique, ce programme a pour objectif de développer des réseaux transeuropéens de transport et d’énergie plus écologiques et plus durables ainsi que la transformation numérique.
Son volet 2021-2027 prévoit des contributions financières aux Etats membres sous forme de subventions, avec des taux de cofinancement différents selon le type de projet : 25,8 milliards d’euros (Md EUR) pour le cofinancement de projets de transport, 5,8 Md EUR dans l’énergie (dont des projets transfrontaliers dans les énergies renouvelables) et 2 Md EUR pour le volet «numérique».
Dans le domaine des transports, les autorités et entreprises moldaves pourront demander des financements dès septembre 2023, date prévue pour le lancement des premiers appels. Priorité sera donnée aux actions qui renforcent la connectivité entre les réseaux européen et moldave. La Moldavie est en effet marquée par une forte influence russe. Comme dans les pays baltes, l’écartement des voies de chemin de fer y est par exemple le même qu’en Russie (1520 mm au lieu de 1435 mm).
Lancement des premiers appels à propositions en septembre et novembre
Il est déjà possible de demander le statut de projets d’intérêt mutuel (PIM) en matière d’infrastructures énergétiques, pour les projets d’infrastructures moldaves liés aux Etats membres. Ce statut constitue une condition préalable à l’éligibilité des promoteurs de projets à un financement au titre du volet «énergie» du MIE. Grâce à l’accord conclu aujourd’hui, de nouveaux financements deviendront accessibles pour ces projets en Moldavie.
La Commission publiera en novembre 2023 la prochaine liste des projets d’intérêt commun et, pour la première fois, de projets d’intérêt mutuel avec des pays tiers. La Moldavie aura également la possibilité de recevoir un soutien du volet «énergie» du MIE pour des projets transfrontières dans le domaine des énergies renouvelables.
Enfin, dans le domaine du numérique, le MIE soutient des projets d’intérêt commun en matière de connectivité, en particulier concernant les réseaux dorsaux reliant l’UE à des pays tiers, conformément à la stratégie «Global Gateway», ainsi que le développement d’infrastructures à haute performance sûres, y compris les réseaux gigabit et les réseaux mobiles de cinquième génération (5G).
Les promoteurs de projets moldaves pourront demander un cofinancement pour des projets visant à accroître la capacité, la sécurité et la résilience de la connectivité numérique entre la Moldavie et ses voisins de l’UE. La date des appels à propositions au titre de ce volet n’a pas encore été communiquée.
Ces financements et les projets qu’ils serviront seront les bienvenus dans un pays à l’économie fragile et dont les besoins en matière d’infrastructures sont criants. En parallèle de ces aides européennes pour de grands projets, la France contribue également au soutien à la Moldavie, dans les secteurs public et privé.
La France renforce son accompagnement vers l’intégration européenne
Présent sur place via Expertise France depuis 2021, le groupe AFD (Agence Française de Développement) a ouvert en février 2022 un bureau à Chisinau en février 2022. En juin 2022, l’État français a alloué, via l’AFD, un prêt de soutien budgétaire de 15 millions d’euros à l’État moldave, afin de maintenir les services essentiels pour les citoyens.
Par ailleurs, en cofinancement avec la Banque mondiale, un prêt budgétaire de 60 millions d’euros vise à soutenir les réformes de l’énergie et du rail. Des premiers projets de réhabilitation de voies sont en cours.
Du côté du secteur privé, Proparco a signé en mai 2022 sa première opération en Moldavie pour aider la principale institution de microfinance du pays, Microinvest, à servir un nombre accru de micro-entrepreneurs et de PME, notamment des entreprises en zone rurale et dans le secteur agricole. Ce projet devrait soutenir directement et indirectement le maintien de 3 600 emplois dans les cinq ans à venir.
La guerre créée des opportunités pour les entreprises françaises
L’accélération de l’intégration européenne de la Moldavie va ouvrir des marchés pour les entreprises européennes dans le transport, l’énergie et le numérique, trois secteurs dans lesquels l’offre française n’est pas en reste. Le conflit pourrait également créer es opportunités d’affaires pour les entreprises tricolores dans la sécurité et la défense.
Bucarest a en effet accueilli les 20 et 21 avril derniers la première édition des « French Defence & Security Days Roumanie – République de Moldavie » organisée par Business France et les services de l’Ambassade. Objectif : resserrer les liens économiques et industriels entre les entreprises tricolores. Une quarantaine d’entre elles ont fait le déplacement pour échanger sur la modernisation de la Défense, la sécurité aux frontières, la cybersécurité, la prévention des nouvelles menaces de guerre hybride, le renforcement ou encore le développement des coopérations industrielles et de recherche.
Malgré la proximité de la guerre, la Moldavie poursuit par ailleurs sa politique d’attraction des investissements directs étrangers grâce à une fiscalité douce qui a permis le lancement d’une dizaine de projets ces deux dernières années selon l’agence moldave pour les investissements. En septembre 2022 cette dernière a organisé une Moldova Business Week avec pour thématique « la Moldavie – une destination de la relocalisation et une solution pour la chaîne régionale d’approvisionnement ».
Car des entreprises européennes ont maintenu leurs projets d’investissement malgré le contexte actuel. C’est ainsi le cas du fabricant allemand d’équipements et d’appareils médicaux Beurer qui a ouvert en mars 2022 une usine de production à Comrat dans le Sud du pays et à 200 km du port d’Odessa.
Sophie Creusillet