Fondée juste avant la pandémie de Covid-19, la PME belfortaine Amoseeds a bénéficié de l’engouement pour les achats en ligne et les produits de santé et de bien-être. Grâce à une levée de fonds de 2,4 millions d’euros, elle s’apprête à lancer ses compléments alimentaires bio en Angleterre et aux États-Unis, des marchés très concurrentiels qu’elle entend pourtant conquérir grâce à la maîtrise de sa chaîne de valeur et à l’optimisation de ses coûts.
Graines de chia, psyllium bond, moringa, spiruline… « Nous sommes une niche dans la niche », sourit Boris Schottey, cofondateur d’Amoseeds avec Loïc Dibon, son associé, également consommateur de super-aliments, ces produits 100 % naturels aux bénéfices avérés pour la santé.
Si les ventes des compléments alimentaires en France ont augmenté de 6 % en 2021 pour atteindre 2,3 milliards d’euros (un record depuis 2014), celles de produits labellisés bio enregistrent une croissance encore plus fulgurante, de l’ordre de 15 % en parapharmacie et de 13 % en pharmacie, selon les données de Synadiet, le Syndicat national des compléments alimentaires. Bio ou pas, les ventes en ligne ont crû de 16 % en 2021 et explosé de 50 % par rapport à 2019.
Autrement dit, les deux dirigeants, qui se sont rencontrés sur les bancs de leur école de commerce à Lille, ont eu le nez creux en ouvrant un site de vente en ligne de compléments alimentaires bio. La PME de 13 salariés a triplé son chiffre d’affaires tous les ans depuis sa création, pour atteindre 8 millions d’euros en 2022. Et ce alors que le bio à de moins en moins la cote auprès des consommateurs dans le contexte de forte inflation actuel.
Une politique d’achats directs aux producteurs
« Nous ne sommes pas du tout concernés par la baisse de la consommation de produits bio, constate Boris Schottey. D’une part parce que le marché des compléments alimentaires est en pleine croissance et, de l’autre, parce que nous sommes très attachés à la transparence et à des prix justes alors que ce secteur a eu tendance à exagérer les prix et à ne pas être toujours clair sur l’origine des produits. » L’entreprise a ainsi décidé d’absorber une partie de l’inflation pour contenir la hausse des prix des matières premières et du transport.
Côté sourcing, la partie de Loïc Dibon, l’entreprise veille à se fournir au maximum directement auprès des producteurs d’une trentaine de pays et à garantir une traçabilité. Pour le guarana par exemple, elle se fournit auprès de 100 % Amazonia, une entreprise brésilienne qui cultive des fruits en pleine forêt amazonienne dans des conditions respectueuses de l’environnement et dont la production a reçu la certification bio de l’UE. En réduisant le nombre d’intermédiaires, Amoseeds réduit aussi ses coûts.
Les marketplaces pour tester l’international à moindre coût
C’est cette même stratégie d’optimisation des coûts fixes qui a conduit les deux dirigeants à opter pour le commerce en ligne et pour l’externalisation. La logistique et le stockage ont été confiés à la société toulousaine Bigblue, le conditionnement en gélules à TechProd, près d’Orléans, et la mise en sachets du vrac à l’ESAT (établissement et service d’aide par le travail) de Gennevilliers. Pour sa prospection des marchés étrangers, la PME mise également sur une solution peu onéreuse : les marketplaces.
Amazon, Cdiscount ou encore Nature & Découvertes proposent en effet des produits Amoseeds alors que l’entreprise dispose d’un site en propre. N’y-t-il pas risque cannibalisation ? « Les marketplaces nous font de la pub, répond Boris Schottey. Nous avons remarqué que quand des ventes baissent sur ces plateformes, elles augmentent sur notre site car nous proposons des informations sur nos produits, des réductions et un programme de fidélisation. Et les données que nous récoltons via les outils publicitaires de ces plateformes nous permettent de tester l’attractivité de nos produits sur des marchés étrangers sans dépenser des fortunes en prospection. »
Cap sur le sud de l’Europe et le grand export
Moins de trois ans et demi après sa création, l’entreprise réalise 87 % de ses ventes en France, 8 % en Belgique et le reste en Suisse et en Afrique francophone. « La demande internationale est forte et notre part de chiffres d’affaires réalisé à l’étranger va connaître une forte croissance, anticipe Boris Schottey. Nous allons bientôt ouvrir, via Bigblue, des stocks en Italie et en Espagne, deux marchés en plein essor. Dans le secteur des compléments alimentaires en Europe, les tendances partent d’Allemagne, atteignent la France, puis l’Italie, l’Espagne et enfin le Royaume-Uni. »
D’ici à la fin de l’année, ce sera au tour de l’Angleterre et des États-Unis, deux marchés hors UE qui demandent plus de préparation. Pour ce faire, la PME peut compter sur la levée de fonds de 2,4 millions d’euros qu’elle vient de réaliser auprès du fond FPCI Food Invest, conseillé par son partenaire, la société de conseils FoodXpert, et du fonds FPCI Invest Création 5.0. « Nous allons nous entourer d’un cabinet juridique pour les questions réglementaires, de spécialistes des douanes et d’experts du marché américain pour affiner notre stratégie marketing », détaille le dirigeant qui s’appuie sur le réseau de son partenaire et de ses investisseurs.
Pour la partie réglementaire, l’entreprise peut s’appuyer sur une spécificité française. A la différence de la plupart des produits alimentaires, la mise sur le marché de compléments alimentaires exige depuis 2006 une déclaration auprès de la DGCCRF (la direction générale de la Concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes) réputée exigeante.
Autre garantie de sérieux et de qualité, les produits d’Amoseeds sont tous approuvés par l’EFSA, l’autorité européenne de sécurité des aliments. Dans l’Union européenne, les compléments alimentaires sont en effet réglementés en tant qu’aliments et l’EFSA vérifie scrupuleusement les allégations nutritionnels mises en avant par les entreprises.
À la suite d’une consultation approfondie auprès du secteur de l’industrie et d’autres parties intéressées, l’EFSA a élaboré des orientations qui expliquent comment soumettre les demandes d’autorisation d’allégations. Les demandeurs qui souhaitent soumettre une demande d’autorisation d’allégation doivent respecter ces orientations.
Création d’une filiale BtoB
Avant de conquérir les États-Unis et l’Angleterre, la PME de Belfort va devenir un groupe grâce à l’ouverture d’une filiale BtoB, également destinée à travailler à l’international. Le carnet d’adresses qu’elle s’est constitué parmi les producteurs dans un trentaine de pays et son sourcing direct ont en effet attiré une nouvelle clientèle : des entreprises peinant à se fournir en matière première. Une société allemande a, par exemple, récemment fait appel à Amoseeds pour se fournir en insuline d’agave, qu’elle a ensuite revendu à un réseau de boulangeries.
« Ce sont des clients qui viennent vers nous, nous ne les avons pas démarchés, confie Boris Schottey. Ce qui les intéresse, c’est notre agilité et notre réactivité. Quand les délais d’attente de certaines matières premières dont de 6 mois à un an, nous pouvons les leur livrer en moins de trois mois. Et nous nous sommes rendu compte qu’il y a fait très peu de fournisseurs full service dans notre secteur. » L’idée est donc de répondre à ces demandes émanant de professionnels de secteurs tels que la distribution, les parapharmacies ou les marques.
Le dirigeant ne craint-il pas de nourrir la concurrence ? « S’ils veulent ces produits, ils les auront de toute façon, mais à des prix plus élevés que les nôtres. Cette nouvelle filiale va nous permettre d’élargir notre scope de clients et d’aiguiser notre connaissance du secteur. »
Pour mener à bien tous ces projets, l’entreprise embauche à tour de bras. Alors qu’elle compte aujourd’hui 13 salariés, elle va recruter prochainement 20 personnes pour développer la communication, la logistique et le marketing. En attendant, ses dirigeants songent déjà à de nouveaux marchés comme l’Afrique (ses compléments alimentaires sont déjà disponibles en magasin en Côte d’Ivoire) et l’Europe de l’Est, un marché actuellement en plein essor.
Sophie Creusillet