Les consommateurs ibériques, qui ont cumulé de l’épargne au cours de la crise sanitaire, ne devraient pas délier facilement les cordons de leurs bourses cette année, estime le Crédit Agricole dans une note de conjoncture. En cause, la récente dégradation des perspectives économiques du pays et l’incertitude provoquée par la guerre en Ukraine.
L’embellie n’aura pas fait long feu. Alors que la relance du secteur touristique et le rebond post-Covid de l’activité industrielle ont fait espéré au gouvernement espagnol une croissance de 2,1 % en 2023, la publication des révisions de perspectives de croissance du FMI en octobre dernier ont douché tout espoir de reprise. Le PIB espagnol ne devrait finalement croître que de 1,2 %. L’étude que le Crédit Agricole vient de publier table quant à lui sur 0,7 %.

« Divers facteurs exerceraient des pressions à la baisse sur les perspectives du taux de croissance de l’activité économique au cours des prochains trimestres : la persistance de l’inflation, la baisse de la confiance des agents et le maintien d’un haut degré d’incertitude (des aspects fortement influencés par les conséquences de la crise énergétique actuelle et du conflit armé en Ukraine) », égrène Ticiano Brunello, économiste au Crédit Agricole.
L’épargne pendant la crise sanitaire : un phénomène à la marge
Les Espagnols en profiteront-ils pour puiser dans leur épargne ?
Rien n’est moins sûr. Entre janvier et septembre 2020, l’épargne des ménages espagnols était supérieure de près de 4 points de pourcentage (pp) du PIB à celle observée, en moyenne, au cours des trois premiers trimestres des cinq années précédentes. Actuellement selon les données d’Eurostat, on peut estimer cette épargne a environ 120 milliards d’euros.
Or, selon les données de l’enquête Consumer Expectations Survey, élaborée par la Banque centrale européenne (BCE), les familles qui ont « mis de côté » au tout début de la pandémie ne représentent que 15 % des ménages. « Compte tenu de la petite taille de ce groupe de ménages, il semblerait que le recours à l’épargne cumulé n’aurait pas eu un impact très significatif pour les niveaux de dépenses globales », analyse le Crédit Agricole.
Des consommateurs prudents
Par ailleurs, l’enquête suggère que ces ménages n’ont pas l’intention de consommer plus que ceux qui n’ont pas épargné pendant les confinements. Et la banque de conclure : « On ne s’attendrait donc pas à ce que l’excédent d’épargne accumulée pendant la pandémie, dont la valeur en termes réels aurait déjà sensiblement baissé ces derniers mois en raison de la hausse des prix, donne un coup de pouce très important à la consommation des ménages au cours des prochains trimestres ».
Dans un contexte très incertain, où l’inflation devrait rester soutenue, les consommateurs espagnols demeureront prudents. De plus, la hausse importante du coût de la dette ces derniers mois pourrait également inciter les ménages à consacrer une partie de leur épargne accumulée au remboursement des emprunts, plutôt qu’à la consommation…
Sophie Creusillet