Le top 10 des risques supply chain révélé par le troisième baromètre Kyu relègue la crise sanitaire au 6ème rang alors que les grands donneurs d’ordres sont préoccupés par les incertitudes sur les ruptures d’approvisionnement. Présenté à la presse en avant-première de sa publication lors des Rencontres de l’AMRAE*, ce baromètre issu d’une enquête auprès d’une centaine de décideurs de grandes entreprises, est réalisé en partenariat avec cette dernière, l’école Arts et métiers et France Supply Chain.
Laurent Giordani, associé fondateur du cabinet Kyu et son associé Thibaud Moulin, ne machent pas leurs mots en présentant à la presse les principaux résultats de leur troisième baromètre des Risques supply chain : l’année 2022 se présente comme l’année des incertitudes.
« En 2019, le risque sanitaire était considéré comme fort peu probable », rappelle Laurent Giordani, faisant allusion aux résultats du baromètre 2020. Deux ans après, la Covid-19 a bouleversé la marche du monde, et si sur le plan macro-économique, cela va plutôt bien, avec une forte reprise de la demande, « les ruptures d’approvisionnement sont de plus en plus importantes » : « la supply chain a perdu en flexibilité », analyse-t-il, et cela « aura des conséquences sur les schémas d’organisation des supply chain dans les prochaines années ».
Le top 10 des risques – sur une vingtaine de risques soumis à l’appréciation des répondants- reflète ce climat d’incertitude dans lequel sont plongés bien des directeurs d’achats, des responsables Supply chain ou encore des Risk managers dans les grandes entreprises. Avec, logiquement, une dominante production, logistique, sourcing.
Entrée de la « controverse RSE » au top 10
Le manque de capacités de production pour répondre à la demande est le risque n° 1, avec 40 % des répondants qui le considèrent même comme « critique ». Exemple emblématique : l’automobile, dont le modèle du « Just in time » était le plus abouti, mais dont la reprise est freinée par la pénurie de semi-conducteurs alors qu’elle est par ailleurs confrontée à une transition vers l’électrique à marche forcée.
La crise logistique arrive en 2ème position, marquée par un « embouteillage monstre » au niveau mondial, qui se traduit par des hausses des délais et des coûts de livraison. Elle perdure et c’est à présent la pénurie de main d’œuvre qui frappe certains opérateurs logistiques qui inquiètent les entreprises.
Le risque cyber se hisse en 3ème position alors que les fournisseurs sont vulnérables et les systèmes de plus en plus interconnectés. La crainte d’une attaque cyber est grandissante.
Les problèmes de sourcing, très liés aux deux premiers risques des entreprises, arrivent 4ème : les entreprises « sont à la recherche des fournisseurs perdus », certains étant trop éloignés alors que les alternatives à proximité se sont raréfiées. Ils sont suivis au 5ème rang par la prévision des besoins, qui devient très compliquée dans l’environnement incertain actuel, sans données fiables.
La crise sanitaire n’arrive qu’en 6ème position, les décideurs supply chain craignant surtout l’impact de mesures de confinement provoquant des arrêts d’activités, comme c’est fréquemment le cas en Chine, ou la politique de « zéro Covid » entraîne périodiquement de telles mesures sur des régions entières. La crise économique, marquée par la flambée des prix des matières premières et de l’énergie ainsi que des salaires, est positionnée juste derrière, au 7ème rang.
Les catastrophes naturelles sont également au top 10, en 8ème position : liées au réchauffement climatique, leur « criticité » s’accroit, à l’instar de la vague de froid qui a paralysé le Texas en février 2021, affectant de nombreuses entreprises. Au 9ème rang, se hisse le défaut de qualité, alors que la pandémie a impacté l’organisation des entreprises et mis à l’épreuve leur système qualité.
Une nouveauté cette année : le risque de controverse sociétal et environnemental (RSE) fait son entrée dans le top 10, au 10 -ème rang. Alors que les attentes RSE se renforcent, le devoir de vigilance des donneurs d’ordre s’impose comme essentiel. Ce risque est perçu de plus en plus comme « un risque majeur » par les décideurs supply chain, selon Kyu, car ils sont aux premières loges. L’ampleur prise par le scandale du travail forcé des Ouïghours, qui malmène plusieurs multinationales du textile (dont les marques Nike, Zara, Lacoste…), en est un exemple emblématique.
L’année 2022 se présente comme « une traversée à haut risque pour la supply chain » résume Thibaud Moulin. Avec, pour le moyen long terme, l’enjeu de la « durabilité » qui s’impose dans tous les agendas.
C.G
*L’intégralité de l’étude du 3ème Baromètre des risques supply chain de Kyu sera en ligne sur le site du cabinet après sa présentation aux prochaines Rencontres du Risk management de l’AMRAE, du 2 au 4 février prochain.
