L´Australie ne se sent plus étrangère à son environnement asiatique. Preuve en est l´explosion de ses échanges avec la Chine, attirée par ses immenses ressources minières.
« L´Australie, un pays éloigné ? Oui, mais par rapport à quoi et à qui ? », s´interrogeait non sans malice l´ambassadeur de ce pays en France, David Ritchie, lors d´un séminaire d´Ubifrance, intitulé « Profiter du dynamisme australien ». Et le diplomate d´expliquer que si sa patrie est éloignée de l´Europe, elle est proche de l´Asie, ce qui est un avantage au regard de l´émergence de grandes puissances, comme l´Inde et la Chine.
« Nous développons nos relations avec l´Asie-Pacifique », a renchéri David Ritchie. Des accords de libre-échange (ALE) ont été conclus avec les Etats-Unis, la Nouvelle-Zélande, Singapour, la Thaïlande, l´Asean et d´autres vont être signés avec la Chine, le Japon, la Corée du Sud et la Malaisie. L´époque où le sous-continent australien, vaste comme 14 fois la France, à la culture occidentale, se sentait isolé dans un monde asiatique, semble lointain.
Aujourd´hui, ce pays de 22,4 millions d´habitants, « qui devrait afficher une croissance économique de 3 % cette année et de 3,5 à 4 % en 2011, est devenue une terre d´immigration », souligne Didier Mahout, le directeur de BNP Paribas Australia, une banque de 800 personnes comptant 37 nationalités différentes.
« L´an dernier, les exportations de charbon de l´Australie à la Chine ont été multipliées par dix et la Chine est devenue, devant le Japon, son premier partenaire commercial », annonce Didier Mahout, qui préside également la section locale des Conseillers du commerce extérieur de la France (CCEF).
D´après la base de données GTA/GTIS, les échanges bilatéraux sont passés de 27,9 milliards d´euros pendant les huit premiers mois de 2009 à 41,1 milliards en glissement annuel en 2010, dont 16,5 milliards à l´importation (équipement mécanique, matériel électrique…) et 24,6 milliards à l´export (aux deux tiers des minerais). La Chine, peu à peu, investit, en achetant de petites mines en difficulté ou en développement.
De son côté, Canberra estime que le géant asiatique constitue un excellent débouché pour ses énormes réserves d´uranium (40 % du total mondial), de nickel (37 %), de plomb (26 %) ou de zinc (18 %).
L´urbanisation croissante de la Chine, la migration de quelque 600 millions de Chinois des campagnes vers les villes, vont entraîner des besoins immenses en matière d´énergie et de matières premières. L´Australie veut être la base privilégiée d´approvisionnement de la première économie émergente.
L´Australie peut être aussi une plateforme de production et d´exportation dans le Pacifique, affirme Michel-Henri Carriol, président de Trimex, une société d´importation de parfums et cosmétiques français. « Ce pays, souligne-t-il, est un excellent point de départ pour aborder la Nouvelle-Zélande et les îles du Pacifique, comme la Nouvelle-Calédonie, Tonga ou les Samoa. »
Par ailleurs, l´Australie, selon lui, serait devenue « un marché pilote pour entrer aux Etats-Unis, pays d´expression anglaise aux méthodes de consommation proches ».
Une opportunité que ne semblent pas vouloir saisir les sociétés françaises, regrette Michel-Henri Carriol. En revanche, « des entreprises allemandes utilisent cette stratégie ».
François Pargny
Canberra investit dans des infrastructures performantes
« Les besoins en matière d´infrastructures en Australie sont estimés à 570 milliards d´euros », détaillait Stephan Dubost, directeur Australie Ubifrance, lors d´un séminaire de l´agence publique à Paris.
En matière de télécommunications, par exemple, 25 milliards sont prévus pour un réseau numérique haut débit, 55 milliards pour les transports urbains à Sydney et Melbourne ou encore 13 milliards pour un programme d´investissement public.
« L´eau, c´est le goulot d´étranglement absolu de l´économie australienne, pour l´agriculture et le développement des villes », lance Didier Mahout, président de la section Australie des Conseillers du commerce extérieur de la France (CCEF). Des systèmes de concessions et des partenariats privés-publics (PPP) seront mis en place. Les collectivités locales veulent se doter d´usines de dessalement d´eau de mer, « mais il y a aussi des contrats d´assistance et de maintenance à gagner », insiste Didier Mahout.
« Les grandes villes manquent d´eau, son prix est trop faible et il y a beaucoup de gaspillage et de pertes dans les réseaux, faute d´entretien », précise Philippe Maillard, directeur général de Sita, filiale de GDF Suez spécialisée dans les déchets. La Mission économique (ME) Ubifrance en Australie organisera ainsi l´an prochain une mission collective, à l´occasion du salon et de la conférence sur l´eau Ozwater (Adélaïde, 9-11 mai).
La ME a prévu aussi une opération dans le gaz, avec la mise en place d´un espace France et de rencontres d´acheteurs, lors de l´exposition et la conférence Global Gas Trading & Technology (Perth, 19-21 septembre). « Dans les dix ans, assure Didier Mahout, l´Australie va devenir le deuxième producteur mondial de gaz naturel liquéfié (GNL), derrière le Qatar. » Plusieurs grands projets sont lancés, comme Gorgon en Australie de l´Ouest (15 millions de tonnes prévues par an) ou Ichthys dans le Territoire du Nord (8 millions de tonnes), associant le français Total et le japonais Inpex.
Récemment, le champion français est entré aux côtés de Petronas et Santos, pour un montant de 750 millions de dollars, dans un projet de production de GNL à partir de l´extraction de gaz de charbon dans le Queensland (7,2 millions de tonnes). Services sociaux, traitement des déchets ou électricité, « le gouvernement australien a décidé d´en finir avec un manque d´infrastructures qui coûte un point de croissance chaque année au pays », indique Jean-Baptiste Nithart, directeur de l´investissement pour l´Europe au sein d´Austrade, l´organisme australien de promotion des exportations et de l´investissement. Alstom suit ainsi des projets d´acquisition de tramways et d´équipements ferroviaires à Melbourne et participe, comme Keolis, Veolia et Thales, aux consortiums qui ont répondu à l´appel d´offres pour la construction d´un autre tramway, à Gold Coast (Queensland).
Très attaché à l´environnement, « l´Etat australien s´est engagé en 2007 à porter à 20 % la part des énergies renouvelables dans la consommation australienne », souligne encore Jean-Baptiste Nithart. Un objectif qui s´ajoute à celui de diminuer de 5 à 15 % les émissions de gaz à effet de serre.
Selon Jean-Baptiste Nithart, « au moment où l´exploitation minière exige un usage croissant d´énergie, le renouvelable peut être utilisé ». Parmi les réalisations les plus marquantes, figure déjà la ferme éolienne de Waubra, d´une capacité de 192 mégawatts. Les investisseurs étrangers semblent légion à s´intéresser à l´électricité d´origine éolienne, comme Mitsui, Union Fenosa, Investec ou Acciona. Pour parvenir à son objectif en matière d´énergie verte, le gouvernement australien compte surtout favoriser des opérations dans les secteurs éolien et géothermique.
François Pargny
La France septième investisseur en Australie
« En fonction des livraisons dans le secteur aéronautique, les ventes de la France à l´Australie varient de 2 à 2,5 milliards d´euros par an et sa part de marché fluctue entre 2,2 et 3,2 % », affirme Stephan Dubost, directeur Australie Ubifrance, qui précise « qu´après une baisse de 29 % en 2009, elles ont regagné 58 % au premier semestre 2010. » Au final, grâce au poste aéronefs et engins spatiaux, « les exportations françaises s´élèveront à 3 milliards d´euros cette année », estime Stephan Dubost. La France est aussi le septième investisseur en Australie, avec un stock d´environ 5 milliards d´euros.
F. P.
Témoignage : David Coléon, directeur Asie-Pacifique de SPF Diana
Diana Ingrédients est un spécialiste des ingrédients alimentaires. Sa division SPF Diana fabrique des arômes pour les aliments des animaux de compagnie. En 2000, la PME bretonne a créé en Australie sa première filiale en Asie-Pacifique, SPF Diana Australia, « pour suivre ses clients industriels comme Nestlé », précise le directeur Asie-Pacifique, David Coléon.
Un choix naturel, au regard de l´importance du marché des aliments pour animaux de compagnie en Australie
– 700 millions d´euros par an, soit 2,5 % du marché mondial – et du rôle prépondérant dans la région de ce pays, représentant 50 % des 800 000 tonnes d´aliments produits chaque année en Asie-Pacifique.
À l´international, SPF Diana s´était d´abord établi sur le continent américain, aux Etats-Unis, au Brésil et en Argentine. C´est, ensuite, avec l´appui de Bretagne International, bras armé du Conseil régional à l´international, que l´entreprise a décidé d´effectuer aux antipodes sa quatrième implantation hors de l´Hexagone.
Comme dans l´industrie agroalimentaire la qualité et la fraîcheur des produits sont essentielles, SPF Diana s´est associé avec Baiada Poultry, le numéro deux australien de la volaille, disposant d´abattoirs sur tout le territoire national. SPF Diana a ainsi pu installer une unité de production et un bâtiment sur un site de son partenaire australien à Beresfield (Nouvelle-Galles du Sud). « Aujourd´hui, l´entreprise produit localement 8 000 tonnes d´arômes pour l´Australie et la région », se félicite David Coléon. SPF Diana Australia a ainsi dépassé son concurrent américain, pourtant installé quelques années plus tôt, devenant du même coup le leader sur son marché.
« Les débuts ont été difficiles, reconnaît David Coléon, mais la société a su se structurer autour de sa patronne, qui est aussi la directrice commerciale ». Le personnel, une quinzaine de salariés, est essentiellement australien. « Des ressources humaines sont parfois envoyées de France pour des raisons techniques », complète David Coléon.
François Pargny
Groupe Marais : Une PME sur les marchés du haut débit, de l’éolien et du gaz
Groupe Marais conçoit et fabrique des matériels de pose destinés aux réseaux de télécommunication, de gaz et d´électricité. Cette PME de 170 salariés réalise une trentaine de millions d´euros de chiffre d´affaires annuel, dont 30 % à l´export. Dans un premier temps, elle a été attirée en Australie par l´énorme projet de réseau Internet à haut débit, le National Broadland Network (NBN), qui doit permettre le raccordement de 90 % de la population à l´horizon 2018. « Nous regardons aujourd´hui de près le marché des éoliennes », expose le président, Etienne Dugas. Canberra a fixé l´objectif de 20 % d´énergies renouvelables d´ici 2020 et, en avril 2009, 13 % des projets de production électrique étaient d´origine éolienne.
Autre secteur qui intéresse Groupe Marais, le gaz. En 2008, l´entreprise de Maine-et-Loire a fondé en Australie Marais Lucas Technologies. Il s´agit d´une joint-venture 50/50 avec Lucas, une société qui construit notamment des infrastructures dans le secteur parapétrolier ou le dessalement d´eau de mer. Marais Lucas Technologies suit les projets fort nombreux en ce qui concerne le gaz naturel liquéfié (GNL), mais aussi les gaz dits non conventionnels. L´Australie est ainsi le seul pays à vouloir expérimenter à grande échelle, après l´ex-URSS, la technique de la gazéification du charbon pour le transformer en carburant ou l´injecter dans des centrales électriques.
François Pargny