Le 1er janvier à minuit heure locale, l´Estonie, qui fut le premier pays ex-soviétique à abandonner le rouble en 1922, est devenue le dix-septième pays membre de la zone euro, alors que la monnaie commune traverse une crise sans précédent. L´ancien Tigre balte, durement frappé par la crise, devrait profiter de ce passage à l´euro pour rassurer les investisseurs étrangers et dynamiser ses échanges commerciaux.
« C´est un petit pas pour la zone euro, mais un grand pas pour l´Estonie », a lancé le Premier ministre Andrus Ansip (centre droit), une poignée de billets à la main, alors qu´il venait de retirer des euros à un distributeur mis en place pour l´occasion, le 1er janvier à Tallinn.
De fait, l´adoption de la monnaie unique par l´Estonie peut paraître anecdotique. Le pays compte 1,3 millions d´habitants et son PIB (14 milliards d´euros en 2009) représente moins de 1 % du PIB de la zone. Mais en ces temps de crise de confiance dans l´euro, le symbole est fort. Et les autorités estoniennes comptent sur la nouvelle devise pour revivifier l´économie du pays, laminée par la crise.
En 2009, le PIB estonien a en effet chuté de 14 %, mais a rebondi en 2010 à partir du troisième trimestre (+ 5 %), et le FMI prévoit une croissance de 4 % en 2011. Le taux de chômage atteint 15,5 % de la population active, contre 10,1 % en moyenne dans la zone euro, le salaire moyen était de 760 euros au troisième trimestre 2010, et le PIB par habitant est le plus faible de la zone (10 350 euros par an). Devant ce sombre tableau, le gouvernement estonien compte évidemment beaucoup sur les avantages de la nouvelle monnaie.
A commencer par un rééquilibrage des échanges avec ses partenaires commerciaux traditionnels, en particulier la Finlande voisine et la Suède. Mais il y a loin de la coupe aux lèvres. Comme le souligne la Lettre du 28 décembre 2010 de l´OFCE, le Centre de recherche en économie de Sciences Po, « une résorption durable des déséquilibres commerciaux nécessite une réduction drastique des importations de biens de consommation et un maintien des exportations de biens non manufacturés ».
Si la baisse du revenu des ménages a permis une baisse des importations, le maintien des exportations, destinées à 60 % à des pays européens, dépend de la bonne santé économique de ses partenaires commerciaux. « Or cette reprise n´est pas encore bien assise, ce qui pour l´instant assombrit les perspectives d´une résorption durable des déséquilibres commerciaux estoniens », précise l´OFCE. Notons que la France, qui a perdu 23 % de part de marché entre 2009 et 2010, selon la base de données GTA de GTIS, a été en 2010, avec 113,3 millions d´euros, le 13ème fournisseur de l´Estonie, où elle exporte principalement des automobiles, des boissons alcoolisées, des biens d´équipement et des produits pharmaceutiques.
En revanche, l´euro devrait profiter plus rapidement aux investissements directs étrangers, en faisant disparaître le spectre d´une dévaluation de la devise nationale. Un facteur rassurant pour les investisseurs, auquel viennent s´ajouter la bonne résistance du système bancaire à la crise financière et la solidité des comptes de l´Etat estonien, qui fait figure de bon élève en matière de rigueur budgétaire (la dette publique atteint 1,3 % du PIB).
Investir ou exporter en Estonie suppose de voir à long terme et y faire des affaires n´est pas encore chose aisée. Les principales notes de risque pays portant sur le pays ont d´ailleurs été dégradées en 2010. L´OCDE ne lui accorde depuis avril 2010 que 4/7 contre 3 /7 auparavant, la Coface lui a attribué en juin un A4 et Euler Hermes a dégradé sa note de B à C en mai.
Sophie Creusillet