Qui peut ignorer la Chine, même si son économie ralentit ? D’après les dernières Perspectives économiques de la Banque mondiale, sa croissance en 2019 devrait « tomber à 6,2 % », un taux à faire pâlir n’importe quelle nation occidentale, y compris les États-Unis. Jean-Pierre Raffarin s’est fait fort de le rappeler, le 9 janvier, lors d’une réunion organisée par le Réseau XChine (Cercle des exportateurs français en Chine et des chefs d’entreprises chinois implantés en France). Le représentant spécial de la France pour la Chine déclarait ainsi que « le marché de la Chine, devenue la deuxième économie du monde, est impératif ».
Quelque 1 000 entreprises de l’Hexagone sont présentes dans ce pays et, se félicitait l’ancien Premier ministre, « si nous conservons un déficit commercial, il diminue, ce qui montre que nos entreprises peuvent réussir ». Et, pour preuve de son optimisme, Jean-Pierre Raffarin précisait qu’en 2017 les exportations de la France avaient progressé de 18 %, un chiffre trois plus important que la hausse de ses importations (+ 6 %).
En fait, aux regards des statistiques du commerce de biens fournies par la base de données GTIS (groupe IHS Markit), le déficit commercial de la France est resté supérieur à 30 milliards d’euros tant en 2016 qu’en 2017. En un an, les exportations sont ainsi passées de 16 milliards à 18,8 milliards d’euros et les importations de 46,3 milliards à 49,2 milliards.
De même, sur les onze premiers mois de 2018, le déficit commercial n’a pas beaucoup évolué, passant en un an de 28,3 milliards d’euros à 27,23 milliards. Dans le détail, les exportations de l’Hexagone ont gagné 10,56 % à 18,63 milliards, alors que les importations n’ont augmenté que de 1,67 % à 45,86 milliards.
Des livraisons insuffisamment diversifiées
Si on poursuit cet examen secteur par secteur, on s’aperçoit que la bonne performance des exportations doit beaucoup au poste navigation aérienne et spatiale, qui a gagné 48,21 % en 2017 et 39 % sur les onze premiers mois de 2018. Quand la décision a été prise par Airbus de s’implanter à Tianjin par Jacques Chirac et Jean-Pierre Raffarin, alors Premier ministre (mai 2002-mai 2005), « nous avons été décriés, a rappelé ce dernier, mais maintenant Airbus s’en félicite ».
Reste que la France doit pouvoir diversifier ses exportations, encore très dépendantes de deux secteurs : navigation aérienne et spatiale (32 %) et mécanique (15 %). C’est pourquoi le président du groupe d’amitié France-Chine à l’Assemblée nationale, le député LRM (La République en Marche) Buon Tan, déplorait que les entreprises françaises ne soient pas plus mobilisées lors de la 1er Foire internationale des importations de Chine (CIIE), organisée à Shanghai du 5 au 10 novembre dernier. Selon lui, « elles ne sont pas assez proactives. Elles devraient proposer des coopérations sur le marché domestique et des partenariats sur les pays tiers, notamment en Afrique ».
Un risque de crise économique mondiale
Les « intérêts communs en matière de marchés », il faut les valoriser, sans gommer « les désaccords politiques que nous avons avec Pékin », par exemple s’agissant des droits de l’Homme. Jean-Pierre Raffarin rappelait aussi que la Chine et la France ont sur le monde une vision qui peut être « partagée ». Et de citer « la défense du multilatéralisme, la lutte contre le changement climatique ».
A l’inverse, les relations se sont dégradées avec les États-Unis « qui se félicitent du Brexit et ferment l’Iran à nos entreprises ». La Chine ayant retrouvé la place qu’elle avait avant la révolution industrielle sur la scène internationale, Washington ferait tout pour ralentir son développement.
Or, selon Jean-Pierre Raffarin, « bien que la Chine affiche encore une croissance annuelle de 6,5 % de son économie, ralentir son économie est possible, ce qui serait dangereux, car il y aurait aussi un risque de ralentissement de nos économies ». Ce risque doit être pris au sérieux, car Donald Trump pourrait penser qu’en freinant l’essor de la Chine il disposerait d’un excellent argument de campagne pour sa réélection aux présidentielles de 2020.
J-P. Raffarin : jouer « l’équilibre » entre Pékin et Washington
Dans le combat engagé par Washington avec Pékin, Paris ne doit pas prendre parti, doit « défendre son indépendance et jouer l’équilibre », en faisant la promotion du multilatéralisme, mais aussi « d’une économie ouverte et règlementée ». Tout comme la France ne doit pas refuser de participer à la Route de la Soie, comme le veulent les États-Unis qui promeuvent l’America First.
« On peut discuter sur la Route de la Soie. Chacun a ses intérêts et les défend, ce qui est normal », soutenait encore Jean-Pierre Raffarin, qui a effectué plus de 100 déplacements en Chine. En revanche, selon lui, il ne faudrait « pas tomber dans des logiques émotionnelle et belliqueuse ».
François Pargny