La visite officielle de deux jours d’Emmanuel Macron au Nigeria au début du mois (3-4 juillet), a notamment été marquée par sa visite très médiatisée –en France comme en Afrique sur les réseaux sociaux– à la mythique discothèque Shrine fondée à Lagos par le musicien de dimension internationale feu Fela Kuti, inventeur de ‘l’Afrobeat’ et pourfendeur de la corruption du pouvoir dans son pays et sur le continent, et rénovée depuis par son fils Fémi, que le président de la République avait fréquenté quinze ans plus tôt lors de son stage à l’ambassade de France dans le cadre de sa scolarité à l’École nationale d’administration (ENA).
Cette visite inhabituelle, pour un chef d’État, a été interprétée par nombre d’observateurs –et à juste titre– comme un symbole de relations franco-africaines désormais ancrées dans la modernité et la transparence, ouvertes sur la jeunesse et l’Afrique non francophone.
La précédente visite d’un chef d’État français remontait à mai 2016, alors que François Hollande s’y était rendu pour participer à un sommet régional sur la lutte contre le groupe terroriste Boko Haram.
Avec son homologue, Muhammadu Buhari, qu’il avait reçu à l’Élysée le 12 décembre 2017 dans le cadre d’une visite officielle qui avait déjà permis de relancer les relations bilatérales, Emmanuel Macron a d’ailleurs d’abord parlé du défi sécuritaire auquel le Nigeria, en particulier au Nord et au Nord-Est, est confronté avec la présence de ce groupe terroriste facteur d’insécurité dans toute cette sous-région, et à la coopération forte avec la France dans ce domaine. Mais il s’agissait aussi d’élargir le partenariat entre la France et ce « géant d’Afrique », dans les domaines culturels, sportifs et économiques.
Rapprocher les milieux d’affaires
Pour Paris, les enjeux économiques et commerciaux sont loin d’être négligeables : première économie du continent africain, mais aussi première population avec 190 millions d’habitants, ce grand pays anglophone producteur de pétrole, dont est issue une nouvelle génération d’entrepreneurs panafricains de la finance, de l’industrie et du commerce comme Aliko Dangote, n’occupe pas la place qu’il mérite dans les radars des entreprises françaises.
En 2017, durement touché par l’effondrement des prix de l’or noir, avec des ventes en baisse de plus de 7,5 % (1,071 milliard d’euros d’exportations), il n’était qu’au 52ème rang des pays clients de la France , juste derrière la Côte d’Ivoire 8 fois moins peuplée.
Traditionnellement implantée en Afrique francophone, la France « n’est pas assez présente » au Nigeria a insisté le président français lors de son déplacement. En phase de reprise économique (+1,9 % attendu en 2018 par le FMI), le pays offre en outre de nombreuses opportunités d’affaires dans des secteurs très variés, de la filière agricole aux infrastructures. Le chef de l’État français, qui a ouvert le Forum économique franco-nigérian lors duquel il a échangé directement avec des entrepreneurs nigérians, avait fait le déplacement avec une délégation de 15 entreprises tricolores conduite par Business France, représentant une grande variété de secteurs*.
Signe d’une volonté partagée de dynamiser les contacts directs entre milieux d’affaires des deux pays, c’est lors de cette visite présidentielle qu’a été lancé le premier club d’investissement franco-nigérian, dont Cathya Lawson-Hall, patronne des activités de banque de financement et d’investissement Afrique chez Société Générale, a pris la tête. Parmi les fondateurs, les groupes Aliko Dangote et LVMH, mais aussi de jeunes sociétés comme Janngo, de l’entrepreneure sénégalaise Fatoumata Bâ..
Par ailleurs, cette visite à été marquée par divers accords commerciaux et institutionnels prometteurs.
Olmix et Ceva Santé Animale avancent dans le domaine de l’agriculture
Dans la délégation emmenée par Business France, composée de nombreuses sociétés qui découvraient ce vaste marché, la PME ABC, spécialisée dans la distribution de cosmétiques et accessoires de beauté, a eu « des contacts très positifs » en vue d’installer à Lagos une antenne panafricaine.
D’autres entreprises qui ne faisaient pas partie de cette délégation ont aussi profité de cette visite présidentielle pour formaliser des accords. Le groupe breton Olmix, spécialiste de la production d’additifs naturels à base d’algues, d’argile et d’oligo-éléments destinés à la nutrition animale et humaine et à l’agriculture, a ainsi signé avec la société nigériane Dangote Agro, un accord de collaboration mutuelle afin de promouvoir au Nigeria l’utilisation des technologies à base d’algues dans le domaine de l’agriculture et de la santé humaine. Il comprend notamment l’amélioration de la production agricole tout en limitant l’utilisation de produits chimiques grâce à l’application des gammes Olmix Plant Care (engrais à base d’algues et fertilisants foliaires/biostimulants) et le développement de la production locale d’algues.
De son côté, le laboratoire vétérinaire Ceva Santé Animale a signé un protocole d’accord avec Olam Hatcheries, entreprise agro-industrielle spécialisée dans les couvoirs et filiale du groupe international basé à Singapour Olam, à qui il fournit notamment des vaccins pour ses poussins. Ce protocole d’accord vise à optimiser leur collaboration et leur coopération technologique dans deux domaines : faire du laboratoire de diagnostic vétérinaire d’Olam dans la région de Kaduna une référence pour l’Afrique subsaharienne ; développer des laboratoires privés dans d’autres régions du Nigeria. L’accord porte également sur la formation par Ceva des managers et équipes terrain d’Olam aux techniques de vaccination, au diagnostic à la ferme et à l’analyse en laboratoire. Il prévoit enfin la mise en place de projets de recherche, locaux et internationaux, impliquant d’autres partenaires scientifiques, dans le secteur de la volaille nigériane.
L’AFD augmente son engagement et noue un partenariat avec la fondation Elumelu
De son côté, Rémy Rioux, directeur général de l’Agence française de développement (AFD) a signé deux importantes conventions avec la ministre fédérale des Finances du Nigeria, Kemi Adeosun.
La première concerne le financement d’un projet pour améliorer l’accès à l’eau potable et la qualité du service d’eau dans l’État de Kano, au nord du pays. la convention de crédit porte sur un montant de 75 millions de dollars à des conditions concessionnelles et doit contribuer à la mise en place d’un « service d’approvisionnement en eau efficace et durable », a détaillé l’AFD dans un communiqué.
La deuxième convention concerne le financement d’un programme pour améliorer la mobilité urbaine de Lagos, la plus grande ville du pays (12 millions d’habitants). Il s’agit d’une lettre d’intention en vue d’une aide de 200 millions d’euros apportée par l’AFD à un projet pour le développement à Lagos de huit corridors d’autobus prioritaires reliés au réseau de transport en commun, d’une longueur totale de 41 kilomètre. Le projet permettrait à 1,5 million d’habitants d’accéder à un système de transport de qualité. Il vise également à limiter la congestion routière pour améliorer ainsi la qualité de l’air.
En parallèle à ces deux accords bilatéraux, l’AFD a profiter de la visite présidentielle pour annoncer avec la National Basketball Association (NBA) leur intention de promouvoir la cohésion sociale en développant conjointement des infrastructures de basket-ball, le deuxième sport le plus populaire sur le continent, et en lançant des programmes, événements et initiatives en faveur des jeunes en Côte d’Ivoire, au Maroc, Sénégal, Nigeria et dans d’autres pays d’Afrique. La NBA et l’institution financière française ambitionnent ainsi de fournir des équipements pour les séances d’entrainement de basket-ball à des jeunes et entraîneurs. « Nous sommes ravis d’être partenaire de la NBA en Afrique, car le sport et le développement durable vont de pair », a déclaré Rémy Rioux, directeur général de l’AFD, cité dans le communiqué.
Enfin, lors de la visite du président français Emmanuel Macron à Lagos, la principale organisation philanthropique africaine, la Fondation Tony Elumelu –nom de son fondateur et banquier nigérian–, a signé un accord de partenariat avec l’AFD pour promouvoir et soutenir les jeunes entrepreneurs et l’entrepreneuriat en Afrique. Il fait suite à un protocole d’accord préliminaire signé en octobre 2017 lors du forum annuel sur l’entrepreneuriat à Lagos.
Objectif de ce partenariat public-privé innovant : faciliter l’accès au financement des PME, à travers un cadre de garantie de partage des risques accordé par l’AFD aux banques commerciales en Afrique pour leurs prêts aux bénéficiaires du programme TEF Entrepreneurship de la Fondation. Actuellement, 4 000 de ces bénéficiaires seraient recensés dans l’ensemble des 54 pays d’Afrique. Un signe également de la volonté de la France de davantage travailler avec les entrepreneurs africains…
Venice Affre
*ABC Distribution (cosmétiques), Amplement (outils de communications unifiées, de collaboration et de réseaux sociaux professionnels en mode SaaS à destination des entreprises et du grand public) ; Apexagri (étude et conseil international dans le développement de filières agroalimentaires performantes et durables) ; Biocodex (laboratoire pharmaceutique) ; Blue Whale (centrale française de commercialisation/exportation de pommes) ; ETS Paul Toupnot (production de conserves de viandes) ; HMY Bu West (équipements pour la distribution) ; Innelec (distribution de produits multimédia : jeux vidéo, accessoires gaming et audio, produits dérivés et licences), Lise Baccara (fabrication artisanale d’apéritif et de liqueur) ; Morphosis (collecte des déchets électroniques pour la valorisation des métaux) ; Solvéo Energie (conception et maîtrise d’œuvre de centrales photovoltaïques et parcs éoliens) ; SummView (plateforme de distribution de contenus et de services numériques) ; Surys (authentification, sécurité de l’identité) ; THG (robinetteries et accessoires de salle de bains haut de gamme) ; Valgo SA (dépollution et revalorisation de sites).
